En 2022, 775 pharmaciens de 60 à 69 ans ont été radiés de la section D (démographie des pharmaciens, panorama 1er janvier 2022 – Ordre des pharmaciens). Pour une majorité d'entre eux, le motif de radiation était un départ à la retraite après quarante années données à la pharmacie et pour certains, une carrière exclusivement officinale.
Une envie d’apprendre toujours vive.
Lorsqu'elle a pris sa retraite en décembre 2021, Marielle savait qu'elle reviendrait très vite au comptoir : « Dès le premier été qui a suivi mon départ à la retraite, j'ai remplacé mon ancientitulaire. J'ai été sincèrement heureuse de retrouver mes collègues, mais j'avais oublié à quel point le rythme était soutenu. Ce remplacement a été fatigant. » Depuis, la pharmacienne a tourné la page de l’officine, mais pas celle de la pharmacie : « Deux matinées par semaine, j'assure une vacation de pharmacien pompier volontaire. J’ai signé un contrat pour 5 ans, ce qui m'a conduit à m'inscrire en section H. » Inlassablement curieuse, Marielle profite de cette nouvelle expérience pour enrichir ses connaissances sur le médicament : « J’ai suivi récemment une formation sur le MEOPA. C’était passionnant, tant sur la partie pharmacologique que réglementaire. »
Pharmacien pour la vie ?
« J'ai pris ma retraite sans regret, mais sans amertume non plus. J’ai adoré ce métier et j’ai eu la chance d’exercer dans des pharmacies qui m’ont permis de m’épanouir. Le fait d’être adjointe m’a permis de passer du temps avec mes enfants et de diversifier mon activité professionnelle, notamment en donnant des cours pendant une vingtaine d’années au CFA, pour former des préparateurs », confie Marielle.
Dans le Maine-et-Loire, Chantal a conservé son activité d’enseignement jusqu'en 2022, soit deux années après son départ officiel à la retraite : « Bien que j’aie cessé cette activité, je continue à mettre mes cours à jour et je me tiens informée des nouveautés médicamenteuses, notamment par les newsletters Vidal. » Elle conserve un regard bienveillant sur le métier officinal, observant les mutations dont il fait l'objet : « Je trouve les nouvelles missions très intéressantes. J’aurais vraiment apprécié mener des entretiens d’accompagnement. »
Pour Michèle Soulet en revanche, la pharmacie a été un passage. Il est aujourd'hui révolu : « Je ne regarde ce métier qu’en tant que cliente, et par ce que m'en raconte mon fils qui est pharmacien hospitalier. Si c’était à refaire, je n'aurais certainement pas suivi cette voie professionnelle. » Deux ans avant de prendre sa retraite, en 2012, elle a décidé d'arrêter de travailler pour s'occuper de son mari atteint d’une SLA (sclérose latérale amyotrophique, ou maladie de Charcot). « De pharmacienne, je suis devenue aidante familiale. » Cette expérience douloureuse a conduit Michèle Soulet à recentrer sa vie sur sa passion de toujours, l’écriture. En 2011, elle a publié son premier livre « Souris à la vie » dans lequel elle raconte leur combat de couple contre la maladie.
Vivre la pharmacie autrement.
Pour Annie aussi, l’officine est une période révolue. Après avoir pris sa retraite en 2019, elle n’a jamais voulu faire de remplacements, malgré quelques occasions : « J’ai tellement d’autres centres d’intérêt que je me passe très bien de l’officine. » Parmi ses activités de retraitée, la mycologie reste un lien certain avec sa profession : « Depuis plusieurs années, j'adhère à la SMMA, une société de mycologie locale. Récemment, l’association m’a demandé de présenter aux pharmaciens du territoire le forum de reconnaissance de champignons qu'elle a mis en place. Cet outil permet une meilleure identification et contribue à réduire les risques d'intoxication. »
Dans le Maine-et-Loire, Chantal a rejoint l’équipe locale de PHI (Pharmacie humanitaire internationale) : « J’avais participé à PSF (Pharmaciens sans frontières) dans les années 1990, mais à l'époque, j'avais trois enfants à charge et j'ai dû abandonner ce bénévolat. Chez PHI, l’activité de tri du petit matériel orthopédique et des radiographies me convient bien. J’y vais tous les mardis, et j’y apprécie la convivialité. »
Retraités et remplaçants en officine.
Alors que des pharmaciens déposent leur blouse d’adjoints, des titulaires qui ont fait valoir leurs droits à la retraite décident de devenir pharmaciens intermittents. « Tant que je prends plaisir, je continue. Et je pense même être meilleur au comptoir maintenant que je n'ai plus à gérer mon entreprise », témoigne Jean-Luc Abgral, dans les Deux-Sèvres. Depuis qu’il a cédé sa pharmacie, en 2016, le pharmacien de 69 ans exerce en moyenne deux semaines par mois. Ses anciens confrères et amis lui en sont extrêmement reconnaissants, vu les difficultés de recrutement actuelles. Seul ombre au tableau, Jean-Luc Abgral regrette de ne pas pouvoir se former comme il le souhaite : « Pour les pharmaciens intermittents, le financement des actions de DPC (développement professionnel continu) est très obscur, voire impossible. Pour me former à la vaccination antigrippale, je me suis donc autofinancé. Ce n'est pas acceptable. »
Dans le Morbilhan, son confrère Jean-François Guezo a lui aussi choisi de prolonger l'expérience officinale après vingt années d'installation. En outre, il assure un mandat ordinal au sein de la section D. Ces deux activités lui permettent de rester connecté à ce métier qui l’a passionné, et de vivre de l'intérieur les mutations en cours.
Rester dans la famille de la pharmacie.
Entre son rôle de mamie et ses nombreuses activités, Marielle conserve des liens étroits avec ses anciennes collègues, et même certains patients : « Dans le cadre de l’aumônerie catholique, je revois des anciens patients qui sont en EHPAD. »
Préserver les liens entre confrères et consœurs retraitées est une des raisons d'être de l'association nationale des pharmaciens retraités, l'ANPR. « Tous les pharmaciens ayant été inscrits à l’Ordre au cours de leur carrière professionnelle peuvent y adhérer, quelle que soit la section d'origine », explique son président, Claude Le Reste. Portée par la devise « Retraités mais pas inactifs », l'association rassemble environ 750 pharmaciens dans l'Hexagone. « Les pharmaciens titulaires reçoivent notre brochure d’information par la CAVP lorsqu’ils font valoir leurs droits. Mais nous manquons de canaux pour informer les adjoints. Nous souhaiterions aussi étendre nos activités sur l'ensemble du territoire national, y compris en outre-mer. »