Défiance à l’égard de certains vaccins, négligence sur les rappels vaccinaux, crainte des adjuvants… Où en sont aujourd’hui les Français avec la vaccination ?
C’est assez difficile de répondre à cette question sans disposer d’enquêtes récentes. Cela dit, les dernières en date ne sont pas aussi noires qu’on pourrait le penser. On y constate que les opposants et les ligues anti vaccination ne représentent, somme toute, qu’une partie infime de la population. Quatre-vingt-dix pour cent des Français restent favorables, voire très favorables à la vaccination. Le mouvement anti vaccination reste très marginal. Cela dit, et ce n’est pas nouveau, quelques difficultés persistent avec certains vaccins, tels celui contre la grippe ou l’hépatite B qui ont souffert des polémiques. Mais ces réticences sont plutôt ponctuelles. Il n’y a pas, à mon sens, de défiance générale à l’égard du geste vaccinal.
Certaines vaccinations semblent pourtant souffrir de leur succès. Et lorsque les maladies qu’elles préviennent ont disparu, le réflexe de vaccination s’émousse.
Quand les maladies sont presque éradiquées, on les oublie et il ne reste que le « spectre » des effets secondaires des vaccins. L’oubli des rappels n’est pas un fait nouveau. Les couvertures vaccinales des adultes ont toujours été plus mauvaises que celles de l’enfant où l’on atteint au contraire des niveaux de couverture de plus en plus élevés. Concernant la vaccination ROR, on observe les effets d’une certaine désinformation, notamment sur la rougeole considérée à tort comme une maladie normale et bénigne de l’enfance. Pendant 30 ans on a très mal vacciné contre la rougeole, constituant ainsi une population de personnes qui ont échappé à la maladie car la circulation du virus était faible, et qui déclare aujourd’hui, à l’âge adulte, la maladie.
Quelles sont les principales étapes de l’élaboration d’une recommandation vaccinale ?
Le préalable obligatoire à toute recommandation vaccinale, est l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché du vaccin accordée habituellement par la Commission européenne. Une fois le vaccin commercialisable, la recommandation doit s’attacher à répondre à deux questions : ce vaccin est-il utile à la population française ? Et présente-t-il un intérêt tel pour la santé publique qu’il doive être pris en charge par la collectivité ? Cela relève de l’expertise technique du CTV et du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP). Le CTV est ainsi saisi par la DGS pour définir l’intérêt du vaccin en santé publique. Pour ce faire, il met en place un groupe de travail qui comprend des membres du HCSP et des spécialistes du germe en cause, des experts des centres de référence, des sociétés savantes, des épidémiologistes… Toutes les informations recueillies au terme de cette expertise, ajoutées à celles contenues dans l’AMM sur l’efficacité et la tolérance du vaccin, permettent d’établir la balance bénéfices-risques du vaccin. Un autre paramètre, qui tend à devenir de plus en plus important, est le critère médico-économique, est pris en compte. Des modèles mathématiques permettent de simuler l’impact dans une population d’une vaccination généralisée. La mesure de l’impact du vaccin c’est le nombre de cas, d’hospitalisations et de décès évités et, d’autre part, l’estimation des économies générées par cet impact mises en rapport avec le coût de la vaccination. L’ensemble de ces évaluations aboutit à un avis de recommandation qui déterminera à la fois les populations cibles de la vaccination et les schémas vaccinaux. À noter, les études médico-économiques, qui sont l’une des missions du CTV réalisées en amont de la recommandation, sont l’une des originalités du vaccin par rapport aux autres médicaments dont les critères pharmaco-économiques sont habituellement évalués en aval de la commercialisation par la Haute autorité de santé.
Le nouveau calendrier vaccinal vient de paraître. Quelles nouveautés essentielles faut-il en retenir ?
Pas de révolution. L’essentiel de la nouveauté concerne la grippe avec l’inscription des femmes enceintes et des obèses dans la liste des personnes éligibles à la vaccination. Il y a également l’arrivée du vaccin vivant atténué nasal pour les enfants qui représente un réel progrès. Même si sa commercialisation en France pose encore quelques petits problèmes. Les recommandations vaccinales pour les immunodéprimés font également leur entrée au calendrier. Ce qui est loin d’être marginal car il y a de plus en plus d’immunodéprimés en France et ces personnes sont généralement très mal vaccinées alors qu’elles sont des risques majorés de faire des infections graves. Ce qui est paru pour l’heure au calendrier 2012 n’est qu’un cadre général qui préfigure des recommandations plus précises pour cette population dans les années à venir.
Quel rôle le pharmacien peut-il jouer, selon vous, dans le suivi vaccinal de ses patients ?
J’ai toujours été favorable à l’implication des pharmaciens en matière de vaccination. Voilà des professionnels de santé dont il serait dommage de ne pas utiliser les compétences pour un défi sanitaire aussi important que celui de la bonne couverture vaccinale. Dans ce contexte, il me paraît tout à fait intéressant d’élargir leurs prérogatives dans ce domaine. Dans l’immédiat, les officinaux peuvent déjà jouer un rôle dans le contrôle de l’état vaccinal, aidés en cela par un outil précieux, le dossier pharmaceutique. Sous réserve, au passage, que la « mémoire » du DP soit plus longue que ce qu’elle est actuellement. Ils peuvent aussi être acteur dans le suivi vaccinal, dans l’incitation au rappel des personnes non à jour de leurs vaccinations. À condition bien sûr que les pharmaciens soient bien au fait de tous les vaccins disponibles et de leurs recommandations. Au-delà, on peut se demander si les pharmaciens ne devraient pas pratiquer eux-mêmes à l’officine les vaccinations prescrites. Ce qui aurait pour avantage de pouvoir s’assurer que le vaccin délivré a bien été administré et dans de bonnes conditions. Une dernière approche, peut-être un peu plus audacieuse encore, serait d’imaginer que les officinaux pratiquent la vaccination en suivant de leur propre chef les recommandations vaccinales du calendrier en vigueur. Mais cette option buterait sans doute sur quelques obstacles réglementaires, et psychologiques entre les deux professions. Sur le fond, je ne suis personnellement opposé à cette approche qui est d’ailleurs déjà en vigueur au Portugal et depuis peu en Suisse.
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