ILS EXERCENT leur métier par vocation. Ils sont dans une zone sensible par choix. Ils apprécient leurs patients, « des personnes adorables » qu’ils ne veulent pas priver d’accès aux soins. Mais ils expriment aussi un ras-le-bol général face à des agressions de plus en plus violentes et fréquentes, par des personnes de plus en plus jeunes et souvent armées.
Parmi les dernières victimes, Jean-Baptiste Chapelle, infirmier libéral à Stains, a été agressé en juillet dernier, alors qu’il sortait d’une visite à domicile. Encerclé par un groupe de jeunes, une arme à feu braquée sur lui, puis frappé aux jambes et à la tête… il n’a pas opposé de résistance lorsqu’ils lui ont demandé ses clés de voiture et pris ses cartes de crédit. Début septembre, une infirmière libérale de Pierrefitte-sur-Seine a également été bousculée et menacée verbalement, avant de se faire voler son véhicule. En moins de deux mois, quatre professionnels de santé ont été agressés, dont trois sous la menace d’une arme à feu. Face à la recrudescence de tels actes dans l’exercice de leur profession, les professionnels de santé ont décidé d’agir.
Tentatives de cambriolage.
« L’association des professionnels de santé de Stains a été créée il y a dix ans, à la suite de l’agression sauvage d’un médecin. Il est situé juste en face de ma pharmacie. Nous sommes tous solidaires. Il m’arrive de l’appeler pour savoir s’il a besoin d’aide, parce qu’un patient vient me dire qu’il a une personne très agitée dans son cabinet », explique Marie-Paule Couet, pharmacienne à Stains. Si les pharmaciens ont été jusqu’à maintenant peu concernés par ces actes, ils constatent néanmoins une montée des violences. « Cela fait 26 ans que je travaille ici et je n’ai jamais été braquée. Mais l’officine est placée à un angle, très visible, et je pense que l’emplacement joue pour beaucoup. Nous sommes équipés d’une télésurveillance performante qui a permis de faire échouer plusieurs tentatives de cambriolage », ajoute l’officinale.
Néanmoins, elle s’émeut de voir ses patients terrorisés lorsqu’ils doivent aller à la banque, à la Poste ou ailleurs. « Les femmes ne portent plus de sac à main, les gens préfèrent se déplacer sans rien sur eux. Le problème, c’est que les couples dont l’enfant est en âge d’aller au collège et les jeunes retraités déménagent dès qu’ils peuvent. S’il ne reste que des personnes en difficulté, cela ne sera pas tenable. »
À Pierrefitte-sur-Seine, une officine a été braquée en début d’année. « Lorsqu’un jeune homme s’est présenté avec un Taser, je n’ai pas cherché à me battre, j’ai donné la caisse. Cela fait 20 ans que je suis pharmacienne et c’est la première fois qu’une telle chose m’arrivait. Or, je sais que tout pharmacien se fait braquer une fois dans sa vie, j’ai donc bien surmonté l’épreuve. Le problème c’est que la situation a failli se reproduire peu de temps après », raconte la pharmacienne. Heureusement, un client est venu la prévenir de l’arrivée imminente d’individus suspects. Grâce à un système de fermeture à distance, elle a pu s’enfermer dans son officine au moment où ils essayaient d’entrer. Un système installé par son prédécesseur et dont elle ne s’était jamais servi jusque-là. « Depuis janvier, je l’utilise tous les jours, les patients doivent sonner pour que je leur ouvre. On s’est détendu pendant les beaux jours mais avec les dernières agressions, j’ai choisi de fermer à nouveau ma porte en permanence. »
Vulnérables.
Une situation qui offusque aussi les patients. Lors de la marche entre Pierrefitte-sur-Seine et Stains, le samedi 2 octobre, déclarée matinée Santé morte, près de 200 patients ont rejoint le cortège d’une centaine de professionnels de santé exigeant la cessation des violences. Une recrudescence qui ne vise pas seulement les professionnels de santé, mais aussi les commerçants. « La coiffeuse un peu plus loin fait comme moi, elle s’enferme dans son salon et ouvre lorsqu’un client sonne. Le boulanger de ma rue a jeté l’éponge, sa boutique a été reprise. Quand arrive le soir, on se sent vulnérable et les jours sont en train de raccourcir. Les patients aussi se sentent en danger. D’ailleurs, il n’y en a pas un seul à qui il n’est rien arrivé. »
Généraliste, Jocelyne Rousseau raconte l’agression dont elle a été victime sans émotion. La tête maintenue au sol sur laquelle une arme pointe, alors que des mains l’étranglent presque et qu’elle reçoit des coups, elle ne parvient pas à détendre ses doigts crispés sur les clés de voiture qu’on lui demande. Pourtant équipée d’une caméra à l’entrée de son cabinet, elle n’ouvre pas à tout le monde. Ses agresseurs étaient jeunes et tous cagoulés, elle n’en a reconnu aucun. « Je me dis que ce sont certainement des jeunes que j’ai eus tout petit en consultation, que j’ai langés, vaccinés… »
Désertification médicale.
Face à une situation de plus en plus inextricable, les professionnels de santé de Stains et de Pierrefitte-sur-Seine, se mobilisent. Ils ont déjà fait parler d’eux au travers de leurs associations locales et ont été reçus, le 23 septembre dernier, par le préfet. Soutenus par les élus locaux et la population qui craignent une désertification médicale par la peur, ils font diverses propositions, réclamant notamment le retour de la police de proximité dans leurs quartiers. Pour autant, chacun avoue que quitter sa ville pour aller exercer ailleurs serait un déchirement. « Nous maintenons la pression et nous faisons circuler une pétition. Nous médiatisons nos actions et cela commence à porter. D’autres professionnels de santé du département ont pris contact avec nous parce qu’ils rencontrent des situations similaires. » Tous sont d’accord pour dire que les interventions policières ont toujours été rapides et efficaces, mais restent persuadés que cela ne suffit pas. Les quartiers n’ont pas retrouvé leur sérénité et sont encore sous le joug de la violence.
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