LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- La mesure tiers payant contre générique a-t-elle selon vous rempli convenablement son rôle ?
PASCAL BRIÈRE.- L’effet économique de la mesure tiers payant contre générique a été énorme, son efficacité est évidente. Sur le plan de la santé publique, je suis plus dubitatif. Ce système, appliqué de manière brutale, évolue dans la contrainte. Celle des patients, d’abord, auxquels on impose le générique. Il revient au pharmacien de leur expliquer que le générique n’est non pas obligatoire, mais qu’il s’agit bien du même produit. Il oublie également les 70 000 prescripteurs, premier vecteur d’information du patient, et fait l’impasse sur l’éducation sanitaire.
Que pensez-vous des propositions de la CNAM de plafonner les marges arrière et de baisser les prix des génériques ?
Ce ne sont que des propositions parmi lesquelles le gouvernement sélectionnera telle ou telle mesure. D’abord, ces propositions reposent sur un postulat erroné selon lequel les prix des génériques seraient pus élevés en France qu’ailleurs. On compare des statistiques qui ne sont pas comparables. C’est comme si on disait que les Allemands payent les voitures plus chères que les Français, alors que ce sont des voitures tout simplement différentes. Si l’on veut maintenir un réseau de 22 000 pharmacies, il faut savoir que la politique de prix des génériques et l’économie des officines sont interdépendantes. On a transféré une partie de ce qui était apporté par la marge commerciale à une partie apportée par le médicament générique. Je précise ici qu’il n’y a pas de marges arrières mais des prestations destinées à la mise en avant des marques, prestations qui n’ont rien à voir avec le médicament remboursé. Dès lors, je ne vois pas comment, à travers le dispositif proposé par la CNAM, on pourrait récupérer des prestations de service entre une officine et une entreprise privée. Revenons à l’essentiel, c’est-à-dire que le marché des médicaments génériques se développe. Et pour cela, il y a deux leviers : le premier est celui que l’on active en ce moment, c’est-à-dire le mécanisme tiers payant contre générique qui maximise la substitution, et le deuxième qui est de ramener la prescription dans le périmètre du répertoire. Un point de substitution, c’est 25 millions d’économies, et un point de prescription dans le répertoire, c’est 100 millions. Donc, ne détournons pas l’attention sur des sujets qui affaibliraient l’officine et les industriels, mais concentrons-nous sur la structure de la prescription en France.
Le Collectif interassociatif sur la santé (CISS) vient d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur la question de la bioéquivalence des génériques. Que répondez-vous à cette inquiétude ?
Je peux comprendre cette association. Elle est représentative de ce que pense des médicaments génériques une grande part des citoyens français, des médecins et jusqu’au sommet de l’Académie de médecine et même certains cénacles des corps publics. Les émetteurs négatifs ont été tellement puissants et tellement peu empêchés de répandre leurs rumeurs sur les médicaments génériques que, aujourd’hui, plus personne ou presque n’est persuadé de leur qualité et de leur équivalence. Le dispositif tiers payant contre générique est utile, pour autant qu’il soit accompagné d’une campagne de communication extrêmement forte et de longue durée, visant à rétablir la vérité sur les médicaments génériques. Car entre les études colombiennes sur la vancomycine et les rumeurs qui ne constituent pas des cas de pharmacovigilance et qui ont déstabilisé les médecins et une partie de la population, on a un travail considérable à faire en termes d’éducation sanitaire. Le retour à la confiance est fondamental. En temps qu’industriel, Biogaran travaille beaucoup sur cette confiance au travers de sa marque et des multiples services de formation qu’il propose aux pharmaciens, mais c’est insuffisant, et il faudrait un relais de la part du corps médical.
Le succès rapide du dispositif tiers payant contre générique a provoqué des ruptures de stocks. Le problème est-il maintenant résolu ?
En ce qui concerne Biogaran, nous avons réagi très rapidement à la mise en place du dispositif et nous sommes en mesure de faire face à l’augmentation des volumes induite. Nous savons que ce n’est pas le cas pour tous. Pour autant, il faut quand même se rappeler que nous étions dans un contexte de marché plat, voire en régression, et que le dispositif a été mis en place alors que les différentes usines où nous fabriquons nos spécialités ferment en général en août. Le processus de fabrication d’un médicament n’est pas simple, il prend du temps, deux à trois mois dans le meilleur des cas pour produire un lot. Mais nos stocks nous ont permis de faire face et les rares difficultés d’approvisionnement que nous avons rencontrées ont été de courtes durées ou sont en voie de résolution. Aujourd’hui nous nous félicitons chez Biogaran de dépendre principalement de fabricants français et européens, ce qui garantit un niveau de réactivité rapide pour servir nos clients.
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