LES PHARMACIENS devraient connaître dans les prochains jours le sort qui leur est réservé. Dans le cadre de la réforme des professions réglementées, il n’y aura pas de statu quo pour l’officine, ont déjà prévenu les ministres de la Santé et de l’Économie. La future loi sur la croissance et le pouvoir d’achat actuellement en préparation devrait donc modifier quelque peu le modèle officinal français. Oui, mais sur quels aspects ? Car, à en croire les récentes déclarations des ministres concernés, pas grand-chose ne devrait changer. L’ouverture du monopole ? Marisol Touraine s’y est déclarée plusieurs fois opposée, même si elle pense qu’un « nettoyage » de la liste des médicaments est nécessaire. Les règles d’installation des pharmacies ? Emmanuel Macron a, lui, déjà affirmé que son projet de loi n’attentera pas à la sécurité sanitaire ni à l’équilibre des territoires. En revanche, le risque de voir apparaître des plate-formes de vente en ligne de médicaments regroupant plusieurs pharmaciens, sans lien avec l’officine, reste entier.
Une place pour les salariés.
Mais si l’on considère les trois piliers du modèle officinal français, au-delà d’une révision du statut de médicaments de certains dentifrices et diverses pastilles, c’est plutôt du côté du capital que des changements pourraient intervenir. Et sur ce point, les deux ministres semblent être sur la même longueur d’onde. L’un et l’autre l’assurent, il n’est pas question d’autoriser l’ouverture du capital des pharmacies à des partenaires financiers extérieurs, contrairement à l’avant-projet de loi qui avait circulé (voir encadré). « Les fonds de pension c’est une mauvaise chose, explique Marisol Touraine. Il faut évidemment garantir l’indépendance des officines. Il ne serait pas possible par exemple que l’industrie pharmaceutique ou que des médecins, qui sont prescripteurs, soient au capital des pharmacies. » En revanche, elle verrait d’un bon œil que « des salariés qui travaillent dans des pharmacies puissent entrer au capital de leur officine ». Avis apparemment partagé par Emmanuel Macron. La réforme à venir doit permettre l’accès des jeunes diplômés « à une responsabilité pleine et entière », considère-t-il. Autre signe de l’intérêt porté par le gouvernement sur une évolution des règles de détention du capital des pharmacies : c’est l’un des deux points, avec l’implantation des officines sur le territoire, sur lesquels les membres des cabinets de l’avenue de Ségur et de Bercy ont souhaité revenir lors de la dernière réunion de concertation avec les syndicats et l’Ordre des pharmaciens (« le Quotidien » du 9 octobre).
Des évolutions possibles.
Hostiles à toute ouverture du capital à des non-pharmaciens, les représentants de la profession semblent toutefois prêts à consentir quelques évolutions. Par exemple, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) est favorable à la suppression de l’obligation de détention de 5 % des parts de façon directe par les pharmaciens exerçants. « Le code de la santé publique impose une participation minimale de 5 % pour un associé dans une officine de pharmacie, explique-t-elle. Depuis la publication du décret SEL/SPFPL, cette mesure ne se justifie plus et nuit à la fluidité des transmissions car elle empêche les associés d’opter pour le régime d’intégration fiscale. »
L’idée est également défendue par l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) qui propose aussi d’engager une discussion pour mettre en œuvre un dispositif de pharmacies « principales » et de pharmacies « succursales » pour assurer le maintien des officines en milieu rural. Mais attention, une pharmacie « principale » ne pourrait détenir qu’une seule « succursale ». « Un adjoint en aurait la responsabilité, précise le président de l’USPO, Gilles Bonnefond. Cela offrirait de meilleures perspectives de carrière à nos salariés. » Ce concept est très proche de celui avancé il y a quelques années par le Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine (CNGPO) et que n’a pas manqué de remettre sur la table son président, Pascal Louis, lors d’un récent entretien avec le cabinet du ministre de l’Économie. La différence : le projet du CNGPO prévoit qu’une société de pharmacie puisse détenir une pharmacie principale et trois officines succursales. « Il s’agit d’une ouverture du capital, mais au sein de la profession », insiste Pascal Louis. Selon le CNGPO, ce système serait plus avantageux qu’un regroupement car il maintiendrait les points de vente, chaque succursale possédant une licence d’exploitation. Mais pour cela, il faudrait qu’un titulaire ne soit plus obligatoirement propriétaire de la pharmacie où il exerce.
Des gages pour Bruxelles.
« La question du capital doit être posée et faire l’objet d’une réflexion au sein de la profession », estime pour sa part Michel Caillaud, conseiller du président de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF). Mais, selon lui, cela ne doit pas se faire dans l’urgence, ni sous la pression. Car pour le conseiller de l’UNPF, c’est clair, « dans un contexte de baisses tarifaires constantes, nous ne pourrons pas lutter économiquement sans engager des restructurations au niveau de l’officine ». Michel Caillaud considère que la profession a loupé le coche en mettant fin à la dérogation accordée pour les SELAS*, sociétés dans lesquelles des associés non titulaires pouvaient être majoritaires en capital. « Les SELAS ne sont pas forcément des éléments à repousser systématiquement, indique-t-il. Elles peuvent être un moyen, pour un jeune pharmacien qui souhaite s’installer, de monter progressivement dans le capital de l’officine. Ce n’est pas absurde. » Toutefois, à ses yeux, les évolutions demandées sont avant tout des gages donnés par le gouvernement à l’Union européenne. « Si la France n’était pas le plus mauvais élève de l’Europe est-ce que la question de l’ouverture du capital se poserait pour la pharmacie ? » s’interroge ainsi Michel Caillaud, qui reste perplexe et prudent à l’issue de la dernière réunion avec les cabinets ministériels : « Soit nos interlocuteurs ont déjà formalisé des éléments, et donc ils nous amusent, soit ils ont de réelles difficultés à élaborer un texte. »
Quoi qu’il en soit, même si les ministres jouent l’apaisement, les organisations professionnelles ne baissent pas la garde. « Nous ne sommes qu’au début de l’écriture du projet de loi, souligne Philippe Gaertner. Il ne faut pas négliger les possibilités de modifications du texte au cours des débats parlementaires. » Certes, « nous avons le sentiment d’être écoutés, que nos arguments sont pris en compte », indique de son côté Gilles Bonnefond. Ce qui ne l’empêche pas de demander à ses confrères de maintenir la pression sur le gouvernement. « Les pharmaciens doivent continuer la grève des gardes, à contacter les élus et à envoyer les signatures de la pétition qui est un succès phénoménal », martèle-t-il. Plus d’un million de signatures ont été récoltées en quinze jours. La pétition lancée par Michel-Edouard Leclerc en a, elle, enregistré près de 47 000 pour le moment.
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