« MON OFFICINE est classée en zone noire. Autant dire que son avenir… » annonce Alain Fillonneau, pharmacien de Charron, en Charente-Maritime. Cent cinquante autres maisons du village sont condamnées à l’expropriation et à la destruction. Parmi elles, l’école, les commerces, les habitations des rues qui relient les deux bourgs de la commune. Ce qui signifie, à terme, la mort de ce village de 2 200 âmes.
Pour Charron et ses habitants, tout a basculé dans la nuit du dimanche 28 février, quand la tempête Xynthia et la mer ont tout balayé sur leur passage, tuant trois personnes et transformant le village en île. « On s’attendait à des débordements, car nous connaissions l’état des digues… mais pas à une catastrophe de cette ampleur », indique Alain Fillonneau. Ce matin-là, son officine est sous un mètre d’eau, mais il est parmi les premiers à réagir. Tandis que les hélicoptères emmènent les blessés les plus graves, il s’installe dans la salle des fêtes qu’il transforme en cellule de secours d’urgence. Son épouse y transporte les médicaments qui peuvent être sauvés, son assistante assure l’accueil des blessés, et lui, les soins (coupures multiples, chocs nerveux…). « Je ne me suis pas posé de question, je me suis mis d’emblée au service de la population ; c’est un village qui m’a tant donné… » (voir encadré).
L’après-midi, une infirmière les rejoint, ainsi qu’une équipe de la sécurité civile, mais celle-ci n’a pas de médicaments. Aussi, pendant deux jours, Alain Fillonneau et son équipe parent au plus pressé. Sans informatique, avec leur seule mémoire, ils reconstituent les ordonnances de chacun, utilisent au mieux les produits disponibles.
Sur place, chacun donne la main. À commencer par les mytiliculteurs qui, avec leurs tracteurs et leurs bateaux, sauveront de nombreuses vies dans les premières heures du drame ; puis les pompiers, l’armée et les sauveteurs bénévoles…
Un élan de solidarité et de confraternité.
S’enclenche alors un élan de solidarité sans précédent, pour ce village et sa pharmacie. « Lundi, un responsable syndical m’a fait parvenir un ordonnancier et un Vidal, raconte Alain Fillonneau. Mardi, la présidente nationale de l’Ordre m’a appelé pour me faire part de son soutien total. Cela m’a encouragé à un moment où nous commencions à flancher. Puis ce furent les syndicats, les confrères qui ont envoyé du personnel ou sont venus aider. Mon prestataire informatique m’a livré des ordinateurs et nos sauvegardes, un responsable a pris sur ses congés pour tout reconnecter. Dès le mardi aussi, les grossistes ont recommencé à nous livrer. Tous ont été exceptionnels, y compris ERDF, France Télécoms, l’inspection ou la caisse primaire qui a mis en place une procédure exceptionnelle me permettant de prescrire en marquant simplement « tempête » à la place du nom du prescripteur. Mon groupement, Réseau santé, m’a fait livrer un Algéco, un agenceur de Marans (Charente Maritime) m’a offert des rayonnages provisoires… Et dix jours après le raz de marée, j’ai pu m’installer dans un local provisoire devant ma pharmacie. Il est très agréable de sentir une confraternité qui, jadis, avait pu me paraître lointaine (voir encadré). Sans cela, nous n’aurions pas tenu. »
Recommencer à zéro ?
Alain Fillonneau et son équipe ont su faire face, mais l’avenir de son officine en zone noire (à raser), s’annonce incertain. « Si le zonage reste en l’état, c’est la triple peine : catastrophe, expropriation et mort du village. À la préfecture, personne n’est capable de me dire sur quelles bases mon officine sera payée si je suis exproprié. Mon assurance refuse de bouger… Certes, il doit rester des zones noires, mais il faut modifier les tracés. Si l’on y parvient, je suis prêt à recommencer à zéro. Pourtant, à 47 ans, j’espérais souffler… Mais je suis prêt à prendre le risque, car je me dois à cette population qui a tant fait pour moi. Et puis quand on aime son métier et qu’on se sent utile… »
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