LA DÉCISION de déconventionnement prise le 30 juillet dernier à l’encontre des deux associés d’une pharmacie des Deux-Sèvres qui rechignaient à respecter leurs objectifs de délivrance de spécialités génériques a pu surprendre. Le tour de vis initié dans les textes depuis 2009 a en effet trouvé là une première application pratique. Le contexte économique rendant plus prégnant encore la nécessité de réduire les coûts de l’assurance-maladie, il est à craindre pour les pharmaciens que ce type de décisions ne devienne plus fréquent. Le régime de l’arsenal répressif étant souvent peu connu, un bref rappel peut être utile.
Signée en application de l’article L.162-16-1 du code de la sécurité sociale (CSS) entre les syndicats représentatifs des pharmaciens et l’UNCAM, une Convention nationale du 4 avril 2012, entrée en vigueur le 4 mai 2012, organise les relations entre ces parties et régit notamment le mécanisme de la dispense d’avance des frais, plus communément appelé « tiers payant ». Si l’article 40 de cette Convention confirme la liberté de tout pharmacien de ne pas adhérer, celle-ci reste théorique, l’absence de conventionnement étant un frein rédhibitoire à toute exploitation d’une officine. Le droit retient cependant que c’est en toute liberté que le pharmacien se soumet volontairement à cette Convention et accepte ainsi d’être sanctionné pour ne pas avoir respecté les « objectifs individuels » de délivrance de médicaments génériques qui lui sont par ailleurs fixés en application de l’Accord national relatif à la fixation d’objectifs de délivrance des spécialités génériques adopté en application de l’article L. 162-16-7 du CSS. L’article 30 de cet Accord précise en effet que le non-respect du dispositif législatif est sanctionné dans les conditions prévues par la Convention nationale.
Initialement incitative, la poursuite des « objectifs de délivrance » est depuis l’avenant n° 4 du 28 avril 2009 une obligation de résultat qui est susceptible d’être sanctionnée. Sans doute nécessaire dans son principe, ce mécanisme d’obligation demeure cependant contestable dans sa mise en œuvre, dès lors le régime des exceptions à la délivrance des spécialités génériques, visées à l’article L. 162-16-7 du CSS, reste parfois imprécis. Il n’est que de constater l’absence de parallélisme entre l’article L. 5125-23 du code de la santé publique qui renvoie à la notion de « raisons particulières tenant au patient » et l’article L. 162-16-7 du CSS qui fait référence à la notion plus restrictive des « problèmes particuliers au patient » pour comprendre que le champ des interprétations est large et fait assurément la joie des juristes mais certainement moins celle des pharmaciens. On citera encore la difficulté de déterminer qui, du pharmacien délivrant ou du médecin prescripteur, est responsable des effets iatrogènes pour comprendre que le doute peut saisir le pharmacien au moment d’accomplir son devoir de gardien des deniers de l’assurance-maladie.
Le pouvoir des caisses.
Contraint de signer une convention organisant un processus de délivrance qu’il ne maîtrise pas toujours, le pharmacien contrevenant ne trouvera pas nécessairement dans la longue procédure qui le conduira peut-être à la sanction le secours qu’il pourrait en attendre. Certes, un processus minutieux est décrit au titre IV de la Convention et dans son annexe IV.3 qui lui assure d’être écouté et assisté le cas échéant par un avocat à chaque étape mais l’on constatera que celui-ci est, de bout en bout, dirigé par les caisses. Ainsi, la procédure de sanction est ouverte à l’initiative des caisses, par l’envoi d’une lettre notifiée au pharmacien exposant les manquements relevés et les sanctions encourues et les délais de réponse, se poursuit par un entretien avec le directeur de la caisse qui décide, seul, de poursuivre une procédure qu’il clôturera par une décision qu’il prendra tout aussi seul, après un avis d’une commission paritaire locale (CPL) qui n’est que consultatif. Les décisions de déconventionnement ferme de plus de 15 jours ou avec sursis de plus de trois mois sont de la compétence du seul directeur de l’UNCAM, après avis simplement consultatif d’une commission paritaire nationale. Un recours conventionnel est bien ouvert contre les décisions des caisses locales mais l’avis émis n’est là encore que consultatif, la décision finale de retirer la décision relevant de la seule compétence de la caisse. Les caisses sont ainsi procureur, juge d’instruction, juge de première instance et juge d’appel.
Conséquences pratiques.
Les conséquences pratiques d’un déconventionnement étonnent également. En effet, alors que le conventionnement est en principe un acte volontaire du pharmacien, qui peut en principe librement choisir d’y renoncer, le déconventionnement-sanction s’accompagne, s’il ne conduit pas à la fermeture de l’officine, de l’obligation pour le pharmacien sanctionné de recruter un pharmacien remplaçant qui a pour obligation de respecter la Convention nationale. Cette mesure avait été sanctionnée en 2008 par le Conseil d’État mais figure encore dans la nouvelle Convention.
Le pharmacien sanctionné peut naturellement exercer les « voies de recours de droit commun », pour autant qu’il les identifie. Si le juge naturel des décisions des caisses ou du directeur de l’UNCAM apparaissait devoir être le juge administratif, par déduction des termes de l’article L. 162-34 du CSS, il a finalement été tranché par le Tribunal des conflits, le 21 juin 2004, que les litiges relatifs à la Convention nationale relevait des juridictions judiciaires, et plus particulièrement du tribunal des affaires sociales. Celui-ci doit être saisi par une requête déposée au secrétariat ou adressée à celui-ci par lettre recommandée dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la décision de déconventionnement.
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