ON PENSAIT la tempête « Mediator » passée. Il n’en est rien. Le livre des Prs Bernard Debré et Philippe Even relance en effet la polémique sur la sécurité du médicament en France. Et les deux médecins n’y vont pas avec le dos de la cuillère. Selon eux, près d’un médicament sur deux serait inutile. Une annonce qui, espérons-le, ne créera pas de panique chez les malades et dans les pharmacies. « Je crois que, dans cet ouvrage, on confond « inutile » et « non pris en charge » », réagit Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), qui demande au directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), le Pr Dominique Maraninchi, de répondre précisément à ces attaques. « Il est important qu’il rappelle à quoi correspond réellement une autorisation de mise sur le marché, explique-t-il. L’agence du médicament doit réagir lorsque la qualité des médicaments est remise en cause. » Et puis, souligne le président de la FSPF, ce livre sort alors même que le budget de la Sécu pour l’an prochain est en préparation. En effet, il y a fort à parier que les pouvoirs publics le liront d’un œil attentif, surtout le passage estimant qu’un ménage de la pharmacopée permettrait d’économiser 12 milliards d’euros.
« À qui profite le crime ? s’interroge pour sa part Lucien Bennatan. Sauf à vouloir gagner de l’argent, je ne comprends pas quel est l’intérêt de ce livre. » Mais le président du groupe PHR s’inquiète surtout des conséquences que pourrait avoir cet ouvrage sur des patients chroniques déjà peu observants.
« Les grands médicaments sont les anciens ! » clame de son côté le Dr Marc Girard. Pour lui, la chose est entendue : « Le médicament est une affaire de pharmaciens. Et les médecins Even et Debré n’ont pas du tout l’esprit pharmaceutique ! » Pour autant, l’expert en pharmacovigilance auprès des tribunaux ne rejette pas en bloc le travail de ses confrères. « Il faut reconnaître que les seuils de déclenchement d’une alerte de pharmacovigilance sont aujourd’hui trop élevés et surtout terriblement subjectifs. » Quant à la balance bénéfice/risque, elle était un bon critère d’évaluation des médicaments à visée curative, mais de plus en plus nous avons à faire à des spécialités à visée préventive, estime-t-il. « Désormais, ce rapport devient inacceptable avec un bénéfice qui tend de plus en plus vers zéro et un risque qui reste incompressible. »
Un livre bâclé.
Dans un entretien publié sur le site Internet du « Quotidien du médecin », le vice-président de la commission d’AMM, le Pr Jean-François Bergmann, réagit quant à lui vivement aux propos des Pr Debré et Even. « Si on parle de « bâclage », on peut dire que c’est un livre qui est vraiment bâclé, s’indigne-t-il. C’est un pamphlet qui a toutes les déviances du genre : excessif, approximatif, mêlant le vrai et le faux. C’est un peu du niveau de la presse people. Quand ils écrivent que c’est le CEPS qui fixe le taux de remboursement, ou quand ils disent que les médicaments clairement inefficaces sont remboursés à 65 %, cela démontre une vraie méconnaissance du système de santé, probablement liée à une certaine légèreté et rapidité dans la rédaction. » Il conclut : « C’est une démarche de chroniqueurs, pas de scientifiques. »
Mises en cause directement, les entreprises du médicament se défendent, elles aussi. « Ses deux auteurs recyclent depuis des années les mêmes théories et misent aujourd’hui de manière opportuniste sur la vague de défiance qui a touché, dans le sillage de l’affaire Mediator, le système de santé », estime ainsi le Leem, le syndicat des industriels. À ses yeux, « plutôt que d’ouvrir un débat contradictoire avec l’ensemble des parties prenantes, (une telle publication) contribue à alarmer inutilement les malades et risque de les conduire à arrêter de leur propre chef des traitements pourtant adaptés aux maladies dont ils souffrent. Le souci de la vérité et du respect des citoyens ne peut s’accommoder de tels amalgames et approximations ».
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