« Il est anormal que l'accueil des professions libérales de santé dépende maintenant des collectivités, c'est du marchandage, assène Erick Goupil, maire de Isigny-le Buat (Manche). Mais si l'on veut garder une offre correcte pour nos concitoyens, on n'a pas le choix. » « C'est un ensemble de services qu'offre une municipalité », complète son collègue Jean-Jacques Videlo, maire de Le Sourn (Morbihan). Selon lui, le médecin appelle le pharmacien, ils attirent au bourg, ce qui profite aux commerces. La survie des pharmacies rurales est liée à la présence d'un médecin, et la commune devient partenaire du tandem médecin-pharmacien, intéressée qu'elle est à ce que les habitants disposent d'une offre de santé… et qu'ils n'aillent pas la chercher ailleurs.
La commune de Le Sourn avait innové en 2016 en salariant deux médecins, faute de trouver un remplaçant au médecin qui partait à la retraite (voir « le Quotidien » du 11 mars 2016). L'étape qui devait suivre vient d'être franchie puisque Maggy Pasquier, la pharmacienne du bourg, a trouvé en Valérie Le Tellier un successeur depuis ce mois de septembre. « J'étais en procédure de sauvegarde depuis dix-huit mois, et c'est le liquidateur qui a trouvé Mme Le Tellier, précise Maggy Pasquier. Mais il ne fait aucun doute que si la commune n'avait pas embauché deux médecins, l'officine fermait. Leur arrivée l'a sauvée. L'équipe est reprise, et c'est ce que je pouvais espérer de mieux. »
Cette consœur avait acheté en 2009, « très cher », et son chiffre d'affaires n'a fait que baisser depuis. Elle a eu du mal à rembourser, et la banque a toujours refusé de rééchelonner sa dette. « J'étais en difficulté avant le départ à la retraite du médecin », précise-t-elle, laissant comprendre que si ce départ n'avait pas été compensé par l'action de la commune, le sort de l'officine était scellé. D'autant que sa valeur « a été divisée par cinq entre 2009 et aujourd'hui », souligne Mme Pasquier.
Retraite différée
À Isigny-le-Buat, Nicole Chaib cherche à vendre depuis 1988-1989, assure son mari, Hossein Chaib, ancien médecin des hôpitaux de Rennes (Ille-et-Vilaine), puis de Paris. À près de 70 ans, Nicole Chaib aspire à la retraite, mais deux causes objectives freinaient son ambition. Les médecins du bourg étaient fatigués, travaillaient à temps partiel, d'une part. L'autre raison est immobilière : l'appartement au-dessus de la pharmacie s'étend sur 350 m2 ! Un repoussoir pour un jeune pharmacien.
« Mme Chaib est venue nous informer de son souhait de céder, contrarié par le problème des médecins, rappelle Erick Goupil. Nous avons trouvé un premier médecin venu s'installer sur la commune, puis un second, il devrait en venir un troisième, fin 2018. » La commune s'est aussi engagée à racheter l'immeuble pour qu'il ne soit pas un obstacle à la vente. « Puisque l'immobilier n'était plus une condition de la vente de l'officine, reprend le maire, nous avons demandé à Mme Chaib de revoir ses prétentions. » L'édile estime en effet trop élevé le ratio appliqué par la titulaire, dans ce secteur géographique.
Une étude économique et sociale
« Si Le Sourn n'avait pas embauché de médecins, je ne crois pas que la pharmacie aurait pu survivre, estime Jean-Jacques Videlo. Lorsqu'il n'y a pas de prescriptions locales, il n'y a pas de ventes à la pharmacie. Quand la question des médecins, puis de la pharmacie, a été posée, nous avons fait une étude économique et sociale. Nous voulions voir quels avantages tirait la commune de leur présence pour qu'on s'efforce de maintenir cette offre de soins. En fait, elle rend un service aux habitants de Le Sourn, mais aussi aux gens qui habitent à 5 ou 10 km à la ronde. »
Le maire breton s'est démené pendant deux ans, a fait des rencontres, vu des jeunes médecins. Il analyse aujourd'hui ses démarches : « On ne pousse pas des gens à s'installer là où ils ne veulent pas aller. Quand on a besoin d'une main-d’œuvre hautement qualifiée, on s'adresse à des gens qui ont un projet de vie. Il faut installer une famille, s'occuper des conjoints. »
Engagements tenus
« À la campagne, il est plus facile de trouver un véto qu'un médecin, reprend Erick Goupil. Isigny a déjà dépensé plus de 200 000 euros sur son budget pour aménager un local pour diverses offres de santé. Nous avons des kinés, des infirmières. La commune a rempli sa part du marché, nous avons tenu nos engagements. C'est maintenant à la pharmacienne de vendre son officine. »
Le cas de ces deux communes devient de plus en plus fréquent. L'une est en centre Bretagne, l'autre dans le Sud-Ouest normand, des régions malmenées. La ruralité y est plus difficile à vivre, et les élus ne sont pas habitués à traiter des problèmes d'offre de soins. Moins encore quand l'aide de l'État diminue.
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