Le projet d’introduire une clause de conscience dans notre code de déontologie a fait peur à certains. Notre code met déjà en avant les principes de respect de toute vie humaine et de dignité de toute personne. Et c’est tant mieux !
Mais en regard des évolutions constatées dans les domaines de la recherche et du soin, n’est-il pas souhaitable d’anticiper certaines situations afin de définir un cadre de référence plus précis qui aiderait à nous déterminer personnellement, après réflexion, dans notre exercice professionnel ?
Au vu des analyses des résultats de l’enquête d’opinion lancée par l’Ordre en janvier dernier, deux points forts ne peuvent être négligés : un tiers des pharmaciens souhaite le renforcement de notre rôle et de notre responsabilité et 85 % des confrères se sont exprimés pour qu’une clause de conscience au bénéfice du pharmacien soit prévue, cela quel que soit le secteur d’activité (officine, établissement de santé, industrie, distribution) ou l’âge de l’interviewé.
Les chiffres démontrent qu’on est bien loin d’une problématique exclusivement officinale, remettant en cause le droit à la contraception, comme certains voudraient le faire croire. Ils révèlent au contraire des craintes quant à des situations où se jouent des décisions éthiques importantes : situations complexes de fin de vie et du grand âge, orientations de recherche incitant des équipes à travailler sur du « matériel » embryonnaire, mise sur le marché de molécules insuffisamment évaluées… Autant d’exemples qui permettent de se rendre compte que chaque situation rencontrée constitue un cas particulier, avec la nécessité de recontextualiser à chaque fois.
Certains préféreraient simplement appliquer la loi par confort intellectuel. Cette option « conformiste » privilégiant un traitement des demandes de manière exclusivement généraliste, exclut d’office toute approche singulière. Or, en tant que soignant, peut-on être déconnecté dans notre exercice professionnel jusqu’à occulter toute option personnelle ?
Ignorer cette « perméabilité » entre nos différents champs de réflexion n’est-il pas simple vue de l’esprit ! Ainsi les conditions d’exercice lors de service de garde devraient-elles perdurer, alors qu’elles nous contraignent à un relatif désintérêt ? Et ne mesure-t-on pas à nouveau les dégâts d’un tel choix : après les affaires Médiator, Diane…, l’exposition des femmes enceintes sous Dépakine ne relance-t-elle pas la question de notre responsabilité ? Doit-on continuer à se restreindre à assumer en toute insouciance la légitimité de ce qui nous est demandé plutôt que d’épouser au mieux la logique d’engagement à laquelle la réalité nous convie ? *
Enfin, au vu des résultats de l’enquête, raisonne-t-on dans le bon sens alors qu’émerge dans la profession le désir de développer l’interprofessionnalité ? Intervenir dans un débat avec prise en compte de l’avis donné suppose les mêmes possibilités d’expression, de discernement et d’engagement responsable pour tous les professionnels intervenant. Peut-on alors être respecté quand ces moyens ne nous sont pas reconnus ?
La loi ne peut tout dire de la complexité humaine. Ambitionner de tout résoudre par la loi ne revient qu’à supprimer l’humain de notre humanité ! Mais les objectifs de la loi sont-ils clairs pour tout le monde ? Alors que pour certains, la loi n’existe que pour donner des vérités à respecter et verrouiller toute réflexion, n’est-elle pas au contraire une chance qui nous ouvre des espaces pour plus de liberté et d’échange, et qui évite la violence de l’indifférence ? Notre profession devrait en mesurer les conséquences.
* Aux sources de la pensée occidentale, la tragédie d’Antigone rappelle que, au nom d’une Loi supérieure (le devoir de donner une sépulture à tout humain !), il peut être nécessaire de s’opposer aux lois du roi refusant la sépulture aux ennemis de la cité.
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