NÉ EN 1977, l’année de l’ouverture de la centrale, Stéphan Sembach a repris il y a trois ans la seule pharmacie de Fessenheim, où il avait fait ses débuts comme assistant. Pour lui, comme pour l’écrasante majorité des habitants de ce village de 1 800 habitants, « la centrale est certes la plus ancienne de France, mais aussi la mieux rénovée et la plus surveillée, donc la plus sûre ». La confiance des riverains est nourrie par la politique d’information menée par EDF, mais bien d’autres facteurs entrent en jeu : Fessenheim doit toute sa prospérité à la centrale, construite directement sur le grand canal d’Alsace parallèle au Rhin, à quelques encablures de ses premières maisons. La commune s’enorgueillit d’un musée, d’une médiathèque, d’une piscine, de plusieurs restaurants et commerces et de nombreux équipements urbains. Village d’origine de la famille de Victor Schoelcher, qui abolit l’esclavage en 1848, Fessenheim est jumelé pour cette raison à Schoelcher, en Martinique, et y envoie régulièrement ses enfants dans le cadre d’échanges scolaires… une opulence qui fait quelques jaloux dans les villages voisins de ce secteur rural d’Alsace centrale. Une bonne part des 700 employés de la centrale et de ses prestataires réside à Fessenheim et, comme l’explique Stéphan Sembach « il n’y a pas une famille ici qui n’ait pas au moins une personne dépendant de la centrale ». Si celle-ci devait fermer, estime le pharmacien, Fessenheim redeviendrait très vite un village agricole, une situation que tout le monde refuse, d’autant que la disparition de la centrale serait un non-sens selon lui. « Pouvons-nous vraiment nous passer d’énergie nucléaire alors que nous n’avons aucune autre source d’énergie ? », s’interroge-t-il, en rappelant que, avant l’accident de Fukushima, personne ou presque ne remettait en cause le fonctionnement de la centrale. Il ne croit guère aux projets de l’utiliser comme centre d’étude pour le démantèlement du nucléaire, et encore moins comme centre de production d’éoliennes, idée lancée il y a quelques jours par les écologistes alsaciens. En réalité, poursuit-il, « les gens qui connaissent la centrale n’en ont pas peur, et elle inquiète surtout ceux qui sont loin d’elle ».
L’angoisse de la fermeture.
S’il n’y a pas l’ombre d’un écologiste à Fessenheim, qui a voté à 75 % pour Nicolas Sarkozy le 6 mai, ceux-ci sont par contre nombreux de l’autre côté du Rhin, y compris parmi les professions de santé, qui soulignent l’inquiétude de la population (voir encadré). À Fessenheim, au contraire, les médecins, mais aussi les kinésithérapeutes et, bien sûr, le pharmacien, ne relèvent aucune angoisse, hormis désormais la crainte d’une fermeture. Celle-ci menacerait d’ailleurs aussi leur propre activité, y compris celle de la pharmacie qui, ouverte peu après la mise en service de la centrale, n’existerait peut-être pas sans elle. Les autres officines les plus proches étant à une douzaine de kilomètres de là, elle joue bien sûr un rôle primordial pour les habitants de Fessenheim et des villages voisins.
Seule spécificité liée à son emplacement, elle distribue régulièrement des stocks d’iode aux habitants, comme le font toutes les officines de France situées à moins de 20 kilomètres d’une centrale. « Nous renouvelons les distributions tous les quatre ans, pour tenir compte des mouvements de population, en invitant les gens à venir retirer leur stock à l’officine », explique le pharmacien. Pour le reste, Stéphan Sembach a exactement les mêmes attentes que tous ses confrères : développement de nouvelles missions professionnelles et promotion du rôle du pharmacien, évolution de la rémunération vers l’honoraire. « Le risque de fermeture ne m’empêche certes pas de vivre, mais nous espérons vraiment que la raison l’emportera sur des considérations purement électorales », reprend-il. Accrochée entre la mairie et l’église, une grande banderole annonce d’ailleurs la volonté du village de se battre pour garder sa centrale : « au-delà des commerçants et des habitants installés de longue date, nous pensons aussi aux jeunes arrivés dans la commune, qui y ont construit récemment des maisons qui pourraient devenir invendables dans 5 ans », conclut le titulaire.
Insolite
Épiler ou pas ?
La Pharmacie du Marché
Un comportement suspect
La Pharmacie du Marché
Le temps de la solidarité
Insolite
Rouge à lèvres d'occasion