DEPUIS quelque temps, la tension monte autour des grands conditionnements. La dernière journée de l’économie de l’officine organisée par « le Quotidien » avait ainsi été la scène d’escarmouches entre représentants de l’officine et des pouvoirs publics. Motif de la querelle : le poids des grands modèles sur l’économie de l’officine (voir encadré). Le désaccord porte également sur la gabegie potentielle engendrée par les emballages trimestriels. « Il y aurait du gaspillage ? Prouvez-le ! » avait alors lancé Noël Renaudin, président du Comité économique des produits de santé (CEPS).
L’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) a relevé le défi. En passant au crible les prescriptions sur un an de 20 758 patients souffrant de diabète, d’hypertension artérielle, d’ostéoporose ou d’excès de cholestérol, le syndicat a montré que près d’un quart de ces malades chroniques avait changé de traitement avant d’avoir terminé leur boîte de trois mois. Résultat, selon l’USPO, la non-utilisation de ces médicaments entraîne un surcoût pour la collectivité de 36 millions d’euros par an. Une dépense qui pourrait être évitée si l’on mettait fin aux grands modèles, estime le syndicat.
58 millions d’euros d’économies.
La perspective n’emballe guère la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM), qui rétorque en présentant les résultats de sa propre enquête. Pour l’organisme payeur, il n’y a pas de doute, les grands conditionnements sont bien source d’économies, à hauteur de 105 millions d’euros. La raison est simple, ceux-ci coûtent 13 % moins chers que l’équivalent en présentation mensuelle. Sauf que les 105 millions d’euros avancés par la CNAM englobent non seulement les économies pour l’assurance-maladie, mais aussi celles pour les assureurs complémentaires et les patients qui ne payent plus qu’une seule franchise au lieu de trois. Les syndicats ont quelque peu le sentiment que la CNAM a additionné des choux avec des carottes. Finalement, le montant des économies dont bénéficie l’assurance-maladie grâce aux grands modèles s’élève à 58 millions d’euros en 2009.
Un chiffre contesté car, comme le souligne l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF), l’étude de la CNAM ne prend pas en compte les arrêts ou les changements de traitements, donc les gaspillages induits. En clair, aux 58 millions d’euros d’économies, il faudrait encore amputer le montant de la gabegie, estimé à les 36 millions d’euros par l’USPO. Au total, les grands modèles ne permettraient donc à l’assurance-maladie d’économiser seulement une vingtaine de millions d’euros.
Un fort taux d’arrêt.
Peut être moins encore. Car, selon le président délégué de l’USPO, l’étude de la CNAM prouve non seulement que le gaspillage existe, mais qu’il est même plus important que celui révélé par sa propre enquête. En effet, le taux mensuel d’arrêt de traitement relevé par la CNAM s’élève en moyenne à 3 %, soit 1,5 à 2 fois supérieur qu’avec les traitements mensuels. Mais rapporté à l’année entière, on arrive à un taux d’arrêt avoisinant les 35 %. Or, l’enquête de l’USPO parlait de 23 %. « La ministre de la Santé peut-elle soutenir un système qui entraîne un gaspillage de médicaments ? » s’interroge ainsi Gilles Bonnefond.
Ce dernier va plus loin et affirme que, pour certains médicaments, non seulement les grands conditionnements ne font pas gagner d’argent à l’assurance-maladie, mais ils génèrent même des dépenses supplémentaires. En fait, lorsque le prix d’une boîte mensuelle avoisine les 4 euros, le gain pour l’organisme payeur sur une année, comparé à la délivrance de boîtes de trois mois, est quasi nul. Et en dessous de 4 euros, il en serait même de sa poche. Certes, ce phénomène concerne peu de spécialités. Mais, pour Gilles Bonnefond, il révèle l’aspect « cocasse » du principe des grands conditionnements. Du coup, le président délégué de l’USPO réitère sa demande d’arrêt pur et simple des grands modèles. D’autant que, à ses yeux, ils ne permettent pas le suivi thérapeutique et s’opposent donc à l’esprit de la loi Bachelot. « On ne peut pas continuer à promouvoir la loi HPST et le pharmacien correspondant tant que les grands modèles seront commercialisés », estime-t-il.
Il y a quelques semaines, l’UNPF avait, elle aussi, plaidé pour l’abrogation des emballages trimestriels.
Modifier le seuil de la marge.
La Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) est plus mesurée. Sans nier qu’il y a probablement du gaspillage, elle entend les arguments du directeur général de la CNAM, Frédéric van Roekeghem, expliquant que les grands modèles améliorent les comptes de la Sécu et l’observance (dans certains cas), tout en permettant de réduire les coûts de la franchise médicale pour les patients. En revanche, la FSPF ne peut tolérer que les grands modèles continuent de dégrader l’économie des officines. Le syndicat demande donc une augmentation du seuil de la première tranche de la MDL* de 22,90 à 27 euros. « Notre rémunération ne doit plus diminuer », indique Philippe Besset, président de la commission économie de l’officine à la FSPF. « S’il n’y a pas de compensation, c’est un piège », ajoute-t-il.
La balle est désormais dans le camp de Roselyne Bachelot qui avait promis qu’elle serait attentive aux résultats de l’enquête de la CNAM et s’était dit prête à procéder à d’éventuels ajustements.
Insolite
Épiler ou pas ?
La Pharmacie du Marché
Un comportement suspect
La Pharmacie du Marché
Le temps de la solidarité
Insolite
Rouge à lèvres d'occasion