LE TIMING semblait serré. Cinquante jours pour réformer la rémunération des pharmaciens et définir de nouvelles perspectives au métier, le pari était osé. Toutefois, les syndicats d’officinaux et l’assurance-maladie ne partaient pas de rien. La loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST), le rapport de l’IGAS et l’article 74 de loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2012 avaient déjà bien préparé le terrain. Restait aux deux parties à mettre les nouvelles missions et la nouvelle rémunération à la « sauce » conventionnelle. Les discussions ont parfois été tendues au cours des sept séances de négociations qui se sont déroulées entre le 7 février et le 29 mars. Mais, finalement, à l’issue d’une ultime réunion qui aura duré plus de vingt heures, les trois syndicats d’officinaux et l’assurance-maladie sont tombés d’accord sur un projet de nouvelle convention. Un projet que l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) et l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF) doivent faire approuver cette semaine par leurs adhérents avant de signer officiellement le texte conventionnel. Car, pour sa part, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) a déjà annoncé qu’elle le parapherait (voir encadré). Pour son président, Philippe Gaertner, la signature de cette convention représente tout simplement « un des moments les plus importants pour la pharmacie française de ces dernières décennies. C’est une révolution en douceur, mais une vraie révolution ». Il ajoute : « C’est le point de départ d’une nouvelle vision de la profession de pharmacien d’officine. »
Plus réservés jusqu’à présent, les deux autres syndicats attendent l’avis de leurs adhérents avant de se prononcer. « C’est une convention un peu timide sur l’évolution du métier, mais qui marque une vraie rupture par rapport à ce qui liait jusqu’à présent l’assurance-maladie et les pharmaciens », commente Gilles Bonnefond, président de l’USPO, qui se dit toutefois prudent en ce qui concerne le nouveau mode de rémunération envisagé. Favorable à la déconnexion de la rémunération du prix du médicament, il craint que la part d’honoraires initiale retenue soit un peu forte. « Il y a eu des efforts de fait », estime pour sa part Michel Caillaud, président de l’UNPF, particulièrement critique jusqu’alors.
Un pas de géant.
De son côté, le ministre de la Santé salut sans réserve les conclusions de cette négociation et n’hésite pas à parler de « révolution majeure pour l’officine ». « C’est un pas de géant, affirme Xavier Bertrand. Nous avons posé là les bases d’un nouveau mode d’exercice et de rémunération pour les vingt ans à venir. »
Concrètement, le projet de convention prévoit la mise en place progressive à partir de 2013 d’une part d’honoraires de dispensation, en complément de la marge commerciale. La première marche est significative et est fixée à 12,5 % (ce qui représente environ 700 millions d’euros pour le réseau). Cette part s’étendra ensuite pour représenter 25 % d’ici à cinq ans.
Le principe de missions rémunérées est également arrêté. À partir du 1er janvier 2013, l’assurance-maladie versera aux pharmaciens un forfait de 40 euros par an et par patient pour l’accompagnement de patients sous anticoagulants (AVK). « Cela représente 1,2 million de patients, dont 300 000 nouveaux chaque année », souligne Philippe Gaertner. Cet accompagnement se fera sous la forme d’entretiens pharmaceutiques (deux par an), réalisés dans un espace de confidentialité. D’autres missions verront ensuite le jour sous forme d’avenants à la convention. Ainsi, dès le 1er juillet 2013, une nouvelle mission d’accompagnement sera mise en place et concernera cette fois les asthmatiques.
Un paiement à la performance pour la substitution générique est également prévu. « Environ un tiers des économies générées par les génériques seront redistribuées à la profession » en contrepartie de la réalisation d’objectifs individuels, explique Michel Caillaud, soit près de 70 millions d’euros. Ce qui fait qu’un titulaire qui respecte ses objectifs pourra gagner « 3 000 euros supplémentaires par an », souligne Gilles Bonnefond. Aux côtés des objectifs de substitution, l’aspect qualité sera également pris en compte. Un système de bonus pourra ainsi être appliqué à ceux qui respecteront l’engagement de ne pas changer de marque de générique sur une longue période, pour les personnes âgées de plus de 75 ans.
La prochaine convention revalorise également la permanence des soins. Les indemnités d’astreintes seront doublées et portées à 150 euros, tandis que les honoraires de garde passeront à 5 euros le dimanche et à 8 euros la nuit.
À noter enfin que le mode de calcul de la marge des grands conditionnements sera modifié par arrêté, comme le réclamait l’USPO depuis longtemps. La perte de marge du pharmacien en cas de dispensation d’un emballage trimestriel au lieu de trois boîtes mensuelles ne sera plus que de 10 %, contre environ 30 % aujourd’hui en moyenne. Au final, l’ensemble des mesures conclues dans la nuit de mercredi à jeudi dernier visent à trouver un juste équilibre entre évolution du métier et nouveau souffle économique.
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