À Lyon, dans la pharmacie où Marion Daurade exerce, la référente EHPAD (établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) c'est elle ! Adjointe depuis 6 ans, elle est en charge de l'activité PDA (préparation des doses à administrer) et supervise l'ensemble des relations d'ordre pharmaceutique avec les établissements partenaires.
« La PDA ne constitue qu'une partie de mon poste. Être référente en EHPAD, c'est être identifiée au sein de l'équipe officinale et dans les établissements partenaires comme le pharmacien à qui s'adresser pour avoir une information, ou résoudre un problème d'ordre pharmaceutique ou logistique. Cela permet de disposer d'un interlocuteur fixe : pour les soignants des EHPAD, avoir affaire à quelqu'un qui les connaît et connaît leur travail, ça rassure et ça fait gagner du temps. » On comprend mieux pourquoi ce poste occupe Marion à plein temps, d'autant plus que la pharmacie a signé des conventions avec une vingtaine d'établissements. En accord avec le titulaire, l'adjointe lyonnaise ne fait plus de comptoir pour se consacrer totalement à sa mission : « Nous avons des contacts téléphoniques 4 à 5 fois par heure avec les établissements, pour une contre-indication médicamenteuse, une ordonnance non conforme, un problème sur le plan de posologie… Dans 7 cas sur dix, ce sont les équipes des maisons qui nous appellent. Heureusement, nous disposons de deux lignes spécialement dédiées aux EHPAD, ce qui évite d'emboliser la ligne de la pharmacie. »
Autre expérience, celle de Chloé Killy, adjointe dans le Bas-Rhin, à Truchtersheim ; elle s'est vue confier l'intervention en EHPAD un peu par hasard, quelques mois après son arrivée : « Quand j'ai commencé à travailler ici il y a six ans, la pharmacie avait besoin d'une personne pour s'occuper de l'activité de PDA. Cela m'a intéressé d'essayer ; j'avais envie de découvrir un autre aspect de la profession, qui met en valeur nos compétences sur le médicament. » À la différence de Marion, Chloé se rend deux fois par semaine dans les EHPAD partenaires : « La pharmacie a passé une convention avec deux établissements, ce qui fait environ 170 lits au total. Nous facturons les médicaments à la pharmacie à partir des ordonnances. Puis nous les emportons dans des caisses scellées vers chaque établissement, pour réaliser les PDA. » Quand elle n'est pas à l'EHPAD, Chloé retourne au comptoir, où la référente EHPAD met son expérience au service de l'équipe de l'officine : « Des questions sur les formes pharmaceutiques me sont souvent adressées par mes collègues parce que, contrairement au comptoir, je peux voir précisément les comprimés lors de la phase de déblistérisation. C'est important d'avoir ces données pour comprendre certains soucis que rencontrent les patients, chez eux. »
Le médicament et le reste…
Pour assurer sa mission, Marion Daurade a souhaité approfondir ses connaissances sur la iatrogénie médicamenteuse. Elle a également suivi, par l'intermédiaire du groupement, des formations courtes sur la maladie de Parkinson ou Alzheimer. En outre, le travail de pharmacien intervenant en EHPAD ne se limite pas au médicament. « Pour certaines maisons, je gère les dispositifs médicaux, comme les perfuseurs ou des pansements spécifiques, les aérosols et les compléments nutritionnels oraux. J'ai d'ailleurs beaucoup appris sur le matériel médical depuis que je travaille pour les EHPAD. Nous sommes un peu la PUI de ces établissements, à la différence près que nous ne sommes pas physiquement installés dans leurs locaux », résume la pharmacienne lyonnaise.
Des qualités relationnelles
« Vu les nombreux établissements partenaires, les profils sont multiples ; les établissements qui disposaient d'une PUI auparavant sont peut-être plus demandeurs d'une intervention du pharmacien. Dans ces établissements, nous avons de très bonnes relations avec les infirmières coordinatrices. » Avec les médecins aussi, Marion Daurade entretient un étroit contact : « Certains médecins nous appellent pour nous demander notre avis ou confirmer leur choix par rapport à un médicament. » Le pharmacien doit pourtant s'imposer dans un parcours majoritairement couvert par les infirmières et les médecins. « Il faut être proactif pour faire connaître nos compétences, montrer comment on peut aider les équipes sur place, et viser le confort du patient. » Pour cela, il ne faut pas hésiter à se montrer ; Marion participe aux commissions gériatriques, organisées à l'initiative de l'établissement. Elle propose également des réunions d'amélioration, dont l'objectif est de créer une collaboration constructive et optimisée. « Dans une des maisons, par exemple, le turn-over important générait de nombreuses erreurs ; une réunion de recalage a permis de résoudre en partie le problème. Il arrive aussi que les équipes se déplacent à la pharmacie, ce qui a l'avantage de leur montrer comment nous travaillons et préparons les doses. Ça crée du lien, et ce lien est la base d'une coopération réussie », commente Marion Daurade. « Le fait d'être sur place, dans l'EHPAD, renforce les relations entre les équipes et le pharmacien. Les soignants osent plus facilement nous poser des questions, et inversement. Dès qu'il y a un souci, on le résout rapidement. C'est aussi vrai avec les médecins », confirme Chloé Killy.
L'expertise pharmaceutique
Pour valoriser l'expertise pharmaceutique et démontrer son intérêt dans le parcours de soins du résident en EHPAD, les adjoints doivent faire preuve d'initiatives. « Je propose des formations régulières sur des sujets pharmaceutiques, soit à la demande des équipes, soit dans un contexte particulier. Il n'y a pas une seule réunion qui ne suscite un échange, ce qui prouve que les équipes sont intéressées et attentives à nos propositions. Et cela me permet de tenir à jour mes connaissances : c'est fondamental. J'en profite d'ailleurs pour former mon équipe ! », explique Marion Daurade. De son côté, Chloé Killy se montre plutôt enthousiaste à l'idée de pouvoir proposer prochainement (à parution de l'avenant) des bilans partagés de médication pour les résidents en EHPAD, avec quelques adaptations néanmoins par rapport à ceux réalisés à l'officine : « Les résidents des EHPAD sont en situation de perte d'autonomie, ce qui se traduit chez certains par un déclin cognitif. Dans les établissements avec qui nous travaillons, il y a des unités de vie protégées pour les patients souffrant de troubles mentaux. Dans ces situations, il serait plus judicieux de mener un bilan avec les infirmières en charge de l'administration des médicaments. Cela s'apparenterait plus à la conciliation médicamenteuse, telle que réalisée à l'hôpital. »