Même un peu restreinte, cette rentrée romanesque aligne de nombreuses têtes d’affiche. « Dessous les roses », d’Olivier Adam, réunit deux frères et une sœur chez leur mère à l’occasion de l’enterrement du père. Souvenirs et règlements de compte ciblent l’aîné, cinéaste, accusé de piller leur vie de famille (Flammarion). Cinq ans après sa trilogie « Vernon Subutex », Virginie Despentes renoue dans « Cher Connard » avec le roman épistolaire et la possibilité de dépasser sa haine initiale, ses névroses et ses addictions en se parlant et en redécouvrant l’amitié (Grasset). Prix Goncourt 2004 pour « le Soleil des Scorta », Laurent Gaudé donne avec « Chien 51 » une dystopie autour d’un ex-étudiant engagé devenu policier, dans une Grèce rachetée par un consortium où sévit un post-libéralisme (Actes Sud). Yannick Haenel, prix Médicis 2017 pour « Tiens ferme ta couronne », a créé dans « le Trésorier- payeur » un héros surprenant, un banquier anarchiste qui, dans le Béthune en crise des années 1990, trouve le bonheur en aidant les plus pauvres et en aimant sans compter (Gallimard).
Une chienne blessée qui se réfugie chez un vieux couple devient, dans « Un chien à ma table », de Claudie Hunzinger (« les Grands Cerfs », prix Décembre 2019), une ode à la femme, à la vieillesse, à la nature, à la vie, jusqu’au drame. (Grasset). « Les Vertueux » est une plongée surprenante dans l’Algérie de l’entre-deux-guerres par Yasmina Khadra (« les Hirondelles de Kaboul ») : en 1914, un caïd local incite avec de fausses promesses le pauvre Yacine à se battre en France à la place de son fils (Mialet-Barrault). Dans « le Silence des allongés », l’écrivain franco-congolais Alain Mabanckou (prix Renaudot pour « Mémoires de porc-épic ») nous ramène à Pointe-Noire, où la lutte des classes se poursuit entre les morts du Cimetière des Riches et ceux de Frère-Lachaise (Seuil). « Le Livre des sœurs », le 31e opus d’Amélie Nothomb, raconte l’amour indéfectible d’une enfant non-aimée par des parents qui se vouent un amour exclusif, pour une petite sœur qui grandira avec peut-être, elle, trop d’amour (Albin Michel).
Les auteurs dont le premier livre a été remarqué sont attendus avec au moins autant d’attention. C’est le cas, entre autres, d’Émilienne Malfatto (Goncourt du premier roman 2021 pour « Que sur toi se lamente le Tigre ») avec « le Colonel ne dort pas » (éd. du Sous-sol). De Victoria Mas (dont le best-seller « le Bal des folles » a été porté à l’écran) avec « Un miracle » (Albin Michel). De Victor Jestin (prix Femina des lycéens 2019 pour « la Chaleur ») avec « l’Homme qui danse » (Flammarion). De Maud Simonnot (finaliste du Goncourt des lycéens 2020 pour « l’Enfant céleste ») avec « l’Heure des oiseaux » (éd. de l’Observatoire). De David Lopez (prix du Livre Inter pour « Fief ») avec « Vivance » (Seuil). Ou encore de Beata Umubyeyi Mairesse (prix des Cinq continents de la Francophonie 2019 pour « Tous tes enfants dispersés ») avec « Consolée » (éd. Autrement)…
Les thèmes qui se dégagent de cette rentrée sont dans la continuité des questions posées l’an passé, mais avec une approche différente. Beaucoup de livres abordent les thématiques de l’enfance, de l’adolescence, d’un avenir problématique, des difficultés ou du refus de passer à l’âge adulte, de la transformation des corps et de l’évolution des sentiments. Moins sous la forme de biographies romancées que dans des fictions qui laissent plus de place à l’imaginaire. La réalité s’impose en revanche toujours dans les nombreux romans qui témoignent de violences, d’agressions sexuelles, de viols ou d’incestes. De la même façon, les préoccupations et les peurs concernant les dérèglements climatiques sont toujours d’actualité, peut-être moins pour insister sur les conséquences désastreuses que pour inviter à se rapprocher de la nature, source de réconfort et d’apaisement. Un retour au bien-être que nombre d’auteurs retrouvent, ou leurs héros, grâce à la lecture et la littérature, Proust en tête. Un autre thème enfin est celui du départ, du voyage, dans des contrées lointaines ou des temps différents, les sombres dystopies le disputant à la projection de sociétés utopiques.