UNE AURÉOLE D’INTÉGRITÉ. On a dans l’idée que les scientifiques, et a fortiori les médecins, se montrent à la hauteur de leur mission de faire avancer l’humanité. Ce n’est bien évidemment pas le cas. Le monde de la recherche médicale n’est pas épargné par la fraude. C’est ce que « la Presse Médicale » explique dans un dossier thématique consacré à ce sujet. Les raisons poussant à la fraude sont diverses – notoriété, compétition, enjeux financiers, manque de temps –, tout autant que les infractions commises – invention, falsification, trucage, embellissement, plagiat – et que les cas de figure - universitaires, chercheurs privés ou étudiants. « La fraude sous ses aspects les moins spectaculaires est peut-être plus fréquente qu’on ne le croit », estiment les auteurs du dossier.
Franchir la ligne jaune.
Dans les articles scientifiques, les motivations poussant les chercheurs à frauder « tiennent de la recherche de la notoriété, de l’appât du gain mais aussi probablement de troubles du comportement ». La pression à publier et la compétition académique, « publish or perish », y seraient pour quelque chose. Certains « pourraient être simplement convaincus qu’ils anticipent avec raison le résultat d’une recherche qui ne serait être différente de ce qu’ils en attendent ».
Ce pourrait être l’expression d’un burn-out « qui aurait plusieurs origines : recherche compulsive de fonds pour soutenir les travaux, la nécessité de faire face à des échéances de présentation de résultats dans des congrès de périodicité rapprochée, ou bien encore justification d’une production importante pour accéder à une promotion universitaire ». On peut évoquer aussi « l’esprit de compétition et de paranoïa dans lesquelles s’enferment certains individus ». Ou encore « la pression que font subir les “sponsors” ou bailleurs de fonds (...), notamment lorsqu’ils sont eux-mêmes en attente de résultats concernant les études en cours ».
La fraude scientifique est-elle en augmentation ? Difficile à dire. « Le nombre de rétractations par année a cependant augmenté sur la décennie de façon significative mais il est aussi possible que cela soit dû à une meilleure détection », proposent les auteurs. Le taux de rétractations aurait été multiplié par 10 entre 1999 et 2009, peut-on lire un peu plus loin dans le dossier. La rétractation concerne 0,02 % des publications, ce qui reste un événement rare. Ce d’autant que l’on ne connaît pas la proportion de rétractations pour erreur ou pour fraude.
Actuellement, hormis la responsabilité morale des auteurs, pour se prémunir de la fraude, Eh bien... il n’y a pas grand chose. La relecture par les pairs dans les revues, ou peer review, ne serait pas une garantie suffisante « en l’absence de contrôle direct des sources, le système est basé sur la bonne foi des auteurs. Seules peuvent être relevées par les relecteurs les incohérences, les manipulations statistiques et par les rédacteurs les doubles publications et les plagiats ». Une revue confrontée à des erreurs ou fraudes « peut publier 3 décisions : corrections pour les auteurs, expression de réserves pour les erreurs et fraudes quand la preuve n’est pas établie, rétractation quand existent des preuves ». La responsabilité morale des sociétés scientifiques est aussi impliquée « sachant que le nombre de présentations dans un congrès est souvent la marque de son succès ». L’adoption de protocoles de recherche rigoureux est un moyen de se prémunir des modifications a posteriori des objectifs et des critères d’analyse.
La situation des facultés de médecine.
La situation est sensiblement différente dans les facultés de médecine. Si on relève peu de falsification ou de fabrication de données, le plagiat est une forme d’infraction fréquente et banalisée. Comme les autres universités, les facultés de médecine souhaitent lutter contre le plagiat, qui est en augmentation depuis l’explosion des techniques numériques, des bibliothèques électroniques et la facilité du « copier-coller ». Sont concernés « les étudiants dans la préparation d’un mémoire ou d’une thèse, les enseignants-chercheurs dans la préparation d’un cours ou d’un article ». Difficile de tout réinventer, c’est pourquoi les auteurs précisent bien que « ce n’est pas la reproduction de telles données qui est critiquable, mais l’omission de citer la source d’où elles sont tirées ». Quant à l’autoplagiat, c’est un concept récent, qui se décline sous quatre formes selon Roig de l’université Saint Johns : « la double publication », « le saucissonnage des résultats dans plusieurs publications », « l’infraction au copyright » et « le recyclage d’un texte ». Les auteurs citent l’exemple d’étudiants utilisant le même travail pour la soutenance de la thèse de docteur en médecine et du mémoire de validation du diplôme d’étude spécialisé. La paraphrase est elle aussi une forme de plagiat.
Si les facultés de médecine « n’ont pas d’obligations légales et a priori pas de responsabilité pénale en cas de plagiat par un étudiant ou un enseignant-chercheur », elles ont une responsabilité morale. « Il n’existe pas de méthode simple et efficiente de détection du plagiat. » Pour les enseignants, cela signifie repérer une hétérogénéité de style entre différents paragraphes provenant de sources différentes. Un autre signe, c’est « l’absence ou le manque de citations bibliographiques au sein du texte ». Ou tout simplement, « une trop grande proximité entre les travaux d’un ou de plusieurs étudiants ».
Les parades au « copier-coller ».
C’est ainsi que de plus en plus d’universités s’équipent de logiciels de détection de plagiat. Le système repose sur la comparaison automatisée de documents, mais ces logiciels ont de nombreuses limites (paraphrases, langue différente, documents non disponibles). Mais la première mesure serait d’agir « en amont de la finalisation du travail ». Or le plagiat est largement banalisé par les étudiants... et par les enseignants. Dans une enquête à Lyon, 30,7 % des étudiants déclaraient ne pas frauder, alors que 77 % des travaux contenaient au moins un passage recopié à l’identique depuis Internet. Mais plus frappant, 94 % des enseignants avaient constaté le copier-coller. La formation des étudiants est un maillon essentiel, ainsi que l’information sur les cas de fraude au sein de l’établissement et la dissuasion par des sanctions disciplinaires. Alors que les causes rapportées au plagiat par les étudiants sont le manque de temps, la mauvaise gestion du temps, un déficit de savoir-faire et une peur de l’échec, il y a de bonnes raisons de penser qu’un enseignement spécifique et un accompagnement personnalisé portent aussi leurs fruits.
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