LE COMMUNIQUÉ a sonné comme une déclaration de guerre. La semaine dernière, la FSPF, l’UNPF et l’USPO* invitaient leurs confrères à une grève ciblée du tiers payant : « Les organisations syndicales représentatives des pharmaciens titulaires d’officine recommandent à l’ensemble des pharmaciens exerçant en dehors du département des Hauts-de-Seine de refuser d’accorder le tiers payant à tous les ressortissants de la CPAM du 92, dans l’attente de la régularisation de cette situation. » Quelle situation ? Celle de nombreuses pharmacies d’Ile-de-France, notamment représentées par l’UPRP**, qui se sont vu refuser ces derniers mois par la caisse des Hauts-de-Seine le remboursement de dossiers de tiers payant au motif qu’ils ont été accordés sur la foi d’ordonnances frauduleuses. Le contentieux concernerait quelque 136 officines pour un préjudice allant de quelques dizaines d’euros à plus de 500 euros par dossier.
Pour Patrick Zeïtoun, président de l’UPRP, cette décision est le résultat d’un processus engagé depuis déjà plusieurs mois. « Les premiers cas de refus de paiement - une douzaine de dossiers au départ - nous ont été signalés en juin 2009, nous avions alors alerté la médiatrice de l’UNCAM*** dont l’action auprès de la CPAM 92 était restée sans effet ». Même résultat décevant, après le courrier adressé par l’UPRP à Frédéric van Roekeghem, directeur de la CNAMTS***. Déçue par ses diverses tentatives de conciliation, l’UPRP a donc décidé de déposer plainte auprès du tribunal des affaires de sécurité sociales (TASS). « Sur les 136 dossiers reçus par l’UPRP, notre avocate a préféré concentrer son travail sur 14 d’entre eux, inattaquables sur la forme », précise Patrick Zeïtoun.
Rejet d’avance de frais.
Mais revenons à la genèse de l’affaire. Chaque caisse primaire d’assurance-maladie détecte par l’analyse rétrospective des dossiers de prise en charge, les ordonnances frauduleuses. Des médicaments sensibles, mais aussi quelques indices dans la rédaction des prescriptions, guident le regard des inspecteurs (voir encadré). Après un échange avec les prescripteurs et/ou les pharmaciens, les caisses établissent une liste des actes frauduleux et mettent éventuellement en opposition les cartes Vitale qui ont servi aux avances de frais. Cette liste est ensuite communiquée aux pharmaciens du département, et à eux seuls. Autrement dit, lorsqu’un fraudeur sévit hors du département dans lequel il est affilié, le pharmacien qui le sert ne peut savoir à qui il a affaire. Heureusement, le plus souvent, la caisse d’origine de l’assuré fraudeur prend le dossier en charge et rembourse la pharmacie dispensatrice.
Le hic, dans l’affaire qui nous intéresse, c’est que la caisse des Hauts-de-Seine a décidé de se distinguer sur ce point et refuse depuis plusieurs mois de prendre en charge a posteriori l’avance réalisée par le pharmacien. D’où l’ire des confrères franciliens.
Mutualiser l’information.
« Dès que nous avons repéré une ordonnance frauduleuse, nous envoyons un message électronique à l’ensemble des pharmaciens du département », se défend Dominique Poisson, responsable du Département de lutte contre les fraudes (DNLF) à la CPAM 92, qui note qu’en 2009, seulement 32 assurés indélicats ont été recensés sur les 1,4 million d’assurés que compte le département. Un « score » à rapprocher des 135 000 euros de remboursement liés à de fausses ordonnances et des 95 000 euros que représentent les dossiers rejetés par la caisse. « Nous sommes conscients du problème constitué par ce défaut d’information des pharmaciens hors de notre département, voilà pourquoi des accords avec d’autres caisses départementales visant à échanger nos signalements sont en cours de signature. » La CPAM de Seine-Saint-Denis en novembre 2009, et celle des Yvelines en janvier 2010, ont déjà signé de tels accords pour une mutualisation de l’information avec la caisse des Hauts-de-Seine, explique Dominique Poisson. Et d’autres suivront, assure-t-elle. Par ailleurs, conseille la responsable de la DNLF, « pour éviter les refus de paiement, nous invitons les pharmaciens à procéder à une mise à jour des cartes Vitale qui leur sont présentées dès lors que l’ordonnance leur paraît suspecte ».
Rembourser, puis réformer.
Un conseil impossible à mettre en œuvre, et inefficace, estime Patrick Zeïtoun. « Impossible, car le repérage des prescriptions suspectes est souvent difficile. Inefficace, car, outre le fait que la mise à jour systématique des cartes Vitale n’entre pas dans le cadre conventionnel, le fichier des cartes en opposition n’est téléchargeable dans les officines qu’une fois par mois. Il peut donc se passer presque un mois entre l’opposition effective de la carte et son repérage au comptoir de la pharmacie. »
« Quant aux accords inter-caisses, cela ne suffit pas !, s’insurge Patrick Zeïtoun. Cette démarche ne dédouane pas la CPAM 92 du fait qu’elle n’a pas payé alors qu’elle savait le système bancal. » Rembourser d’abord, réformer ensuite, propose-t-il en substance. « La réaction des officinaux est hors de proportion. Ce problème ne mérite pas qu’on prenne en otage les assurés des Hauts-de-Seine », estime pour sa part Dominique Poisson.
Quoi qu’il en soit, les pharmaciens ne semblent pas prêts à désarmer. « Nous ne cesserons notre grève ciblée du tiers payant que lorsque le dernier dossier défendu par notre avocate sera remboursé », assure le représentant des pharmaciens franciliens. Voilà qui est dit.
** Union des pharmaciens de la région parisienne.
*** Union nationale des caisses d’assurance-maladie.
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