LES LIGNES BOUGENT ! Depuis la promulgation de la loi Hôpital, patient, santé et territoires (HPST) les rôles ont été redistribués entre les divers acteurs de santé. Une (r)évolution particulièrement favorable aux pharmaciens qui, par les articles 36, 38 et 51, se sont vus reconnaître un certain nombre de nouvelles missions. Des missions que Brigitte Bouzige, présidente du groupement Giphar, considère comme de « réelles opportunités pour le monde officinal ».
À condition de « ne plus réfléchir entre pharmaco-pharmaciens », précise toutefois Michel Rioli, auteur d’un rapport sur l’avenir de la profession de pharmacien, paru en 2009 et contresigné par l’ensemble des représentants des officinaux. Car la coopération professionnelle est l’un des principaux enjeux de la loi HPST. Il appartiendra dès lors aux pharmaciens d’officine, « dont le statut de porte d’entrée dans le parcours de soins a été reconnu, de collaborer activement avec les médecins et les autres professionnels de santé », explique Pascal Louis, président du Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine (CNGPO). Autant de raisons pour les officinaux de se recentrer sur leur cœur de métier.
Restructurer pour valoriser.
Une évolution sans doute indispensable pour sortir du rouge nombre d’officines. Car la donne a changé. Outre la fin du maintien artificiel d’un chiffre d’affaires avec le développement des génériques, la loi de modernisation économique (LME) a mis un terme aux délais de paiement particulièrement favorables en instaurant la règle des « quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours maximum », explique encore Michel Rioli. Il apparaît dès lors évident que la marge sur le médicament dispensé, ne saurait désormais constituer l’unique rémunération des officinaux. D’autant qu’« elle se situe à plus de quatre points en deçà du seuil de 25 % de marge brute, considéré comme vital pour la grande distribution, par Michel-Edouard Leclerc, lors de son audition à l’Assemblée nationale le 14 novembre 2007 », ajoute ce chef d’entreprise, époux et père de pharmaciennes.
D’où l’intérêt de dépasser le stade de simple distributeur et de valoriser ces nouvelles missions. En clair, d’« instaurer des honoraires à la marge pour le temps passé avec le patient », précise encore Pascal Louis. Cette évolution ne saurait cependant être envisagée sans restructuration de l’officine. Car un patient ne pourra être correctement pris en charge au comptoir. L’appropriation de ces nouvelles missions induit donc un véritable balisage dans l’officine et la création d’espaces de confidentialité pour réaliser correctement d’éventuels rendez-vous et autres entretiens pharmaceutiques liés à la prise en charge des pathologies chroniques. « Une prise en charge qui nécessitera, par ailleurs, une actualisation des connaissances », explique Jean-Claude Lastmann, biologiste et fondateur de la société PrévenTime qui élabore des programmes de dépistage et de prévention. Car les pharmaciens ne sauraient improviser dans la prise en charge des pathologies cardio-vasculaires, des cancers ou du tabagisme. Autant de pathologies chroniques qui posent aujourd’hui de sérieux problèmes en terme de santé publique puisqu’aucune campagne d’information n’a réellement réussi à infléchir leur progression.
Outils adaptés.
Pire ! L’impact de ces campagnes sur le dépistage et la prévention semble minime. La raison ? « La démarche préventive n’est pas encore entrée dans les mœurs françaises », déplore Jean-Claude Lastmann. La preuve : alors que 52 000 nouveaux cas de cancer du sein sont dénombrés chaque année, à peine plus d’une femme sur deux est dépistée. Autre exemple : le cancer colorectal, qui frappe 36 000 nouveaux cas et est à l’origine de 17 000 décès chaque année, ne dépasse-t-il que péniblement le seuil de 40 % de patients dépistés.
Des chiffres qui suffisent à justifier une implication forte des officinaux dans des actions de prévention et de dépistage. Car, à l’instar du cancer de la prostate, un dépistage bien organisé peut contribuer à infléchir la progression de cette pathologie d’environ 20 %. Or les expériences menées sur l’asthme et le diabète ont clairement démontré que le pharmacien d’officine pouvait inverser cette tendance dès lors qu’il disposait d’outils adaptés pour mener un véritable entretien de prévention et délivrer le bon conseil.
Des outils qui contribueront par ailleurs à fidéliser les patients et à faire progresser le chiffre d’affaire de la pharmacie. « Chaque mois, en moyenne, chaque pharmacie dispense un millier de traitements antihypertenseurs, anti-hypolipidémiants et autres antidiabétiques », explique ainsi Jean-Claude Lastmann. Avant d’ajouter : « avec mille euros en moyenne par an et par diabétique, cette pathologie apparaît comme une manne à ne pas négliger ». D’autant que 35 % à 40 % des diabétiques ignoreraient encore leur état et que le diagnostic interviendrait, à l’heure actuelle, avec sept ans de retard.
Améliorer le suivi des patients.
Une situation que ne devrait pas contribuer à améliorer la diminution du nombre de praticiens. Dans les toutes prochaines années, la densité médicale passera en effet d’un médecin pour 520 habitants à un médecin pour 700 habitants. Dès lors, « un changement de paradigme se fera clairement jour dans les soins ambulatoires », explique François L’Hoste, pharmacologue et président honoraire de la Société française d’économie de la santé (SFES).
Et la recherche d’« une plus grande efficience issue d’une amélioration de la productivité et l’apport de solutions thérapeutiques réelles, passera nécessairement par le pharmacien d’officine ». Un pharmacien d’officine désormais responsable d’un pôle santé dans lequel « le développement de systèmes experts contribuera à améliorer le suivi des patients ». Car l’informatisation est la clé même d’un suivi adapté des pathologies chroniques et d’une plus grande productivité ! Autant de raisons qui font dire à Francis Megerlin, maître de conférence à l’université Paris Descarte, que « l’officine est une entreprise qui ne produit plus et qui proposera de plus en plus de prestations de service ».
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