La transmission des coronavirus à l’homme est connue depuis plus de 15 ans. C’est seulement maintenant en contexte de pandémie que la recherche est sur le pied de guerre contre le coronavirus : 20 projets viennent d’être lancés en France via l’action du consortium accélérateur de recherche REACTing.
Quatre axes ont été identifiés par le comité scientifique coordonné par le Pr Jean-François Delfraissy, ancien directeur général de l’ANRS et, depuis ce 13 mars, président du conseil scientifique auprès du ministère de la Santé sur la gestion de crise COVID-19 : la recherche à visée diagnostique clinique et thérapeutique (six projets), la recherche en épidémiologie (trois projets), la recherche fondamentale (sept projets) et la recherche en sciences humaines et sociales (quatre projets).
Le projet de recherche clinique le plus médiatique est l’essai multicentrique à quatre bras évaluant l’efficacité du Kaletra seul (ritonavir/lopinavir d’AbbVie indiqué dans le traitement de l’infection par le VIH), avec ou sans interféron bêta, du remdesivir seul (mis au point par Gilead contre Ebola, mais efficace in vitro contre le MERS-Cov et le SARS-Cov-2) et un bras contrôle avec traitement symptomatique seul (oxygénation, hydratation, antiémétique, etc.).
D’autres expériences de repositionnement de ces médicaments sont en cours : une autorisation temporaire d’utilisation du remdesivir et un essai d’utilisation en prophylaxie de Kaletra. Par ailleurs, un essai clinique sur 24 patients évaluant l’efficacité de la Chloroquine est sur le point de débuter à Marseille.
Le Pr Bruno Lina (Hospices civils de Lyon), responsable du Centre national de référence virus des infections respiratoires est chargé d’assurer le suivi virologique de ces essais : « nous allons regarder si les charges virales baissent plus ou moins vite en fonction des différents bras. Mon laboratoire réalise aussi une recherche de nouvelles molécules. On regarde la signature ex-vivo de l’infection et recherche des molécules qui ont un effet contraire à cette signature », explique le Pr Lina.
La piste des inhibiteurs de furines
La recherche fondamentale est également mise à contribution : mise au point d’un modèle animal et d’un réplicon pour le SARS-Cov-2, potentialisation des thérapies nucléosidiques et travaux sur les furines, une cible thérapeutique prometteuse.
Il y a environ un mois, Bruno Coutard et Étienne Decroly (chargés de recherche au laboratoire d’architecture et fonction des macromolécules biologiques, université Aix-Marseille) ont publié des données prouvant que le SARS-Cov-2 a besoin d’une étape de maturation de la protéine de structure Spike pour être capable d’infecter une cellule humaine.
« Notre hypothèse de travail est que si on empêche cette maturation à l’aide d’un inhibiteur de protéase, le virus ne sera plus efficace », explique au « Quotidien » Bruno Coutard. Cette approche a été récemment validée dans une publication des chercheurs de l’université de Göttingen. Ces derniers proposent l’utilisation du camostat mesilate, qui dispose déjà d’une autorisation de mise sur le marché au Japon dans l’indication de la pancréatite. Bruno Coutard reste prudent : « les molécules qui fonctionnent in vitro ne sont que rarement validées dans les modèles animaux ».
Tests sérologiques et masques en réanimation
Pour sa part, l’équipe du département immunologie humorale de l’Institut Pasteur, dirigé par Hugo Mouquet travaille sur l’identification et la caractérisation d’anticorps monoclonaux humains neutralisant le SARS-Cov-2, et leur potentiel développement vers des candidats vaccins. La mise au point d’un vaccin ne figure pourtant pas sur la liste des priorités de REACTing, comme le précise le Pr Delfraissy : « cela doit faire l’objet d’une collaboration internationale impliquant plusieurs labos pharmaceutiques ».
Le dernier axe de travail concerne la recherche en sciences politiques et sociales. « En premier lieu, nous allons évaluer les effets de la circulation des informations scientifiques, souvent fausses, dans un contexte de science ouverte, détaille Daniel Benamouzig, chercheur au centre de sociologie des organisations à Sciences Po. Notre autre sujet est l’étude comparée des réactions de régimes autoritaires ou plus démocratiques dans leur gestion de l’information et de la crise. »
Des fonds trop tardifs ?
Ces projets se sont partagé un fonds d’amorçage d’un million d’euros. Des financements d’origines diverses doivent prendre le relais. L’agence nationale de la recherche a ainsi lancé un appel à projet avec un processus accéléré d’évaluation et de sélection sur l’épidémie COVID-19 doté d’un budget initial de trois millions d’euros. La Commission européenne a pour sa part annoncé avoir mobilisé 140 millions d’euros.
Bruno Coutard, qui travaille depuis 2005 sur le SARS-Cov-2, regrette que des fonds ne soient mobilisés que lors des crises. « Avec des budgets qui vont de 100 à 500 millions de dollars on aurait pu développer des traitements, une goutte d’eau comparée aux 130 milliards de dollars que l’épidémie pourrait coûter à l’économie », déplore-t-il.
(1) Giulia Pullano et al, Eurosurveillance, volume XXV, Issue 4, 2020.
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