POUR la ministre de la Santé, il n’y a pas de petites économies. Dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), qui sera examiné par les députés d’ici à quelques jours, la ministre de la Santé propose de dispenser certains médicaments à l’unité. Mais avant de généraliser le principe, elle souhaite d’abord l’expérimenter. Les tests concerneraient donc des antibiotiques et s’effectueraient dans certaines régions et aux comptoirs de pharmacies volontaires. Pour l’heure, la profession est partagée sur la question. Chez certains de nos voisins européens, la dispensation de médicaments à l’unité est un exercice habituel depuis de nombreuses années. C’est le cas notamment aux Pays-Bas, où le rôle du pharmacien comme spécialiste du médicament est traditionnellement fortement valorisé.
Lutter contre le gaspillage aux Pays-Bas.
Aux Pays-Bas, comme en France, la délivrance à l’unité a été envisagée pour lutter contre le gaspillage. Comment s’exerce-t-elle en pratique ? Lorsqu’un médecin néerlandais prescrit un traitement pour la première fois à un malade, celui-ci ne peut excéder 14 jours. Dans ce cas, le pharmacien délivre seulement deux semaines de traitement, au comprimé près. Si le patient supporte bien le traitement, il se verra prescrire et délivrer le reste du traitement, là encore à l’unité près. « Le médecin indique une durée et une dose journalière, et nous faisons le calcul et la délivrance », explique ainsi Anne de Vries-Bots, titulaire d’une pharmacie près de Groningue, dans le nord du pays. S’il n’y a pas de boîte de 20, mais uniquement des boîtes de 30, elle ôte 10 comprimés de la boîte qu’elle donne au patient. Le reste sera remis au malade s’il vient pour un renouvellement… ou sinon à un autre patient. Dans ce cas, elle lui remet une photocopie de la notice, l’original ayant été remis au premier patient. « Ce système est tout à fait normal et contribue aussi à la sécurité », estime la pharmacienne qui, se rendant souvent en France, s’étonne d’y voir ses confrères délivrer des boîtes entières qui risquent ensuite de finir dans les placards des particuliers. « Les médicaments ne sont pas faits pour être stockés, en particulier les antibiotiques, insiste-t-elle. Avec notre système, personne ne devrait avoir de réserves, ce qui est bien mieux pour la santé du patient : s’il tombe à nouveau malade, il devra consulter et non pas se servir lui-même dans son armoire à pharmacie. »
Des honoraires spécifiques.
Le système paraît donc être une évidence pour les titulaires néerlandais. Et il est d’autant mieux accepté par ces derniers qu’ils sont rémunérés pour cela. Certes, découper les blisters pour avoir des nombres exacts prend du temps, « surtout quand on doit donner deux comprimés de plus qu’une boite entière », sourit Mme de Vries-Bots, mais cette tâche fait partie du rôle du pharmacien. Concrètement, l’officinal touche un honoraire de dispensation pour la première ordonnance, car celle-ci implique un conseil d’utilisation au patient, puis un honoraire plus faible pour les renouvellements. Pour sa part, la caisse de Sécurité sociale paye le médicament « au prix coûtant » au pharmacien, sans marge : sa rémunération est donc la même, qu’il délivre un ou 30 comprimés.
Les autorités néerlandaises souhaitent aller encore plus loin dans l’optimisation de la gestion des produits délivrés. Depuis quelques mois, un système de dispensation original de médicaments onéreux est ainsi expérimenté dans quelques régions, l’objectif étant cette fois surtout économique. Le principe : les spécialités sont remises au patient, accompagnées d’une puce informatique et d’un thermomètre, afin de « suivre » le produit et ses conditions de stockage chez le patient. Grâce à ce dispositif, le médicament non utilisé qui aura été correctement conservé pourra donc, après avoir été rapporté à la pharmacie, remis à un autre patient. Pour Mme de Vries-Bots, cela permettra aussi de limiter davantage le gaspillage des produits chers et de réduire les erreurs de prise, en diminuant le nombre de médicaments de la pharmacie familiale.
La réserve des pharmaciens anglais.
Autre pays à avoir mis en place un système de dispensation à l’unité, l’Angleterre. Mais les confrères d’outre-Manche sont nettement moins enthousiastes que les officinaux Néerlandais. En effet, pour les pharmaciens anglais, cette activité est synonyme de perte de temps. Sans cette délivrance unitaire, ils estiment qu’ils pourraient être plus efficaces dans d’autres missions de santé publique ou de suivi des prescriptions. C’est du moins le point de vue de la Société royale de pharmacie britannique, qui s’interroge sur les avantages économiques réels du dispositif, tout en soulignant que la règle s’applique seulement en Angleterre, et pas en Écosse. Comme aux Pays-Bas, « nous distribuons le nombre exact de comprimés prescrits et le reste de la boîte la fois suivante, ou nous le donnons à un autre patient », explique un porte-parole de la Société de pharmacie, les médicaments étant bien sûr scellés individuellement dans les blisters. Cette tâche - le découpage des blisters -, certes peu gratifiante selon les pharmaciens, est intégrée à leur rémunération globale versée par le Service national de Santé : c’est l’acte de délivrance qui est payé, indépendamment du nombre de comprimés dispensés. Pour les personnes âgées à domicile, le pharmacien se charge même de préparer des semainiers avec le nombre exact de produits à prendre par jour, un peu comme cela se fait parfois dans nos EHPAD*. Le système rassure les patients et leurs familles, en réduisant le nombre d’erreurs prises.
D’autres pays européens tentent aussi de limiter le nombre de médicaments délivrés, mais en confiant cette tâche au médecin. Au Danemark et en Suède, par exemple, les praticiens doivent faire en sorte que le nombre de médicaments prescrits corresponde exactement au nombre de médicaments contenus dans les boîtes. Du coup, pas de dispensation à l’unité dans les pays nordiques, où les pharmaciens n’ont pas le droit d’ouvrir les boîtes ni de séparer les blisters.
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