Rien n'y a fait : ni la recrudescence de terrorisme censée rassembler le pays ; ni le coût, pour les grévistes, des journées non-travaillées, ce qui ne les empêche pas, d'ailleurs, d'en réclamer le salaire, revendication qui s'ajoute aux autres ; ni le coup porté par ce conflit social d'ampleur exceptionnelle bien dans la tradition française. Le calendrier abscons, d'une complexité trigonométrique, de ces arrêts de travail, fait déjà figure de repoussoir. Aller travailler, mais quel jour et à quelle heure ? Une grève générale eût été plus simple à gérer pour les usagers, mais qui s'intéresse à eux ? Pas les organisations syndicales.
C'est la CGT qui a décidé ce maelström, comme le minuscule remorqueur tire vaillamment l'énorme paquebot. C'est elle qui a imposé sa volonté, sinon à Sud-Rail, encore plus intransigeant, aux autres syndicats, profondément partagés entre la nécessité d'apporter une réponse à l'action gouvernementale et celle de ne pas exposer leurs militants à l'exaspération populaire. Pour ne pas paraître se soumettre à un Etat lancé dans son marathon réformiste, il fallait bien donner un coup d'arrêt, envoyer un signal, essayer quelque chose. Mais quoi ? Comme la France a tout vu, en matière de manifestations, de grèves, de protestations, d'expressions multiples du mécontentement, ils ont trouvé une idée de génie : une grève dite « perlée », c'est-à-dire discontinue, un peu comme s'ils offraient une douceur en même temps que la potion amère. Perlée ? Une horreur en vérité, car les cheminots ont compris le mot d'ordre non pas comme une recommandation de clémence à l'égard des usagers, mais comme une grève dure, avec des journées d'arrêt de presque 36 heures, et une confusion dans les horaires ou les dates qui obligeront leurs victimes à construire des stratégies innovantes de transport en commun, des plannings de travail absurdes et intenables, des prévisions qui seront nécessairement inapplicables.
Vous n'irez pas au travail le jour dit, mais le lendemain, oui. Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, a fait le pari que cette action de trois mois, avec jours roulants et jours immobiles, ne rendrait pas les cheminots populaires. Et, si l'on en croit les micro-trottoirs, il n'aurait pas tort. Il y a encore des usagers pour dire qu'ils « comprennent » la grève, qu'ils se sentent solidaires. Après une semaine de galère ou de perte patielle de revenus, ils auront peut-être une autre opinion. Mais après trois mois, pour sûr, l'épuisement et la colère leur dicteront un avis cinglant.
Une stratégie qui a 150 ans
Ce qui est surprenant, c'est que la CGT n'ait pas compris le danger auquel elle expose ainsi le mouvement syndical qui, déjà, n'a pas une cote très élevée, ne rassemble pas beaucoup de travailleurs (quelque 8 %) et au sein duquel elle n'a plus la première place. Sans lui faire offense, ne peut-on pas imaginer que M. Martinez, conscient de la faiblessse de son influence, s'est lancé dans la politique du pire ? Qu'il est, face à un monde en plein changement, le plus conservateur des opposants ? Qu'il trouve, dans des idées qu'il est le seul à nourrir, une forme de refuge, du genre après moi le chaos ? Ce sursaut de froide et méchante colère contre le pouvoir, mais aussi les partis politiques, et les Français en général trouve son inspiration chez Emile Zola. M. Martinez croit que nous sommes à l'époque de Germinal.
Si, par extraordinaire, la réforme de la SNCF est abandonnée, la SNCF sera quand même réformée. Pas par la volonté d'un gouvernement, mais sous l'effet d'une concurrence sauvage qui, à partir de 2020, contraindra la CGT à gérer les licenciements que la réforme proposée aujourd'hui ne suggère même pas.
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