ON ESTIME que si l’intervention médicale intervient pour 50 % dans la réussite de la prise en charge des patients cancéreux, une nutrition optimale et une activité physique adaptée comptent respectivement pour 25 % dans ce succès. La fréquence des troubles alimentaires comme les nausées, la perte de goût, la mauvaise perception des odeurs, expliquent que 32 % des malades redoutent le moment de manger, et 70 % d’entre eux ressentent une modification du goût des aliments. Une enquête réalisée à LaSalle Beauvais révèle que 84 % des personnes interrogées, traitées pour un cancer, revendiquent le plaisir de manger pour mieux accepter la maladie et les effets indésirables des chimiothérapies. Ce travail s’est concrétisé par la mise en place d’ateliers culinaires pour aider ces patients à retrouver le chemin de leur cuisine et (ré)apprendre à faire de bons petits plats, en adaptant leurs pratiques culinaires pour améliorer leur qualité de vie ; cette démarche a aussi été l’occasion de leur donner la parole pour exprimer leurs attentes et mettre au point des recettes validées par eux-mêmes. « Nous élaborons une cuisine sociale enrichie par les malades ; prochainement nous proposerons gracieusement cet outil simple pour une application sur smartphone afin de le rendre accessible au plus grand nombre et le réactualiser régulièrement grâce à un forum d’échange, déclare Philippe Pouillart, enseignant-chercheur à l’Institut Polytechnique LaSalle Beauvais. Les malades sont les meilleurs VRP de la bonne bouffe et, depuis plusieurs années, l’équipe de l’Institut s’intéresse à leurs comportements alimentaires. »
En les interrogeant, les chercheurs ont identifié dix effets secondaires dus aux chimiothérapies susceptibles de perturber la prise alimentaire (aphtes, mucites, gingivites, nausées, vomissements, constipation…) « C’est le ressenti final qui nous interpelle, précise l’enseignant, nous nous intéressons à l’impact du statut nutritionnel sur les effets secondaires la chimiothérapie et non sur ses résultats cliniques. Cette approche éducative vise à informer le malade et son entourage proche, autant que les professionnels de santé, qui manquent de références pour apporter des conseils dans le cadre de soins de support. » L’enquête initiale de 2010, menée auprès de 160 patients traités pour un cancer, montre que les malades recherchent certains aliments vers lesquels ils se tournent instinctivement, alors que d’autres produits sont rejetés. Pour en comprendre les raisons, une enquête complémentaire a porté plus spécifiquement sur les comportements et motivations des malades vis-à-vis des produits laitiers. Elle a concerné 43 patients d’âge moyen 56 ans (25 % d’hommes et 75 % de femmes) traités depuis deux ans pour un cancer des voies supérieures, et un cancer du sein dans 60 % des cas. Les résultats montrent l’intérêt de chaque produit laitier selon quelques situations spécifiques.
Une gamme de saveurs.
Température, consistance et aspect constituent les trois principaux critères de choix d’un aliment chez les patients sous traitement anticancéreux. Dans ce contexte, les produits laitiers ont des spécificités intéressantes. Ils peuvent être consommés nature ou incorporés dans des préparations pour adoucir les plats, les enrichir en énergie et protéines, jouer avec les textures des plats que l’on peut manger chauds, tièdes ou froids, selon les circonstances. En raison d’une irritation buccale ou d’une bouche desséchée, l’onctuosité et la fraîcheur en bouche sont très recherchées (67 %) : la crème fraîche, liquide ou épaisse, et le lait sont utilisés pour lier les ingrédients ; les fromages frais ou à pâte molle et les yaourts sont appréciées en cas de problème de mastication ; le beurre frais facilite la lubrification de la bouche, il est consommé nature, car sous forme cuite il dégage des odeurs écœurantes en cas de nausées et de vomissements. 35 % des patients ont une attirance plus marquée pour le sucré, particulièrement pour les yaourts aux fruits, les glaces ou les desserts lactés. Les personnes qui ont une capacité gustative diminuée (85 %) recherchent la saveur goûteuse marquée et celle du sel (exhausteur de goût) des fromages à pâte molle (camembert, brie…), voire les saveurs plus typées des fromages affinés aux épices et aux herbes. 43 % perçoivent un mauvais goût en bouche en lien avec le traitement ; il s’agit d’un goût métallique, accentué par le salé et l’amertume : les fromages à pâte dure incorporés dans des préparations culinaires trouvent un intérêt car ils masquent cette saveur métallique, en revanche les fromages persillés sont à éviter, car trop salés. En cas de perte d’appétit (50 %), la crème fraîche et le beurre cru sont intéressants pour leur apport lipidique énergétique sous un faible volume, ainsi que les fromages râpés et frais, type petits-suisses, faciles à consommer. Les personnes qui ont des difficultés à avaler plébiscitent les yaourts à boire et un verre de lait entier qui leur permettent en même temps de se désaltérer.
« Le cancer bouffe l’énergie du malade, il est important qu’il ait des réserves pour mieux supporter les conséquences des traitements lourds, il ne faut surtout pas faire de diète ou de jeûne, souligne le Dr Bendjaballah, du centre hospitalier de Beauvais, pôle de cancérologie. Après la maladie il faut vivre et se prémunir des récidives et des métastases, il faut renforcer la ligne des soins de support pour aider le patient à retrouver son autonomie et sa santé. »
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