Le grand écrivain chinois Yan Lianke publie simultanément un manifeste littéraire et un roman qui illustre sa théorie du « mythoréalisme ». Dans « à la découverte du roman » (1), il explique comment il a été conduit à se révolter contre les conventions littéraires et contre la réalité falsifiée de la propagande culturelle chinoise. Il définit sa méthode, qui « n’évacue pas le réalisme mais le dépasse en recréant, fondamentalement, la réalité ».
Côté roman, « Un chant céleste » (2) est exemplaire, où la veuve d’un paysan s’efforce de marier ses quatre enfants idiots de naissance. Après avoir casé l’aînée et la deuxième à un boiteux et à un borgne, elle déniche pour la troisième un veuf « gens-complet » mais pouilleux. Soutenue par les apparitions de son défunt mari, elle ira fouiller sa tombe, car une décoction de ses os pourrait arracher ses enfants au malheur en les guérissant… « Tout y est improbable, pourtant tout y est vrai, terriblement vrai. »
À Cuba, dans les années 1980, le grand auteur colombien Gabriel Garcia Marquez (« Cent ans de solitude », « Chronique d’une mort annoncée », « l’Amour au temps du choléra »…) s’adressait aux écrivains et à ceux qui aspiraient à le devenir. « L’Atelier d’écriture de Gabriel Garcia Marquez - Comment raconter une histoire » (3) offre la retranscription de deux de ces sessions. Au-delà des méthodes et conseils, le prix Nobel de littérature (1982) tire les leçons de sa propre expérience et s’attache à « l’esprit de création », le fameux déclic qu’il avoue avoir lui-même beaucoup de mal à identifier.
Julia Kerninon était prédestinée : élevée dans l’amour des livres elle a, à moins de 30 ans, publié deux romans remarqués (« Buvard » et « le Dernier amour d’Attila Kiss »). Dans « Une activité respectable » (4), elle rend un hommage original au livre, à ses parents, pour qui lire et écrire furent donnés comme des activités non seulement respectables mais hautement désirables.
Souvenirs en désordre
Pendant plus de vingt-cinq ans, d’« Apostrophes » à « Bouillon de Culture », Bernard Pivot a scotché, semaine après semaine, des millions de téléspectateurs devant le petit écran pour des émissions culturelles. Fin gourmet et grand amateur de vins, il s’est aussi distingué comme auteur, expert en orthographe et il préside l’Académie Goncourt. Dans « la Mémoire n’en fait qu’à sa tête » (5), il fait part de souvenirs qui lui reviennent au gré de ses lectures.
C’est aussi la mémoire, mais pas seulement, qu’évoque Pierre Péju (« la Petite Chartreuse », « le Rire de l’ogre ») dans « Reconnaissance » (6). Un écrivain parti chercher l’inspiration au sommet d’une montagne, la trouve dans un bloc transparent censé être le « Cristal du Temps ». En y plongeant les yeux lui reviennent en mémoire et en désordre des moments de sa vie. Des aventures invraisemblables et des rencontres sans lendemain qu’il sait être siennes, de la même façon qu’il reconnaît des scènes de ses rêves ou des images de son avenir. Un récit-roman insolite et prenant, en forme de remerciement.
Auteure de nombreuses biographies, Dominique Bona, qui siège à l’Académie française après avoir reçu les prix Interallié et Renaudot, dessine, dans « Colette et les siennes » (7), un portrait de groupe, celui de quatre femmes hors du commun qui ont partagé une maison, à partir de l’été 1914, et sont restées amies jusqu’à la mort. Elles se nomment Colette, la romancière, Marguerite Moreno, la comédienne, Annie de Pène, la chroniqueuse, et Musidora, la première vamp du cinéma. Dans un Paris déserté par les hommes, elles se sont organisées pour le quotidien tout en accomplissant leur destin d’artiste et d’amoureuse, sans façons et sans contraintes. Une histoire de femmes passionnées et libres.
Marielle Gallet est le nom de plume de Marielle Gallo, la compagne puis épouse de Max Gallo depuis 1993. Elle a été avocate, députée européenne de 2009 à 2014 et elle a signé une dizaine d’ouvrages. S’il est aussi un roman d’amour, « Bella Ciao » (8) n’est pas une bluette mais un témoignage de sa détresse depuis que la maladie de Parkinson a atteint l’historien. Des scènes de la vie d’avant et de maintenant s’entremêlent, qui montrent l’Immortel dans ses engagements littéraires, politiques et privés jusqu’à ce que le colosse vacille.
Quand des écrivains racontent la psychanalyse, cela donne « Sur le divan » (9). Neuf romanciers (Olivia Elkaim, Philippe Forest, Émilie Frèche, Camille Laurens, Laurence Nobecourt, Véronique Olmi, Anne Plantagenet, Gilles Rozier, Isabelle Spaak) abordent l’expérience analytique par le biais de la fiction romanesque, de l’autofiction ou du récit-témoignage. Certains se sont inspirés de leur expérience personnelle ou de celle d’un proche, d’autres se sont lancés dans une totale fiction, tous explorent les mystères du corps parlant avec une grande liberté de ton. Avec une question sous-jacente : quels rapports entretiennent la psychanalyse et l’écriture ?
(1) Philippe Picquier, 194 p., 20,50 €
(2) Philippe Picquier, 90 p., 13 €
(3) Seghers, 455 p., 24 €
(4) Rouergue, 60 p., 9,80 €
(5) Albin Michel, 226 p., 18 €
(6) Gallimard, 355 p., 21 €
(7) Grasset, 427 p., 22 €
(8) Grasset, 179 p., 17 €
(9) Stilus, 169 p., 17 €
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