Ainsi que l’a souligné le Pr Fabien Calvo (Institut Gustave Roussy, Villejuif), la révolution thérapeutique en cours depuis ces dernières années s’appuie notamment sur la mise au point de tests génétiques permettant de prédire, dans une certaine mesure, la réponse aux traitements ciblés.
À l’heure actuelle ce ne sont pas moins de 64 médicaments (« petites molécules », type inhibiteurs de tyrosines-kinases, et anticorps monoclonaux) ciblant des gènes activés au cours des cancers (sein, estomac, intestin, poumon, leucémies, mélanomes…) qui sont approuvés en Europe et aux États-Unis. Pour autant, il n’existe pas de corrélation entre le pourcentage d’expression de la cible et celui de malades susceptibles de répondre au traitement.
Le taux de réponse à ces produits se situe en général entre 50 et 80 % ; la durée de réponse variant de 6 à 12 mois avant que ne survienne une résistance. La réponse de l’industrie aux résistances passe par le développement de nouvelles molécules au sein de familles chimiques déjà existantes (nous en sommes déjà, par exemple, à la 3e génération d’inhibiteurs de tyrosines-kinases) et par celui de nouvelles classes, comme celle des médicaments épigénétiques (inhibiteurs de EZH2 dans les lymphomes à cellules B), celle des médicaments agissant sur la réparation de l’ADN, ou encore celle des inhibiteurs métaboliques.
Pour le Pr Calvo, il est clair que nous nous dirigeons vers une médecine de précision, allant de pair avec une thérapeutique de plus en plus personnalisée. Parmi les développements prometteurs figurent aussi l’identification de l’ADN tumoral (ce qui pourrait diminuer le recours aux biopsies), l’identification de nouveaux marqueurs (protéines, ARN…) et la détection précoce de mécanisme de résistance.
Favoriser la coordination ville/hôpital
Le Dr Mario Di Palma (Institut Gustave Roussy, Villejuif) a détaillé la structure d’une interface mise en place au sein de l’Institut Gustave Roussy (dénommée « Coordination des soins externes »), aujourd’hui pleinement opérationnelle, et qui assure chaque année plus de 3 000 prises en charge, basée sur une coordination des soins avec les professionnels de premier recours (médecin traitant, pharmacien, infirmière). Cette dernière mobilise notamment au sein de l’Institut, 5 infirmières de coordination.
Selon le Dr Di Palma, l’un des enjeux majeurs réside dans une bonne circulation des informations entre tous les acteurs, dont l’importance ne pourra que croître avec l’essor de la chimiothérapie orale. Pour celui-ci, l’avenir de la coordination ville/hôpital passe aussi par les réseaux territoriaux de cancérologie (l’exemple cité étant le réseau Onco94), dont les avantages clés sont de bien connaître les ressources locales, permettant une bonne réactivité et d’établir des liens de confiance avec les professionnels libéraux. Ces réseaux permettent aussi d’évaluer le patient dans sa globalité, y compris du point de vue de sa situation sociale, en faisant bien la synthèse entre le patient et sa maladie ; une situation complexe et évolutive au cours du temps.
Vigilance renforcée du pharmacien
Le pharmacien a un rôle évident à jouer dans l’accompagnement de la chimiothérapie orale ciblée. Cette dernière se différenciant de la chimiothérapie conventionnelle par son administration au long cours.
Plus de 70 traitements différents par voie orale sont disponibles aujourd’hui en officine ou susceptibles de le devenir dans les prochains mois.
Pour le Pr Olivier Mir (Institut Gustave Roussy, Villejuif) et le Dr François Lemare (Société française de pharmacie oncologique), ses trois domaines d’intervention de prédilection sont : observance et plan de prise, prévention des interactions médicamenteuses (tout particulièrement celles qui sont centrées sur le cytochrome P450 3A4) et gestion des effets indésirables, en ayant présent à l’esprit que, même de grade faible, ces derniers peuvent parfois impacter fortement la qualité de vie des patients.
Le pharmacien doit aussi mettre en garde le patient vis-à-vis de certaines « médecines douces », qui peuvent modifier la cinétique de nombreux produits, notamment les inhibiteurs de tyrosine-kinase. C’est ainsi, par exemple, que le Ginkgo biloba inhibe les cytochromes CYP3A4 et CYP2C19, tandis que le curcuma, le thé vert et le Kava Kava exercent un effet d’induction sur le cytochrome CYP3A4.
Pour faciliter le travail des pharmaciens, la Société française de pharmacie oncologique (SFPO) met à leur disposition sur son site Internet (http://oncolien.sfpo.com) des fiches d’information concernant les médicaments de chimiothérapie orale permettant de sécuriser la délivrance.
D’ici au mois d’octobre prochain, il est de plus prévu de décliner ces fiches sous forme de mini-vidéos tutorielles (Oncotuto) présentant en 4 minutes les messages clés et de proposer sous le nom de Oncodisp une aide à la dispensation comprenant un guide d’entretien. Objectif ? Faciliter la rédaction d’un courrier pour partager avec le médecin prescripteur les informations recueillies.