COMME POUR toutes les réformes, nous dit la gauche, celle des régimes de retraite est indispensable, mais la réforme du gouvernement n’est pas la bonne. Ce qui n’empêche pas deux observations : quand elle était au pouvoir, la gauche n’a absolument rien fait pour rééquilibrer les régimes, en dépit de plusieurs signaux d’alerte. Qu’elle ne s’étonne pas aujourd’hui d’avoir une réforme de la droite. En outre, une réforme susceptible d’éponger les déficits d’ici à 2018 vaut mieux que pas de réforme du tout.
Ces considérations n’enlèvent rien à la nature du projet adopté par Nicolas Sarkozy. Il est incontestable qu’il pèse infiniment plus lourd sur les ouvriers et les employés que sur les cadres et les retraités eux-mêmes ou que les épargnants. Le président a fait un choix politique. Il a définitivement renoncé à attirer les votes de la classe populaire. Il se recentre sur son électorat traditionnel, avec l’espoir de rallier les centristes à son panache, ainsi qu’une partie des électeurs du Front national. Cette stratégie peut ne pas fonctionner. Mais il n’en a pas d’autre car, s’il avait fait mine de faire payer les retraites par l’épargne, il se serait aliéné le cœur même de son électorat.
Ces froides considérations expliquent en partie le pilonnage du projet par l’opposition. C’est Jean-Claude Mailly (FO) qui réclame le retrait pur et simple de la réforme, revendication qui stérilise le débat. C’est la CFDT qui parle de « provocation », c’est Marine Le Pen qui utilise trois qualificatifs sans appel, « injuste, inefficace, mensongère » pour critiquer la réforme, c’est Martine Aubry qui la juge « irresponsable », ce sont les Verts qui considèrent qu’elle contient une « iniquité révoltante », c’est la CGT qui la trouve « brutale ». On est habitué à des propos sévères dans le débat politique, on n’avait peut-être pas entendu depuis longtemps un florilège à la fois aussi cruel et aussi consensuel. Mais les syndicats n’ont même pas consenti à négocier, entre mercredi et vendredi, certains aspects de la réforme. Ils ont préféré s’enfermer dans un niet définitif. « La mobilisation sera sans doute forte le 24 juin, a déclaré Éric Wœrth, nous l’attendons, mais nous ne la redoutons pas ». Assurément, le gouvernement s’attend à une fronde de grande ampleur et il sait que lorsque le texte sera présenté au Parlement à la rentrée, il peut s’attendre au pire. Après tout, si M. Sarkozy n’avait que l’intention de se présenter à un second mandat, il aurait évité de prendre tous ces risques. Il croit, au fond de lui-même, que l’adoption du projet fera de lui l’homme qui a le courage de changer le pays et que, à terme, son indéniable courage lui profitera.
Du fatalisme à la sagesse.
On verra bien. Mais en attendant ce bon scénario, il peut en craindre un autre : celui d’un telle hostilité au projet que la revendication de M. Mailly devienne celle d’une majorité populaire et que des grèves interminables forcent le président, comme elles ont forcé Jacques Chirac en 1995, à retirer le texte. Une telle défaite à 18 mois des élections serait une catastrophe d’une telle ampleur qu’elle compromettait les chances électorales de Nicolas Sarkozy alors qu’il ne cache plus son désir d’exercer un second mandat. Y aurait-il chez un peu de ce fatalisme qui prépare la sagesse ? Il est plus probable qu’ayant fait tous ses comptes, le chef de l’État a estimé que sa stratégie (finir la plus grande réforme de son mandat pour confirmer son autorité) était la seule possible et que, si elle produit des résultats négatifs, il ne pourrait s’en prendre qu’à lui-même.
L’opposition peut pousser ses feux jusqu’à déclencher un vaste incendie, c’est son droit. Elle ne peut pas s’étonner de ce qu’un gouvernement dont elle a stigmatisé en son temps l’ouverture à gauche, finisse par se replier sur les valeurs qui l’inspirent et adoptent une réforme qui, de droite ou non, a au moins le mérite de résorber un déficit alarmant, ou tout au moins à commencer à le faire, tout en évitant de rogner sur le pouvoir d’achat, seul moteur de la croissance. La question des retraites s’inscrit dans domaine infiniment plus vaste, celui d’une crise d’où nous ne sommes pas sortis et dont les menaces, comme les têtes de l’hydre, renaissent chaque fois qu’on les coupe. C’était la Grèce, c’est maintenant l’Espagne. C’est la Belgique qui se rompt, c’est l’Allemagne qui impose son tempo national. C’est un monde dangereux. Dans ce monde-là, il y a deux profils qui se dégagent, ceux que les Américains appellent les crybabies et les busybodies, les pleureurs et les suractifs. Il y a beaucoup de crybabies en France.
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