LA CRISE est là et, pourtant, la production de la rentrée littéraire est à nouveau à la hausse : 701 romans français et étrangers, contre 659 l’année dernière. Avec 497 titres (contre 430 en 2009), ce sont surtout les romans français qui creusent la différence. Quant aux premiers romans, leur nombre est à peu près stable : 85 contre 87. On remarque que cette hausse n’est pas le fait des éditeurs installés de longue date – qui offrent un nombre de titres équivalent ou inférieur à celui de la rentrée précédente en s’appuyant, donc, sur leurs auteurs confirmés –, mais est due à de nombreux nouveaux éditeurs (tels L’Éditeur, JBZ & Cie, Les Blogueuses, L’Atelier in?8 ou le CNRS) qui espèrent ainsi s’imposer.
L’édition n’étant pas, heureusement, une science exacte, il n’est pas certain que les 10 ouvrages tirés à plus de 50 000 exemplaires feront au final les meilleures ventes. Il est toujours possible qu’un outsider surgi d’un bouche-à-oreille inattendu leur vole la vedette ou qu’un des écrivains sélectionnés soit l’objet d’une certaine désaffection de son public. En attendant, chacun de ces dix titres et chacun de ces auteurs retiennent l’attention.
Éliette Abécassis dissèque, dans « Une affaire conjugale » (Albin Michel, 50 000 exemplaires), le désamour d’un jeune couple et l’année décisive de leur divorce. C’est la jeune femme, mère de jumeaux âgés de 6 ans, qui, après avoir intercepté par hasard un appel de son mari et confirmé ses doutes de trahison à répétition en s’immergeant dans le contenu de l’ordinateur dudit conjoint, témoigne de son entrée dans la dure réalité. Une histoire actuelle, racontée avec l’ironie lucide qui caractérisait « Un heureux événement », où le divorce devient le drame initiatique des temps modernes et qui incite l’auteur à penser qu’avec l’ère technologique, l’amour est devenu impossible, puisque Internet et Cie dévoilent « ce qui constitue, sinon son essence, du moins le garant de sa pérennité : le mensonge ».
Une femme est aussi au centre du livre d’Olivier Adam, « le Cœur régulier » (L’Olivier, 50 000 exemplaires). Après plusieurs livres primés, dont « Passer l’hiver », « À l’abri de rien » et « Des vents contraires », l’auteur nous entraîne dans un voyage initiatique en prêtant autant d’attention à la description du paysage extérieur qu’à celle des états d’âme. Après la mort de son frère bien-aimé dans un accident de voiture, Sarah, qui pense qu’il s’est suicidé et ne supporte plus sa vie entre son « trop gentil » mari, qui l’ennuie, et ses deux adolescents indifférents, part sur les traces de son presque jumeau, « alcoolique, cliniquement maniaco-dépressif, autodestructeur et profondément malheureux ». Elle se rend dans un petit village du Japon connu pour ses suicidés et où Nathan avait rencontré Natsume, un ancien policier qui s’est donné pour mission d’empêcher les désespérés de sauter du haut des falaises. Une quête qui l’amène en réalité au-devant d’elle-même.
Prévu pour 2011, le dernier roman de Philippe Claudel, « l’Enquête » (Stock, 100 000 exemplaires), paraîtra dès la mi-septembre en raison de son thème, en prise directe avec la réalité sociale d’aujourd’hui. L’auteur des « Âmes grises », prix Renaudot 2003, de « la Petite fille de Monsieur Linh » et du « Rapport de Brodeck », prix Goncourt des lycéens 2007, également réalisateur, césar en 2008 du meilleur premier film pour « Il y a longtemps que je t’aime », met en scène un enquêteur chargé d’élucider les causes d’une vague de suicides dans l’entreprise principale d’une ville de province. Mais à mesure de ses découvertes, l’atmosphère se fait inquiétante. Ne sera-t-il pas la prochaine victime d’une machine infernale prête à le broyer comme les autres ? Et, au-delà, ne sommes-nous pas en train de nous détruire ? Quels traumatismes durables notre système peut-il engendrer ?
Après son premier roman paru en 1999, « la Chambre des officiers », sur la Première Guerre mondiale, et deux livres d’enquête sur le FBI et sur la Russie de Staline, menés comme des romans, « la Malédiction d’Edgar » et « Une exécution ordinaire », Marc Dugain revient à la fiction dans un roman qui confirme sa parfaite connaissance des arrière-plans de l’histoire. « L’Insomnie des étoiles » (Gallimard, 60 000 exemplaires) se déroule dans le sud de l’Allemagne à l’automne 1945.
En se dirigeant vers la zone d’occupation qu’on lui a affectée, le capitaine Louyre découvre, dans une ferme isolée ravagée, une adolescente presque mutique, à côté du cadavre d’un homme calciné. Contre l’avis de sa hiérarchie, l’officier français va s’acharner à mener une enquête pour découvrir qui est la jeune fille et ce qui s’est passé. L’occasion pour l’auteur d’aborder le rôle que tinrent, dans l’Allemagne nazie, l’eugénisme et l’euthanasie des malades, des personnes âgées ou des « fous ».
Le nom de Claudie Gallay évoque évidemment le roman « les Déferlantes », son sixième ouvrage et best-seller, lauréat du grand prix des lectrices de « Elle » en 2009. « L’Amour est une île » (Actes Sud, 70 000 exemplaires) a pour cadre Avignon pendant le festival, en cette année 2003 perturbée par la fronde des intermittents. C’est dans cette atmosphère houleuse que revient, après dix ans d’absence, la Jogar, une comédienne célèbre qui avait fui sa famille et l’homme qu’elle aimait passionnément pour sa carrière ; alors même que son ancien amant met en scène dans le cadre du off le texte d’un jeune auteur inconnu ; et que débarque la sœur de celui-ci, une très jeune fille à la recherche du fantôme de ce frère disparu à l’âge de 25 ans. Autant de personnages qui, dans la ville en ébullition, se confronteront et se dévoileront peu à peu.
Prix Goncourt 2004 pour « le Soleil des Scorta » et auteur d’une dizaine de pièces de théâtre, Laurent Gaudé revient, dans « Ouragan » (Actes Sud, 85 000 exemplaires) sur le drame qui a frappé La Nouvelle-Orléans. Dans ce contexte d’apocalypse, des personnages variés affrontent la fureur des éléments, mais aussi leur propre nuit intérieure. Lorsqu’une armée d’alligators échappés du bayou envahit la ville, lorsque des prisonniers évadés deviennent de véritables fauves enragés, ou lorsque les digues lâchent, chacun des protagonistes se montre tel qu’il est, alors que tout repère social et moral est balayé par le chaos.
« La Ballade de Lila K » (Stock, 50 000 exemplaires) n’est que le deuxième roman de la jeune auteure Blandine Le Callet, dont le premier opus, paru il y a quatre ans, « Une pièce montée » – le dynamitage pertinent d’une journée de mariage –, a été récemment adapté au cinéma. Aux confins du fantastique et de l’anticipation, celui-ci est l’histoire d’une enfant arrachée à sa mère et placée dans une sorte de pensionnat aux allures de pénitencier où on lui apprend ce qu’il faut dire et penser, où les livres et les journaux sont bannis au prétexte qu’ils pourraient transmettre des allergies cutanées. La jeune fille, qui a tout oublié de sa vie antérieure, n’a qu’une idée : retrouver sa mère et sa mémoire perdue. Le lecteur, lui, frémit à la lecture de cette projection futuriste de notre monde.
Changement de ton avec Jean d’Ormesson, qui publie, avec « C’est une chose étrange à la fin que le monde » (Robert Laffont, 100 000 exemplaires), et en référence à son précédent ouvrage « Une autre histoire de la littérature française », une autre histoire de la philosophie. Sa réflexion est centrée sur deux des principales interrogations de l’être humain : Dieu existe-t-il ? Et qu’y a-t-il après la mort ? Réponses de l’écrivain : moins invraisemblable que les systèmes inventés pour le remplacer, Dieu n’est pas impossible et il est permis d’espérer, après la mort, quelque chose que les hommes ne peuvent ni concevoir ni imaginer et dont ils sont incapables de parler...
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