LA PRESSE professionnelle, et notamment « le Quotidien », a relaté ces dernières semaines des cas de pharmaciens s’étant fait abuser lors d’achats de matériels professionnels (voir nos éditions du 15 mai et du 5 juin). Lorsque ces achats sont constitutifs d’une pratique commerciale abusive, d’une tromperie ou d’une fraude, ils tombent sous le coup de la loi pénale et les fournisseurs peuvent être condamnés à de lourdes sanctions. Mais, dans la plupart des cas, les procédés de vente sont simplement si persuasifs que, en dehors de tout abus, le pharmacien peut se retrouver avec un bien ou un service dont il n’a pas vraiment besoin. Dans cette hypothèse, ses droits dépendent de la nature du bien ou du service qu’il a commandé, et du lieu dans lequel la commande a été passée.
Vous êtes démarché à l’officine.
Les consommateurs – c’est-à-dire les non-professionnels – sont protégés des abus éventuels du démarchage à domicile par une réglementation stricte. Mais si le démarchage d’un fabricant ou d’un fournisseur a lieu dans votre officine, vous ne bénéficiez pas de garanties identiques suivant la nature des matériels ou des prestations que l’on vous propose. En effet, si le bien ou le service n’a pas de rapport direct avec votre activité officinale, vous êtes protégé, comme tout consommateur, par la loi sur le démarchage à domicile : vous pouvez renoncer à votre commande ou à votre engagement dans un délai de 7 jours, et aucun paiement ne peut vous être demandé avant l’expiration de ce délai. Un écrit comportant certaines mentions obligatoires doit d’autre part vous être remis par le vendeur. À compter du 14 juin 2014, ce délai de rétractation de 7 jours passera à 14 jours pour les pharmaciens employant au plus cinq salariés. Mais il faudra toujours, comme aujourd’hui, que l’objet du contrat ne présente pas de rapport direct avec l’activité de l’officine, ou qu’elle entre dans un champ d’activité qui n’est pas celui de l’officine. À l’inverse, si le bien ou le service correspond à un besoin professionnel, ou si la prestation a un rapport direct avec votre activité officinale, vous ne bénéficiez pas de cette protection et vous n’avez pas droit, notamment, au délai de rétractation légal. On estime, ici, que vous êtes suffisamment averti et compétent pour ne pas vous laisser abuser par le vendeur. Vous ne pouvez bénéficier alors que des dispositions prévues contre le démarchage abusif et l’abus de faiblesse.
Il est souvent facile de savoir si les biens ou services du vendeur ont un rapport direct avec l’activité professionnelle de l’acheteur. C’est ce qui a été jugé, par exemple, pour des commerçants ayant acheté un lecteur de chèque après un démarchage. Dans de tels cas, la protection contre le démarchage à domicile ne s’applique donc pas. Mais, au contraire, doivent par exemple pouvoir bénéficier de la protection l’achat d’un extincteur ou la conclusion d’un contrat de publicité pour la vente du fonds de commerce, notamment. Quoi qu’il en soit, lorsqu’il est difficile d’apprécier le lien direct entre le bien ou le service et l’activité professionnelle, la prudence s’impose. Il faut prendre le temps de réfléchir avant de signer le bon de commande et ne pas verser d’acompte tout de suite, surtout si l’achat correspond à un investissement important.
Vous commandez sur Internet.
Pour les commandes et les achats en ligne, les règles vont également changer à partir du 14 juin. En effet, pour les contrats conclus à compter de cette date, le délai de rétractation dont dispose le consommateur (l’acheteur) après la conclusion d’une vente à distance est porté lui aussi à 14 jours, au lieu de 7 jusqu’à présent. Pour les prestations de services, ce délai court à compter du jour de la conclusion du contrat. Pour les ventes, il court à compter du jour de la réception du bien par l’acheteur.
Si le droit de rétractation est exercé, vous disposerez alors de 14 jours après votre décision de vous rétracter pour restituer le bien. Le fournisseur en ligne, de son côté, devra vous rembourser la totalité des sommes que vous avez versées au plus tard dans les 14 jours (au lieu de 30 jours auparavant) après la date à laquelle il est informé de votre décision de vous rétracter ou du jour où il réceptionne le bien retourné.
Il faut savoir que les ventes à distance visées par cette réglementation sont les ventes par correspondance en tant que telles (d’après un catalogue), par Internet, ou les ventes à la suite d’un démarchage téléphonique, notamment.
Vous achetez dans un salon professionnel.
Pour les pharmaciens comme pour les autres professionnels libéraux ou commerçants, les achats dans un salon professionnel ne bénéficient pas de la réglementation protectrice du démarchage à domicile ou des ventes à distance. Un pharmacien qui commande un matériel ou un service dans un salon n’a donc pas droit à un délai de rétractation après sa commande. La loi considère en effet que l’acheteur est suffisamment averti, dans un salon professionnel, des caractéristiques du bien qu’il commande. Toutefois, la nouvelle loi sur la consommation du 17 mars 2014 impose désormais que les offres de contrat faites dans ces lieux mentionnent l’absence de possibilité de rétractation. Tout manquement du fournisseur ou du fabricant à cette obligation sera sanctionné par une amende.
La nouvelle loi prévoit aussi une mesure protectrice, qui s’applique immédiatement : si la vente dans un salon professionnel s’accompagne, de la part du fournisseur, d’une offre de crédit affecté à cet achat, l’acheteur bénéficie alors du nouveau délai de rétractation de 14 jours pour ce crédit. Par conséquent, si le pharmacien exerce ce droit, il sera libéré de l’obligation d’acheter le bien ou le service.
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