. Le premier « supermarché du médicament »
Une officine à Roissy-en-Brie s’agrandit pour devenir la plus grande pharmacie de France, avec 1 000 m2 de surface de vente. Pratiquant une politique de prix très attractive, qui emprunte largement aux codes de la grande distribution, elle est vue d’un œil méfiant par les pharmaciens. Ses confrères pointent un risque de surconsommation de médicaments lié aux prix bas, mais aussi une déstabilisation du réseau officinal alentour. L’Ordre des pharmaciens déplore également l’image « commerciale » du métier de pharmacien renvoyée par ce type d’officine, en contradiction avec les nouvelles missions.
. Les génériques
Tout au long de l’année, les génériques ont subi de nombreuses attaques (voir aussi page 10). En février, l’Académie de médecine jette un pavé dans la mare en publiant un rapport qui met en doute leur qualité et leur efficacité. En juin, une étude de la CNAM portant sur 100 000 patients tente de mettre fin aux rumeurs en démontrant qu’« il n’y a pas de différence constatée d’efficacité entre le princeps et les génériques de la simvastatine 20 mg ». En juillet, l’Académie de médecine récidive en indiquant que « des précautions s’imposent dans la prescription de certains traitements, notamment quand il s’agit de médicaments à faible marge thérapeutique ». Par ailleurs, la mise en place, en juillet, de la mesure tiers payant contre génériques, qui permet une forte augmentation du taux de substitution, provoque aussi des réticences chez certains patients. Pour restaurer la confiance, le Pr Maraninchi, directeur général de l’agence du médicament, rappelle que les génériques ne sont « pas des médicaments au rabais » et font même l’objet de davantage de contrôles que les médicaments d’origine.
. « Le guide des 4 000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux »
Dans cet ouvrage publié en septembre, les Prs Bernard Debré et Philippe Even attaquent violemment le circuit du médicament et l’industrie pharmaceutique. Ils dénoncent, entre autres, une pharmacopée pléthorique, des milliards d’euros « jetés par les fenêtres », un « refus français des génériques », ou encore un système de fixation des prix des médicaments à revoir. Les réactions ne se font pas attendre. Le Pr Jean-Luc Harousseau, président du collège de la Haute Autorité de santé (HAS) dénonce un livre « provocateur » et pointe un risque d’inquiéter les patients. La HAS reconnaît un stock excessif de médicaments en France, mais estime que c’est le rôle des pouvoirs publics de le faire diminuer. Le Pr Jean-François Bergmann, vice-président de la commission d’AMM, parle d’un livre « bâclé », qui relève « du niveau de la presse people ». Philippe Gaertner, président de la FSPF, estime pour sa part que les auteurs confondent médicaments « inutiles » et « non pris en charge ». Il réclame une réaction de l’agence du médicament à ces attaques. De leur côté, les allergologues, accusés d’être des « gourous » ou des « marchands d’illusion », portent plainte pour propos diffamatoires auprès du conseil départemental de l’Ordre des médecins. Dans la foulée, un généraliste décide d’attaquer lui aussi les auteurs, pour leur dénigrement des statines. Quant au LEEM, il juge l’ouvrage « opportuniste » et estime qu’il risque « d’alarmer inutilement les malades et de les conduire à arrêter leur traitement. » S’exprimant à l’occasion de la Journée de l’Ordre, fin novembre, la ministre de la Santé, Marisol Touraine affirme vouloir « renouer la confiance entre les Français et leurs médicaments », et dénonce au passage « des ouvrages qui ne sont pas de qualité » et qui viennent entretenir le doute sur l’efficacité des produits de santé. En écho, la présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, Isabelle Adenot, stigmatise « la diffamation irrationnelle » selon laquelle la moitié des médicaments seraient inutiles ou dangereux : « Faux et surtout dangereux ». Selon elle, « pour un minable bénéfice de notoriété médiatique, avec une telle affirmation, on jette l’opprobre sur les fabricants, les prescripteurs et les dispensateurs, et l’on décourage les experts et les autorités de contrôle qui travaillent avec conscience ».
. L’étude du Pr Séralini sur le maïs génétiquement modifié
Chercheur en biologie à l’université de Caen, Gilles-Eric Séralini publie en septembre une étude sur le maïs génétiquement modifié, qui conclut à une surmortalité des rats nourris avec du maïs OGM NK 603 de Monsanto. Immédiatement, la polémique enfle. Le « Nouvel Observateur » annonce en une : « Oui, les OGM sont des poisons ! », tandis que les scientifiques critiquent les lacunes de l’étude. Les six académies nationales (Médecine, Pharmacie, Sciences, Technologies, Vétérinaire, Agriculture) rendent un avis très sévère sur la publication, la qualifiant de « non-événement scientifique » dont « les nombreuses insuffisances » ne permettent « aucune conclusion fiable ». Ils contestent sa conception, sa méthodologie, le choix d’une souche de rats inappropriée et l’interprétation des résultats. Également très critique, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), juge l’étude « inadéquate » et « insuffisante ». De leur côté, l’Agence de sécurité sanitaire (ANSES) et le Haut Conseil des biotechnologies (HCB) estiment aussi que les conclusions avancées par les auteurs ne sont pas suffisamment soutenues par les données de leur publication. Ils recommandent néanmoins d’engager des études complémentaires sur les effets à long terme de la consommation d’OGM associés à des pesticides.
. Une université privée portugaise ouvre un cursus santé dans le Var
Le 12 novembre, l’université privée portugaise Fernando Pessoa (UFP) ouvre un cursus de pharmacie à La Garde, dans le Var. Ses caractéristiques : un recrutement uniquement sur dossier, l’absence de numerus clausus, des frais de scolarité de 9 500 euros par an, et, au bout de cinq ans d’études, la délivrance d’un diplôme portugais. Par le jeu des équivalences européennes, il permettrait néanmoins d’exercer la pharmacie en France. L’initiative provoque un tollé dans la profession. Les présidents des conférences de doyens de pharmacie, médecine et dentaire dénoncent le contournement du numerus clausus français, une sélection par l’argent et un risque de mauvaise qualité des études. L’association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF) s’insurge, elle aussi, contre des « diplômes à vendre » et craint l’apparition d’un « enseignement à deux vitesses » qui pourrait à terme provoquer une dérégulation de l’offre de soins. Les doyens ont tiré la sonnette d’alarme auprès du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Message reçu par la ministre, Geneviève Fioraso, qui demande à la rectrice de l’Académie de Nice de saisir le procureur du tribunal de grande instance de Toulon, notamment sur l’usage abusif du terme université. En parallèle, une pétition a été lancée pour réclamer la fermeture de l’UFP.
. Un pharmacien met en vente des médicaments sur Internet
Profitant du vide juridique qui entoure la vente en ligne de produits de santé, Philippe Lailler, pharmacien d’officine à Caen, propose depuis le 14 novembre d’acheter des médicaments sur son site Internet. Les patients peuvent commander jusqu’à cinq boîtes de spécialités de prescription médicale facultative et se les faire livrer par la Poste. Quant aux médicaments de prescription obligatoire, ils peuvent être réservés en ligne mais doivent être retirés à la pharmacie, sur présentation de l’ordonnance. Vivement opposés à cette initiative, l’Ordre des pharmaciens et les syndicats d’officinaux rappellent les risques de contrefaçon et de surconsommation de médicaments. Ils pointent aussi la difficulté d’apporter un conseil lorsque la dispensation s’effectue par Internet. Néanmoins, seuls les pouvoirs publics pourront trancher la question, dans le respect du droit européen. La ministre de la Santé, Marisol Touraine, reconnaît que le sujet est « très difficile », puisqu’une quinzaine de pays européens ont déjà autorisé la vente de médicaments sur Internet. Elle annonce cependant que « le gouvernement est engagé dans la recherche de garde-fous qui permettront de garantir la sécurité des patients et le rôle des pharmaciens ». Le 19 décembre, une ordonnance, adoptée en Conseil des ministres, encadre la vente sur Internet de médicaments, la réservant aux seuls pharmaciens d’officine, la limitant aux seuls médicaments en libre accès et la soumettant aux règles de déontologie applicables à l’officine.
Industrie pharmaceutique
Gilead autorise des génériqueurs à fabriquer du lénacapavir
Dans le Rhône
Des pharmacies collectent pour les Restos du cœur
Substitution par le pharmacien
Biosimilaires : les patients sont prêts, mais…
D’après une enquête d’UFC-Que choisir
Huit médicaments périmés sur dix restent efficaces à 90 %