Publié sans interruption depuis octobre 1859, d’abord mensuellement puis chaque semaine, le journal « Chemist and Druggist » se démarquait des autres publications pharmaceutiques de l’époque par ses informations pratiques, très axées sur les besoins quotidiens des pharmaciens, à l’inverse de ses concurrents plus scientifiques et plus universitaires. En France, en dehors des journaux scientifiques de pharmacie qui remontent au début du XIXe siècle, le premier journal spécifiquement officinal, « l’Union pharmaceutique », voit le jour en 1860, mais disparaît en 1910. Aujourd’hui, nos principales publications officinales sont toutes postérieures à 1944.
Grâce à l’énorme travail fourni par les archivistes et les informaticiens du Wellcome, « Chemist and Druggist », plus couramment appelé « C+D », est désormais entièrement consultable en ligne, avec un index qui permet de circuler rapidement même dans les numéros les plus anciens. À côté des articles scientifiques, le journal proposait dès ses débuts des articles à caractère professionnel, mais aussi des études économiques, statistiques et commerciales. Il se distingue par l’ampleur de sa publicité ainsi que par son graphisme et la qualité de sa maquette, qui évolue régulièrement au fil des années.
Le banquet des grossistes
Certes, le lecteur français n’a pas forcément besoin de tout savoir sur les combats professionnels des pharmaciens britanniques il y a plus de cent ans, même si leurs débats sur la pertinence des « drugstores », aux gammes très larges, par rapport aux pharmacies se limitant aux préparations conservent une certaine actualité. Il sera plus intéressé par les pages consacrées « aux colonies et à l’étranger », et notamment à la France. Les journaux et les journalistes britanniques de l’époque, qui passaient pour les meilleurs du monde, étaient en effet largement ouverts sur les autres pays, et y disposaient de correspondants réguliers.
C’est ainsi que le journal prenait souvent le « pouls » des pharmaciens et de la pharmacie française, avec des articles tantôt sérieux, tantôt plus anecdotiques. S’il s’intéresse par exemple aux efforts de la IIIe République pour lutter contre l’exercice illégal et le charlatanisme, il constate aussi, mi-étonné mi-amusé, que l’association des grossistes avait décidé de commencer ses assemblées générales par un banquet pour rendre ses rencontres plus conviviales.
Bonbons à l'arsenic
Les pharmacies françaises sont parfois déroutantes pour des étrangers, comme le relate en 1873 un article intitulé « Dangers de la gourmandise à la pharmacie ». Un pharmacien parisien avait préparé des pâtes et des pommades à base d’arsenic, qu’il avait ensuite laissé sécher dans son officine. Une jeune touriste américaine, venue chercher une prescription, crut qu’il s’agissait de bonbons et de douceurs offertes à la clientèle, comme cela était l’usage dans les pharmacies d’Outre Atlantique, et commença à se servir. Seule la présence d’esprit d’un aide pharmacien évita, au dernier moment, à la jeune cliente de payer très cher sa gourmandise, raconte le journal, mais elle prit très mal la chose lorsqu’elle réalisa ce à quoi elle venait d’échapper.
Il est vrai que les empoisonnements en tous genres étaient particulièrement nombreux autrefois, au point que le journal consacrait, dans chaque numéro, une rubrique intitulée « Poisoning » qui présentait des cas d’empoisonnements accidentels, volontaires ou criminels, avec ou sans substances pharmaceutiques.
Fausse recette mais vraie escroquerie
Choisis et commentés par les archivistes du Wellcome, certains articles tirés du journal témoignent de pratiques qui nous laissent songeurs aujourd’hui. L’huile « Sequah », fortifiant à base de plantes recueillies dans les plaines du Far West, selon des recettes indiennes, connut par exemple une gloire médiatique et commerciale dans toute la Grande-Bretagne autour de 1890. Ses promoteurs n’hésitaient pas, pour la faire connaître, à organiser des défilés d’Indiens et des spectacles à travers tout le pays, avec des danses et des orchestres tonitruants. Elle était aussi conseillée contre la douleur et les rhumatismes, et connut une carrière fulgurante… jusqu’au jour où il apparut que sa formule, loin d’être basée sur des plantes et des recettes indiennes, n’était en fait qu’une banale huile de poisson bon marché enrichie d’alcool. L’affaire fit scandale et entraîna la faillite de son producteur.
Le journal « Chemist and Druggist » est consultable, depuis l’origine, à l’adresse : http://wellcomelibrary.org/item/b19974760#?c=0&m=0&s=0&cv=0&z=-1.3179%2….
Insolite
Épiler ou pas ?
La Pharmacie du Marché
Un comportement suspect
La Pharmacie du Marché
Le temps de la solidarité
Insolite
Rouge à lèvres d'occasion