LES DIFFICULTÉS rencontrées, depuis des années, pour faire évoluer les structures de l’officine sont un casse-tête. L’enjeu est fondamental, à l’heure où le pharmacien d’officine est appelé à occuper une place centrale dans le système de santé français (voir « le Quotidien » n° 2704). Selon la présidente du conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP), Isabelle Adenot, « les nouvelles missions amènent l’officine, en tant qu’entreprise, à évoluer, sans pour autant que soient remis en cause certains de ces fondamentaux ».
Des fondamentaux, telle que l’indépendance professionnelle et la répartition territoriale que le CNOP s’est attaché à défendre jusqu’au niveau européen. À cet égard, « la décision de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) représente une décision importante pour la profession », a expliqué Isabelle Adenot. Outre l’importance de l’indépendance des pharmaciens pour des raisons de santé publique, les magistrats ont en effet reconnu la capacité des États membres à réserver ou non la propriété du capital des officines aux pharmaciens, « pour assurer un approvisionnement en médicaments sûrs et de qualité ». Une décision néanmoins regrettable pour Wolfgang Mähr, président de la branche répartition Europe de Célésio, maison mère du grossiste répartiteur OCP, qui avait investi dans la pharmacie virtuelle néerlandaise Doc Morris. La raison ? « Le modèle existant n’est plus supportable face aux perspectives d’accélération de la concurrence, d’ajustements du marché, et, donc, de risque de perte de chiffre d’affaires des pharmacies ».
« La décision de la CJCE constitue une avancée salutaire », selon le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), Philippe Gaertner, qui y voit « une reconnaissance de la qualité du modèle français de dispensation du médicament ». D’autant que les conclusions présentées par l’avocat général, le 30 septembre 2009, dans le cadre d’une autre affaire, tendent également à reconnaître la compatibilité de la répartition territoriale des officines avec les traités européens. À condition, toutefois, « qu’elles soient appliquées de manière cohérente, systématique, non discriminatoire, et qu’elles se justifient par des raisons impérieuses d’intérêt général ». Une décision qui conforte donc Philippe Gaertner dans son idée : « ne pas sacrifier le lien qui unit le titulaire au capital de l’officine dans laquelle il exerce car les pharmaciens doivent rester maîtres à bord du navire officine ». Lucien Bennatan, président du groupe PHR, considère néanmoins que « l’officine doit évoluer et accueillir d’autres professionnels de santé pour être à même de répondre aux nouvelles exigences législatives ».
Outils comptables fiscaux.
Ces victoires du modèle officinal français n’occultent cependant en rien le retard pris par l’Hexagone dans le domaine des conditions d’exercice. Ainsi, les décrets qui doivent permettre le développement des sociétés de participation financière des professions libérales (SPFPL) ne sont-ils toujours pas parus. Une aberration d’autant plus criante que ces sociétés holding, constituées entre pharmaciens, répondraient aux attentes des jeunes diplômés : pouvoir acquérir plus facilement des parts dans des sociétés. Un retard tout à fait regrettable, selon le président de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF), Claude Japhet, puisque, « en vingt ans, la multiplication par trois du nombre d’officines exploitées en sociétés a rendu cette forme juridique majoritaire ».
D’où l’urgence, pour le président délégué de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), Gilles Bonnefond, de mettre en place « des outils comptables et fiscaux, quel que soit le mode d’exploitation de l’officine, pour que chaque pharmacien soit à égalité ». Dans cette optique, les SPFPL détenant des participations dans des SARL, SA, SAS ou SCA de pharmacie pourraient représenter une évolution particulièrement opportune. D’autant, selon Me Marine Guénin, qu’elles permettraient de « poursuivre la réforme des SEL et ainsi de consolider la dissociation entre détention du capital et droit de vote » (lire ci-dessous son interview). Encore faudrait-il, selon Claude Japhet, supprimer l’obligation faite à « tout pharmacien associé dans une société exploitant une officine de pharmacie et qui y exerce son activité, de détenir au moins 5 % du capital social de la société ».
Cet assouplissement pourrait également permettre de préserver certaines pharmacies aujourd’hui en difficulté. Une perspective fondamentale pour Gilles Bonnefond qui, face à l’évolution de la démographie médicale, rappelle que « la présence d’une pharmacie est plus que jamais indispensable ». Une évolution que condamne toutefois Philippe Gaertner en refusant « les regroupements physiques qui aboutiraient à la détention de plusieurs points de vente par une même SEL ». Une preuve supplémentaire que le chemin de l’union syndicale est encore loin. Un signe inquiétant face aux enjeux que doit relever la profession.
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