LE MONDE de la pharmacie change. Et la France n’échappe pas à ce phénomène. Depuis le vote de la loi HPST, en 2009, et la signature de la convention pharmaceutique, au printemps 2012, les pharmaciens sont redevenus des acteurs de santé de premier plan. Une évolution qui oblige les officinaux à dépasser leur statut de « simple dispensateurs » de médicaments et à se positionner comme fournisseurs de services. Des services qui sont bien évidemment en rapport direct avec leur statut de professionnels de santé, mais qui vont bien au-delà la profession qu’ils exerçaient jusqu’à présent… ce qui peut donc légitimement susciter craintes et inquiétudes.
Dans cette optique, l’exemple américain peut se révéler source d’inspiration. Outre-Atlantique, où les règles diffèrent fortement de celles appliquées sur le vieux continent, les pharmaciens ont en effet décidé depuis plusieurs années de « focaliser l’exercice professionnel un peu plus autour du patient et un peu moins sur les structures elles-mêmes », explique Kermit Crawford, président de la division Pharmacie, Santé et Bien-être de Walgreens, qui vient de signer un partenariat préparatoire à une fusion avec Alliance Boots. Conséquence : les pharmaciens américains jouent un rôle de plus en plus important dans des réseaux de soins très sophistiqués. Et leur influence croît d’autant plus, que le nombre de médecins diminue fortement.
Un avis partagé par Jean-Christophe Barland, président de Bristol-Myers Squibb (BMS). Convaincu également que « les systèmes de santé n’achètent plus un produit, mais des résultats et de préférence en vie réelle », ce vétérinaire et toxicologue de formation souhaite donc que l’industrie pharmaceutique travaille davantage avec les patients, « à la fois dans le développement des produits afin d’intégrer des problématiques patients dès les phases de développement précoce, et au moment de leur mise sur le marché pour améliorer l’adhérence aux traitements ».
Valeur ajoutée.
Une mutation que Michel Buchmann, président de la Fédération internationale de la pharmacie (FIP), appelle aussi de ses vœux, mais qu’il ne voit pas évoluer de manière symétrique sur chacune des rives de l’Atlantique. La raison ? La formation des pharmaciens américains est aujourd’hui très différente de celle des Européens. « Aux États-Unis, les pharmaciens sont tous cliniciens, et, donc, tournés vers le patient, alors que, en Europe, ils sont encore trop conservateurs, car axés sur les produits », explique Michel Buchmann.
Pas question pour autant de baisser les bras ! Le président de la FIP entend ainsi « encourager la généralisation de l’enseignement de la pharmacie clinique, afin de développer les compétences seules à mêmes de permettre aux pharmaciens d’accomplir correctement ses nouveaux services ». Comment ? En créant un véritable réseau composé de divers partenaires et d’universités, dont l’enseignement sera tourné vers la pharmacie clinique. À charge ensuite pour les pharmaciens, dans chaque pays, de démontrer la valeur ajoutée de ces services ; « car ce qui est gratuit n’a pas de prix », ajoute encore Michel Buchmann.
Autant de perspectives qui ne pouvaient laisser insensible Isabelle Adenot, présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP) et ancienne présidente du Groupement pharmaceutique de l’Union européenne (GPUE). Dans un livre blanc publié à la fin de l’année dernière, le GPUE avait en effet expliqué comment « un meilleur usage des compétences des pharmaciens pourrait contribuer à améliorer la performance des traitements et à réduire le coût des soins ». A condition, rappelle la présidente du CNOP que « l’innovation ne soit pas freinée, mais sécurisée, et en particulier par des pharmaciens ». Outre leurs missions de distribuer le bon médicament, au bon patient et au bon moment, de renforcer la santé publique et de contribuer à la baisse des coûts globaux de santé, les pharmaciens doivent donc s’engager dans un suivi personnalisé des patients avec la mise en place de nouveaux services. D’où l’intérêt d’« abattre les cloisons qui séparent non seulement les officines, mais également les pharmacies hospitalières et celles installées en ville et, plus généralement, celles qui séparent chaque professionnel de santé ».
Subsidiarité.
Une évolution qui n’est pas sans rappeler l’autorisation récemment donnée par la ministre de la Santé de vendre des médicaments sur Internet. Selon Thomas Fatome, directeur de la Sécurité sociale, « en considérant que le site Internet serait le prolongement de l’officine, l’ordonnance du 19/12/2012 a ouvert les portes de la vente sur Internet des médicaments en libre accès tout en visant à garantir la qualité de la dispensation et du conseil est en préparation ». Un point de vue partagé par Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), qui tient toutefois à rappeler que « ce texte est de nature européenne et s’impose donc à chaque État membre ». La présidente du CNOP et le président de la FSPF demeurent néanmoins convaincus que, en vertu du principe de subsidiarité, la France devrait restreindre le champ de la vente sur Internet des médicaments, ne serait-ce que pour limiter le risque de contrefaçon.
D’autant que si « la vente par Internet devait être organisée sous la forme de plate-forme, il faudrait revoir tout le code de la santé publique et, donc, en passer par le Législateur et non plus par un simple arrêté ministériel », précise Isabelle Adenot. Pas de risque, donc, de changements aussi radicaux et de voir « la rémunération liée à la dispensation devenir minoritaire par rapport à une rémunération du conseil ou de l’analyse », ajoute, Isabelle Adenot. Le jour où les pharmaciens n’auront plus de stocks et les officines seront transformées en bureaux n’est donc pas arrivé.
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