Après avoir participé aux campagnes de Lorraine, puis servi dans l’Aisne et dans la Somme, Albert Couderc fut capturé en juin 1918 près de Compiègne, lors de la dernière grande offensive allemande. Au lendemain de la guerre, il ouvrit une pharmacie à Aurillac, et la tint jusqu’en 1967, avant de la céder à son fils. L’officine fut ensuite reprise par sa petite fille, laquelle la transféra en 2003 dans un autre quartier de la ville.
« Il est mort en 1976 à 90 ans et je l’ai bien connu, explique cette dernière, Élisabeth Cussac-Constant, mais nous ne savions pas grand-chose de sa guerre, dont il ne parlait jamais, même s’il l’avait racontée à sa femme. » En 2000, l’un des fils du pharmacien découvre ces carnets recouverts de moleskine, qui retracent quatre années de vie et de guerre, riches en descriptions : la famille décide alors d’en faire un petit livre, à tirage restreint, complété par des photos et des documents, qui paraît en 2007. « Nous l’aimions beaucoup, explique sa petite fille, et c’était pour nous une manière de le faire revivre. »
Chargé de la vaccination.
Alors âgé de 29 ans, Albert Couderc est d’abord envoyé dans les Vosges mais, comme de nombreux pharmaciens, il est nommé infirmier-brancardier dans un régiment, ce qui lui vaudra de faire l’expérience des combats en première ligne. Il n’en est pas moins chargé de vacciner des centaines de soldats contre la typhoïde : « l’opération complète, quatre piqûres, dure un mois. Certains camarades se trouvent indisposés dès la première piqûre », écrit-il. En mai 1915, il se voit affecté à la préparation des tampons contre les gaz : « On les trempe dans une solution d’hyposulfite, de carbonate de sodium, glycérine et eau. Nous en préparons 25 000 pour la division. » Il s’occupe aussi de l’hygiène du régiment et de l’amélioration des conditions d’hébergement.
Il devra attendre mars 1916 pour être enfin nommé officiellement pharmacien, dans un laboratoire militaire à Compiègne. Mais il est parfois renvoyé dans les postes de secours du front, pour prodiguer des soins chirurgicaux, surtout lorsque des blessés affluent lors des offensives.
Ainsi, il écrit le 1er juillet 1916, dans la Somme : « Toute la journée les blessés arrivent au poste de secours. Je passe ma journée à faire pansements, piqûres et évacuations. ». Il soigne aussi des prisonniers, mais « un major boche blessé refuse mes soins ». Un peu plus loin : « Mon camarade, le médecin auxiliaire Barthe, charge avec sa section, qu’il s’offre le luxe de photographier en plein assaut. »
Le dur sort des poilus.
Hormis quelques pages sur les blessés et les hôpitaux, ses carnets sont relativement discrets sur ses activités sanitaires. S’il décrit quelques prises de tranchées ou des embuscades dans les forêts, il se montre particulièrement impressionné par les effets des bombardements et par les villes en ruines. Il nous présente ses camarades et ses espoirs, sans jamais se plaindre de son sort, sauf lorsque le temps est trop épouvantable, la boue trop collante ou la mort trop injuste, comme celle de ce « permissionnaire, père de 12 enfants, tué par une bombe ». Comme tous les poilus, il se console grâce au vin bouché et à la bière - nous sommes dans le Nord de la France - dont les troupes font une consommation impressionnante ; lui-même, en tant qu’officier, améliore son ordinaire en allant dès qu’il le peut au restaurant, déguster côtelettes et frites, petite compensation par rapport aux interminables journées passées sans le moindre répit à soigner et opérer des blessés.
Il participe aux combats dans l’Aisne, en 1917, avant de revenir dans l’Oise l’année suivante. C’est là qu’il est fait prisonnier, le 11 juin 1918, avec plusieurs de ses camarades. Commence alors un long périple à travers l’Allemagne, où il retrouve d’autres prisonniers médecins et pharmaciens : certains d’entre eux organisent même des conférences médicales pour tromper leur ennui. Son périple s’achève à Strasbourg, ville de Prusse Orientale aujourd’hui polonaise, où il sera finalement libéré au moment de l’Armistice. Selon Élisabeth Cussac-Constant, il a très vite repris une vie normale, et s’est beaucoup impliqué dans sa profession : il fut notamment président du syndicat et de l’Ordre des pharmaciens du Cantal.
Sauver les archives familiales.
Les soldats de la Grande Guerre furent nombreux à publier de tels carnets retraçant leurs périples. Longtemps restés dans l’oubli, ces documents ont souvent été redécouverts tardivement par leurs familles et, dans le cadre du Centenaire de la Grande Guerre, beaucoup d’organismes historiques ont incité les Français à se pencher sur leurs archives familiales pour les sauver. Les archives départementales se sont chargées de leur numérisation pour faciliter leur conservation et leur communication, car ils constituent des témoignages irremplaçables de cette période.
Outre les familles, certaines associations historiques ont aussi publié de tels carnets, dont des écrits de pharmaciens. C’est ainsi par exemple que l’association « Soissonnais 14-18 » a édité il y a quelques années les « Carnets d’un ambulancier et pharmacien », Jean Prévôt, né en 1890 à Montauban et mobilisé en 1914. Comme beaucoup de pharmaciens, il ne put être affecté, faute de postes disponibles, à un emploi de pharmacien, et effectua une dure guerre de tranchées, au contact direct de l’ennemi. Il fut intoxiqué par les gaz en 1918 et perdit temporairement la vue. Jean Prévôt fut ensuite pharmacien à Toulouse, puis à Carcassonne, et enfin à Lautrec. Il mourut en 1960, mais souffrit toute sa vie des séquelles de cette attaque au gaz.
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