Par intérêt historique ou parfois familial, plusieurs pharmaciens contemporains ont effectué des recherches sur la pharmacie et les pharmaciens de la Grande Guerre, souvent dans le cadre de leur thèse. Depuis 2014, le centenaire du conflit a favorisé aussi la publication de travaux de recherche d’envergure, qui ont montré notamment l’évolution rapide du rôle des pharmaciens durant la guerre (voir encadré).
Véronique Evrard, installée dans le Cher, a consacré en 1988 sa thèse à Paul Lebeau (1868-1959), qui joua un rôle fondamental dans la mise au point de masques à gaz destinés à protéger les soldats : « Dès l’été 1915, écrit-elle, il fit modifier les compresses apparues après les premières attaques au chlore, pour les rendre efficaces sur le brome, puis rajouta une troisième couche pour lutter contre l'acide cyanhydrique. » En octobre, poursuit-elle, « il les perfectionna et fit rajouter un morceau de tissu étanche devant le nez, obligeant l'air à parcourir plus de surface utile. Il était partout, dans les centres d'essai à Satory, dans les laboratoires de toxicologie, dans les usines de fabrication des masques, et sa contribution inestimable lui vaudra après la guerre d’innombrables récompenses. » Après 1918, il fut professeur de chimie à l’École - puis Faculté - de pharmacie de Paris, et siégea à l’Académie des Sciences.
Tous deux lorrains, Arnaud Lejaille et Régis Maucolot ont grandi au cœur des anciens champs de bataille de leur région, ce qui les a amenés à se pencher sur ce passé. Installés près de Nancy pour l’un, et dans les Alpes pour l’autre, ils ont poursuivi leurs travaux de thèses par de nombreuses études et publications plus poussées, notamment sur les gaz de combat, et en sont devenus de véritables spécialistes. Ce sujet reste d’ailleurs d’une grande actualité, car des tonnes d’obus aux gaz non explosés rouillent encore dans le sol des régions où se déroulèrent les batailles. D’autres sont stockés dans des dépôts ou, plus grave, dorment au fond de lacs où ils furent jetés sans précaution après la guerre… Autre « thésard historien », Christophe Lévy, officinal dans la Nièvre, a étudié quant à lui le rôle des pharmaciens en matière de prophylaxie et d’hygiène durant le conflit.
Presque toutes les familles françaises ont eu au moins un grand-parent enrôlé entre 1914 et 1918, et les pharmaciens n’échappent bien sûr pas à la règle*. Comme cette consœur d'Aurillac, Élisabeth Cussac, qui a retrouvé il y a quelques années les carnets de guerre de son grand-père, Albert Couderc, jeune pharmacien mobilisé dès le 2 août 1914. Infirmier brancardier, puis pharmacien aide-major, il fut capturé en juin 1918, interné en Allemagne et retrouva ses foyers le… 11 novembre 1918. Ces carnets, écrits au jour le jour par Albert Couderc, ont fait l’objet, il y a quelques années, d’une publication à 100 exemplaires, destinée à perpétuer le périple du pharmacien disparu en 1976 à l’âge de 90 ans.
* Le « Quotidien » remercie tous les pharmaciens qui, suite à son appel lancé en 2014, lui ont adressé des photos ou des documents relatifs aux pharmaciens pendant la Grande Guerre, provenant souvent de leurs archives familiales, et qui ont permis la réalisation de cette série d’articles parus de l’été 2014 à novembre 2018.
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