LA DÉCOUVERTE de médicaments de l’Antiquité est rarissime. Nos principales informations sur la pharmacopée de l’époque grecque ou romaine viennent des textes de Théophraste, de Pline l’Ancien ou de Dioscoride, un médecin pharmacologue du début de notre ère. Les travaux de l’équipe de Marta Mariotti Lippic font suite à la découverte par des archéologues, à l’intérieur de l’épave Pozzino (reposant par 18 mètres de fond dans le golfe de Baratti, à proximité des ruines de la cité étrusque de Populonia et datée de 140-130 avant notre ère), d’une pyxis, avec divers équipements médicaux (fioles en buis, sonde métallique, etc.) ayant appartenu, vraisemblablement, à un médecin qui se trouvait sur le vaisseau.
À l’intérieur du petit récipient cylindrique se trouvaient cinq comprimés discoïdes de 4 cm de diamètre et de 1 cm d’épaisseur au maximum. Le prélèvement de quelques fragments d’un de ces comprimés a permis aux chimistes de l’équipe italienne d’analyser la composition chimique, minéralogique et botanique du cachet. Une spectroscopie par rayons X à énergie dispersée, combinée avec une microscopie électronique par balayage (SEM-EDX) a d’abord mis en évidence la présence majoritaire de zinc (75 %) et, dans une moindre mesure, de silicium (9 %) et de fer (5 %).
Principes actifs à base de zinc.
Mais c’est la spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (FTIR) qui précise le contenu en hydrozincite, en smithsonite, ainsi qu’en oxyde de fer (hématite). L’analyse par FTIR révèle aussi la présence d’amidon, tandis que la chromatographie gazeuse et spectrométrie de masse (GC/MS) met en évidence un mélange de lipides acylés et de cire d’abeille (identifiée par un fort contenu en acide palmitique). Les lipides acylés étaient d’origine animale (présence d’acides gras monocarboxyliques à 15
et 17 C et de cholestérol) et végétale (forte abondance d’acide oléique). Les Italiens identifient, par ailleurs, la présence de résine de pinacées et de traces de charbon végétal.
Une analyse plus approfondie des grains d’amidon suggère qu’ils provenaient de caryopses (grains de blé) de triticées et qu’ils avaient été bouillis ou cuits avant d’être intégrés à la préparation. Les auteurs retrouvent également une grande quantité de grains de pollen (concentration d’environ 1?400 grains/g), dont plus de 40 % étaient issus de Olea europaea (olivier). D’autres pollens, mentionnés dans la littérature antique, ont été retrouvés en moindres proportions (de 0,5 à 3 %).
Affections de l’œil et de la peau. La découverte des savants italiens est sans doute une première dans l’histoire de la pharmacopée. Les analyses conduites par les chercheurs de Pise et de Florence donnent une description extrêmement détaillée du type de composés utilisés dans la fabrication d’un médicament il y a 2 200 ans. Les principes actifs, à base de zinc, découverts majoritairement dans le comprimé analysé ici, confirment la place de cet élément (dénommé couramment « calamine », où sont associés de l’oxyde de zinc et de l’oxyde de fer) dans la pharmacopée de l’Antiquité. Pline l’Ancien et Dioscoride ont décrit les propriétés de l’oxyde de zinc (alors obtenu de manière indirecte, dans les fours de fabrication du cuivre) pour le traitement des affections de l’œil et de la peau.
Il serait intéressant de rattacher la présence, à l’état de traces, de charbon dans le comprimé de Pozzino à la découverte de charbon noir dans un collyre de l’époque romaine retrouvé à Lyon. Enfin, la présence de résine de pin pourrait s’expliquer comme un moyen de retarder la dégradation du produit et réduire la croissance de micro-organismes.
* Début de la conquête de la Grèce par les Romains.
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