DEUX TABLES rondes et neuf experts pour débattre du médicament générique. La mission d’évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale du Sénat (MECSS) a ainsi pu aborder toutes les questions en suspens et tous les doutes induits par des informations parfois contradictoires. Dominique Maraninchi, directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), s’est chargé de rappeler ce qu’est un médicament générique, les exigences de l’Agence pour accorder sa mise sur le marché, le sérieux des contrôles et autres inspections ciblées ou de routine, qui sont identiques pour les princeps et les génériques. « Une politique de transparence et d’information au cas par cas est nécessaire pour rassurer sur la qualité et la sécurité des médicaments, pour que les usagers et les prescripteurs comprennent que le générique n’est pas un médicament au rabais. C’est pourquoi, face aux réticences concernant le générique, nous avons diligenté de nombreuses politiques de contrôles, comme nous l’avons fait sur le clopidogrel. La totalité des génériques a été testée. Conclusion : la quantité et la qualité du principe actif sont strictement identiques. »
Le président du GEMME, Pascal Brière, a aussi insisté sur la qualité du plan sanitaire mis en place par les autorités françaises, démontrée par le fonctionnement immédiat de l’alerte dans l’affaire toute récente du furosémide (lire pages 2 et 3 le témoignage du pharmacien qui a donné l’alerte). Rappelant que 800 millions de boîtes de génériques sont délivrées chaque année dans l’Hexagone, Pascal Brière souligne que le moindre problème sanitaire serait connu. « Il n’y a jamais eu de problème sanitaire en 15 ans, aucune remontée sur des problèmes de tolérance ou sur des effets secondaires qui pourraient survenir à l’utilisation de génériques. »
Pharmacovigilance.
Une inquiétude franco-française ? C’est en tout cas ce que pense le GEMME, qui note que tous ces doutes sur la bioéquivalence, les excipients, la tolérance, les matières premières, n’ont pas d’équivalents ailleurs dans le monde. La faute à une politique française du générique qui a écarté le médecin de son développement. Les autorités ont pourtant voulu qu’il soit l’artisan de ce développement, mais il n’y a pas adhéré. C’est ainsi que les pharmaciens sont devenus le pilier du générique, grâce au droit de substitution, en 1999. Exclu du dispositif, le médecin se méfie du générique et transmet, peut-être involontairement, ses doutes à ses patients. « À tous les médecins enclins à critiquer les génériques, je rappelle qu’il existe un système de pharmacovigilance. Il s’agit d’une obligation pour tout médecin pratiquant de remonter aux laboratoires et à l’ANSM l’ensemble des cas qui sont portés à leur connaissance », ajoute Pascale Brière. L’importance de ces signalements est soulignée également par le Pr Maraninchi : « La France a reçu 38 000 signalements en 2012, ce qui représente 20 % des signalements en Europe. Nous incitons à faire ces remontées car c’est le seul moyen pour que l’Agence puisse enquêter. »
Pour Alain Astier, membre de l’Académie nationale de pharmacie, les doutes concernant le générique ne parviennent pas jusqu’à l’hôpital. Pharmacien hospitalier, il rappelle que les établissements utilisent le générique depuis longtemps, sans aucun problème de perception par les patients. Si les hôpitaux ne sont pas passés au tout générique, c’est simplement parce qu’ils obtiennent parfois des prix imbattables auprès de laboratoires princeps. Or tout l’intérêt du générique, médicament identique au princeps, est son prix, désormais fixé avec une décote de 60 % par rapport au prix du princeps à son arrivée sur le marché.
Prescription dans le répertoire.
« La politique générique est construite comme un outil de régulation des dépenses de médicaments. La France obtient de moins bons résultats avec les génériques que certains pays voisins et on a observé un essoufflement de cette politique en 2008 et 2012 », remarque Sylvain Picard, inspecteur général des affaires sociales et coauteur du rapport de l’IGAS sur l’évaluation de la politique française des médicaments génériques. Pour lui, cela s’explique par la mauvaise présentation des génériques faite aux Français : « Dire que c’est un outil économique n’est pas rassurant car on établit un lien entre la valeur d’un bien et son prix… » Les médecins n’y sont pas suffisamment associés et peuvent être « influencés par une information partisane », de leur côté, les laboratoires peuvent être tentés de « gagner du temps » en prolongeant les brevets de leurs médicaments par tout moyen et en proposant des prix imbattables aux hôpitaux, où se trouvent « les leaders d’opinion en prescription », et d’où sortiront les prescripteurs de demain. « Au final, le rapport de l’IGAS montre très clairement qu’il n’y a pas de supériorité du princeps sur le générique. »
En 2012, la politique française du générique a relancé le marché en utilisant plusieurs leviers, le premier d’entre eux étant le dispositif tiers payant contre générique, d’une redoutable efficacité : le taux de substitution est passé en quelques mois de 72 % à 84 %. De belles économies pour l’assurance-maladie. « Rappelons-nous de ce que dit le rapport de l’IGAS », note Dominique Giorgi, président du Comité économique des produits de santé (CEPS). « Un point de substitution, c’est 29 millions d’euros d’économies supplémentaires pour l’assurance-maladie. Une baisse de prix d’un point sur les génériques, c’est aussi 29 millions d’euros d’économies. Mais un point de plus de prescriptions dans le répertoire génériques, c’est 89 millions d’euros d’économies. C’est donc le facteur sur lequel il faut insister. »
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