LA PHARMACIE française se décline dans toutes les langues. De Rio à Séoul en passant par Sydney, elle se conjugue sur le même mode glamour que les grands noms de la couture et de la cuisine étoilée. De Berlin à Tokyo, son renom est auréolé d’une certaine image de la France, sophistiquée et si naturelle à la fois. Un passage dans une pharmacie parisienne est désormais le must de tout touriste étranger.
Ce ne sont pas seulement ses produits et ses marques cosmétiques qui font sa renommée internationale. Mais bien l’officine elle-même et ses professionnels dont on vante, hors de nos frontières, la compétence, le sérieux et… les prix. (voir le « Quotidien du pharmacien » du 5 février 2015).
Géolocalisées.
« Quand nous tapons sur un moteur de recherche le nom d’un produit français en l’associant à Paris, nous trouvons tout de suite l’adresse d’une pharmacie », explique un jeune couple de Coréens. Car les officines françaises ne sont plus réservées aux blogs de hypes américains ou japonais qui y étalent leurs derniers achats d’Embryolisse, Nuxe, Bioderma, Vichy, Topicrem, Caudalie, Avène, La Roche-Posay, Klorane…, photos et commentaires à l’appui. Le parcours de la pharmacie française, et plus particulièrement parisienne, est aujourd’hui institutionnalisé par les guides touristiques, et même les plans qui en signalent une sélection.
Comment sont-elles répertoriées ? Par le simple bouche à oreille polyglotte ? Le mystère demeure.
Une étudiante japonaise pointe fiévreusement sur le plan de Paris le nom d’une pharmacie discount au cœur de Saint-Germain des Près. Elle est venue avec deux amies faire le plein de crèmes et de lotions. Les marques d’eau thermale françaises ont la cote, et les lots en promotion s’entassent dans le cabas en plastique rouge, retiré à l’entrée, sous l’œil du vigile. Uriage, Weleda, Roger & Gallet, René Furterer, Mustela, Lierac, Darphin et autres Sanoflore prennent les couleurs de tous les continents. Les descentes de cosmétiques les plus prestigieux s’alignent à profusion mais avec ennui. Cependant, les touristes, à 90 % des femmes, ne se soucient pas, pour l’heure, de l’esthétique. L’œil est retenu par le prix, seul critère de choix, de ces Brésiliennes, Italiennes, Asiatiques. « C’est tellement bon marché ici ! Environ 30 % moins cher que chez nous », s’exclament les trois Japonaises. Le monde entier se presse entre les rayons qui rappellent les méandres d’une supérette parisienne. Le personnel, nombreux, veille et renseigne dans le bruissement des listes. Car ici, au rez-de-chaussée, une longue liste établie avec soin au pays a remplacé l’ordonnance. Pour les médicaments, il faudra monter d’un étage, une autre équipée à laquelle se risquent quelques téméraires. Un sens giratoire a été instauré pour guider le flux des clients. Dehors, la rue fourmille de ces touristes portant à bout de bras, indifféremment les sachets au logo de la pharmacie et d’autres sacs à l’effigie de grands couturiers. Une famille italienne se prend en selfie devant l’enseigne en plusieurs langues. « Aujourd’hui, ça va, on est mercredi, mais revenez samedi, et vous verrez, c’est le stade de France ! », s’amuse le responsable de la sécurité qui, d’une porte à l’autre, replace les cabas rouges.
Déchiffrer les idéogrammes.
Le dimanche, en effet, le spectacle est tout autre. « Le quartier est mort, les magasins sont fermés, Alors oui, une ZTI pourrait bénéficier à tous et pas seulement aux touristes », affirme l’adjoint de la Pharmacie de Saint-Germain des Près. Ici, les voisins s’appellent Flore, Lipp ou Louis Vuitton. Les clients sont brésiliens, japonais ou chinois. « Ils nous présentent leur liste et on fait comme on peut pour déchiffrer leurs idéogrammes. Ils viennent aussi parfois pour des petites blessures », poursuit le pharmacien qui détient également en dépannage, un stock de piles, d’adaptateurs électriques et de bouteilles d’eau.
Une zone touristique internationale pour amener de la vie dans le quartier le dimanche ? Pourquoi pas. Xavier Moreau Defarges, titulaire de la pharmacie de l’Époque, n’y croit qu’à moitié. Quand il a repris cette pharmacie historique de 1878, il a d’ailleurs réduit les heures d’ouverture. Cependant, si l’ensemble des commerces venait à ouvrir le dimanche, le pharmacien pourrait envisager de modifier ses horaires.
Pour Bruno Bader la question ne se pose pas. Titulaire d’une pharmacie dans le boulevard Saint-Michel, il a le privilège d’être déjà situé dans une zone touristique et d’ouvrir déjà en continu. « Il faudrait marcher sur la tête en tant que pharmacien pour ne pas en profiter ! », lance le titulaire qui offre aux touristes comme aux résidents, « la possibilité de se soigner et d’acheter des produits d’hygiène 7 jours sur 7 ». Ce pharmacien doit 35 % de son activité aux touristes étrangers en été, (moins de 5 % en hiver) qui achètent principalement des produits cosmétiques. « Les Brésiliennes demandent conseil et privilégient les produits antirides tandis que les Asiatiques entrent en sachant ce qu’elles veulent, principalement des crèmes hydratantes », note la conseillère dermocosmétique de cette officine claire et aérée. Comme l’ensemble de ses collègues, elle parle anglais, un pré requis pour le personnel de Bruno Bader.
50 % moins cher qu’en Corée.
Alexandre Freyburger a également misé sur les langues dans son officine de la Place Monge. Et pour cause, depuis plus de dix ans, le titulaire s’est fait des touristes une spécialité. Dans sa pharmacie, les allées qui s’étendent d’un angle à l’autre de la place, bourdonnent comme le centre de Séoul. Les Coréens composent la majorité du millier d’étrangers qui fréquentent chaque jour son officine, soit un tiers de la clientèle. Alexandre Freyburger met à leur disposition pas moins de dix salariés qui parlent leur langue. Un service qu’apprécient ces jeunes Coréens, pourtant anglophones, venus spécialement acheter « baumes pour les lèvres et tubes de crèmes pour les mains, 50 % moins cher qu’en Corée ! ». Avec les six autres langues parlées par ses cinquante salariés et la possibilité de détaxer les achats pour les non-européens, Alexandre Freyburger ne devrait plus prouver son internationalisation. Et pourtant, au pied du quartier Mouffetard/Contrescarpe, il se trouve exclu du périmètre prévu pour la ZTI ! Ce détail a son importance pour ce titulaire : « Aujourd’hui, je suis limité et ne peux assurer que 332 jours de garde par an. Une aberration puisque je dispose du personnel. Avec une ZTI, mon problème de garde serait réglé. Je pourrais assurer 365 gardes par an ! »
Les ouvertures des commerces seront autorisées tous les dimanches, et le soir jusqu’à minuit. Des compensations salariales seront obligatoires ainsi que la prise en charge des frais inhérents par l’employeur (retour à domicile, garde d’enfants…).
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