LE SUJET de « Quels sont ces chevaux qui jettent leur ombre sur la mer ? » (1), d’Antonio Lobo Antunes, est un huis-clos : une femme se meurt avec à son chevet ses enfants. Sous la plume du grand écrivain portugais – ancien psychiatre, on ne l’oublie pas –, il prend la forme d’une sorte de poème sans fin ni commencement qui sonde les cœurs et dialogue avec les morts. La structure du roman s’inspire de la dramaturgie tauromachique, avec sept chapitres, chacun divisé en quatre parties, dans lesquelles prennent successivement la parole Francisco, Ana, Joao et Beatriz ; ils se souviennent du temps où l’élevage de taureaux de combat faisait la prospérité de la famille en même temps qu’ils prennent la mesure de leurs propres déchéances. À la fin du jour et de leurs monologues qui explosent en un flot de paroles, tandis que la pluie continue de tomber sur Lisbonne, la mort de la mère signe l’estocade finale.
Un livre qui vient d’Indonésie n’est pas si courant qu’il ne se remarque pas. D’autant plus que « les Guerriers de l’arc-en-ciel » (2), paru en 2005, s’est vendu à 5 millions d’exemplaires avant d’être traduit dans 25 pays. Écrite par Andrea Hirata, c’est l’histoire très autobiographique de dix filles et garçons d’une petite île à l’est de Sumatra, enfants de paysans ou de pêcheurs très pauvres, qui ont pu accéder à l’éducation en fréquentant une école toute aussi pauvre, en travaillant le soir pour ramener quelques roupies à la maison et en compensant le manque de moyens par des trésors d’ingéniosité et de solidarité.
Deuxième roman traduit du Flamand Bob Van Laeroven après « la Vengeance de Baudelaire », « le Mensonge d’Alejandro » (3) se situe dans le Terreno, un pays fictif qui symbolise les régimes dictatoriaux d’Amérique latine des années 1970 et leurs méthodes de répression. Le héros, qui a été le guitariste d’un célèbre chanteur populaire exécuté par la junte militaire, se trouve à nouveau attiré, après dix années de prison et alors qu’il est dévoré par la culpabilité d’avoir survécu, dans les arcanes d’un monde de la révolte, de la violence et de la corruption. Une lutte contre la dictature mais aussi contre ses propres contradictions.
Calixthe Beyala, née au Cameroun, a reçu le Grand Prix de l’Académie française en 1996 pour « les Honneurs perdus ». Dans « le Christ selon l’Afrique » (4), elle s’attache au sort d’une très jeune fille issue des quartiers pauvres de Douala, domestique chez une Blanche, amoureuse trompée et qui finit, encouragée par sa mère, par louer son ventre contre une belle somme d’argent. Le roman est une chronique de la rue de Douala, avec ses débrouillards, ses profiteurs et surtout ses tribuns, ses prophètes et ses évangélistes, ainsi qu’une dénonciation de la course à la consommation et au profit, en Afrique comme en Europe, et de la corruption.
Sefi Atta est née, elle, au Nigeria et vit depuis une quinzaine d’années dans le Mississippi. Le personnage principal de « l’Ombre d’une différence » (5) est une quadragénaire célibataire et désabusée, installée à Londres et qui, mandatée par l’ONG pour laquelle elle travaille, revient à Lagos. Elle y redécouvre sa famille, elle trouve un homme à aimer, elle explore une ville et un pays où vivre peut-être. Mais rien n’est simple et l’auteur s’attarde sur les attentes et les déceptions d’une femme écartelée entre des identités fluctuantes qui se heurtent et s’amalgament, stigmatisant avec humour et sobriété autant l’Afrique que l’Europe, la classe aisée du Nigeria comme le secteur humanitaire.
Du sport en Afghanistan.
L’un des plus célèbres écrivains indiens, Timeri N Murari (« les Arrangements de l’amour ») s’est emparé d’une situation aussi anachronique que loufoque qui s’est installée en Afghanistan en 2000 : l’interdiction par le gouvernement islamique de toute pratique sportive... hormis le cricket. Dans « le Cricket Club des talibans » (6), il imagine que le ministère pour la Propagation de la Vertu et la Prévention du Vice (une réalité) a décidé de parrainer un tournoi, avec à la clé, pour l’équipe gagnante, un perfectionnement au Pakistan... et la possibilité de s’enfuir du pays. Seule Rukhsana, qui a fait des études universitaires à New Delhi, connaît les règles du jeu. Mais comment les enseigner aux hommes de sa famille quand on porte une burqa ? La jeune femme devra faire preuve d’imagination et d’audace pour parvenir à ses fins, au risque de sa vie. Sous couvert d’un roman d’aventures doublé d’une comédie romantique, l’auteur livre ainsi un tableau sans concession de la pire époque de la domination des talibans.
L’Afghanistan de Louis Meunier, par ailleurs producteur et réalisateur, est tout autre. Il y est parti dans le cadre d’une ONG en 2002, à la fin de la guerre, il a été séduit par la beauté du pays, la dignité de ses habitants et le buzkashi, ce jeu de tournoi où les cavaliers ont droit à tous les coups pour déposer dans le hallal, le cercle de justice, une dépouille de chèvre. Il n’a eu de cesse de devenir un de ces cavaliers, un Tchopendoz. « Les Cavaliers afghans » (7) est un récit initiatique et un témoignage sur la culture et les mœurs d’un pays connu en Occident pour de sinistres raisons.
Signé Sara Farizan, une jeune auteure américaine née de parents immigrés iraniens, « Pour que tu sois mienne » (8) aborde un sujet tabou sous toutes les latitudes et qui prend un relief particulier en Iran : l’homosexualité féminine. On découvre donc les amours de Sahar et de Nasrin, un secret qu’elles protègent depuis l’enfance sous peine d’être battues ou même mises à mort. Puis, lorsque les parents de Nasrin décident de la marier, le désespoir de Sara et le paradoxe d’un pays où les mollahs permettent à une femme de vivre avec une femme, à condition de devenir un homme.
(2) Mercure de France, 312 p., 23,80 euros.
(3) MA éditions, 295 p., 17,90 euros.
(4) Albin Michel, 265 p., 19,50 euros.
(5) Actes Sud, 358 p., 23 euros.
(6) Mercure de France, 458 p., 24,80 euros.
(7) Kero, 331 p., 20 euros.
(8) Anne Carrière, 254 p., 19 euros.
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