La tragédie éthiopienne pose en premier lieu un problème moral. Le principe qui gouverne tous les autres, en matière de transport aérien, c'est la sécurité. Tout le reste, confort, vitesse, développement industriel, vient après. Or il semble bien, en l'occurrence, que la sécurité ait été sacrifiée aux économies. L'accident en Indonésie était suffisant pour interdire le ciel au 737 MAX. Mais les vols se sont poursuivis, principalement parce que l'avionneur américain a défendu son poulain bec et ongles. Le drame éthiopien est donc une conséquence directe de l'entêtement de Boeing. Le fait que Donald Trump ait attendu trois jours avant d'interdire l'usage de l'avion, n'indique pas que la Maison-Blanche travaille dans la transparence. Pendant un moment trop long, Boeing et le gouvernement américain ont été complices : des pilotes américains avaient signalé des difficultés dans l'ascension de l'avion et il a été admis que l'industriel n'a donné aux navigants chargés de piloter le 737 nouvelle mouture qu'une formation limitée ou inexistante.
Voilà maintenant qu'il annonce une révision complète du logiciel de l'appareil, mais, en tout état de cause, les passagers ne le prendront que si une recertification est accordée et si Boeing donne des garanties sur la sécurité. C'est sans nul doute un coup dur pour l'avionneur américain qui a déjà vendu 371 avions de ce type et comptait en mettre cette année 500 exemplaires de plus sur le marché. L'affaire modifie le rapport de forces entre Airbus et Boeing car le rival du 737 MAX est le A321néo d'Airbus, qui se vend fort bien. Cependant, la production de l'A321 est sous tension, Airbus n'obtenant pas à temps les pièces détachées de l'avion. L'avantage que lui procure l'accident en Ethiopie n'est donc que théorique.
La Chine arrive en force
En outre, Boeing fait travailler beaucoup de sous-traitants en France, qui risquent de pâtir de la crise commerciale si la production du 737 MAX est ralentie. Parmi ces sous-traitants, on note Safran qui fournit les moteurs de l'appareil. C'est moins l'Europe que la Chine qui va tirer avantage de la situation. Pékin est engagé dans un bras-de-fer commercial avec Washington. La perspective d'un bon accord entre la Chine et les Etats-Unis n'est nullement exclue, mais le gouvernement chinois peut essayer d'obtenir quelques concessions de plus en démontrant aux Etats-Unis qu'ils ne sont pas plus que d'autres les champions de la sécurité du transport aérien.
Car les Chinois sont dans la course. Ils ont un avion de ligne tout neuf, le C919, qui va concurrencer à la fois Airbus et Boeing. Ils vont faire de la sécurité leur argument principal et sont même capables d'exiger une certication chinoise avant d'acheter des avions de ligne américains (ou européens). Pour Boeing, ce serait un cauchemar. Mais les dirigeants de la société ont péché par une confiance illimitée en eux-mêmes. Ils ont oublié que les progrès de la technologie aéronautique doivent être accompagnés par une formation suffisante des pilotes de ligne. Avant d'accepter l'interdiction de l'appareil aux Etats-Unis, ce qui complique énormément la tâche d'au moins trois grands transporteurs, Trump a déclaré, toujours dans le style de ses commentaires de comptoir que, décidément, les logiciels de navigation sont trop compliqués, qu'il serait préférable de ne pas utiliser le pilote automatique et qu'il vaudrait mieux que les pilotes humains s'occupent du voyage de bout en bout.
Il faut les deux, mon général. Il faut que la sécurité automatique soit complétée par une sécurité humaine capable de raisonner et parfaitement informée des manœuvres à accomplir en cas d'incident. L'accident d'Addis-Abeba est dû uniquement à la négligence. Et elle se compte en vies humaines.
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