La valeur n’attend pas le nombre des années. Une absolue vérité qui s’applique tout autant à l’initiatrice de la gamme Même qu’aux premiers produits qui porteront sa signature. Pour Judith Levy Keller, tout commence par une immense frustration. À la fin des années 2000, alors adolescente, elle constate, impuissante, les effets secondaires que produisent au niveau cutané les traitements contre le cancer dont souffre sa mère. Jour après jour, elle voit la peau de ses mains et ses pieds se dégrader, les lésions se former, l’épiderme se dessécher, s’enflammer pour se couvrir d’ampoules laissant parfois la chair à vif.
Ce sont les effets du syndrome main/pied que peuvent provoquer certaines chimiothérapies. Les ongles ne sont pas épargnés, fragilisés, enflammés, ils peuvent noircir et finir par tomber tandis que le cuir chevelu, sensibilisé par la chute des cheveux et le port de la perruque devient très inconfortable. Difficiles à supporter, parfois douloureux jusqu’à être handicapants, ces effets secondaires ont un lourd retentissement sur la vie quotidienne, conduisant certains patients à freiner les traitements.
Pour Judith, il est inconcevable de laisser ces manifestations s’installer sans chercher de solutions pour les contrer. Elle se tourne vers le corps médical pensant trouver des réponses bien rodées mais découvre que les phénomènes cutanés liés aux traitements ne sont pas pris en considération. Dépitée, elle se rend en pharmacie où elle expose sa requête, persuadée de trouver un conseil approprié auprès d’un circuit spécialisé dans le soin cutané et la dermocosmétique. Mais là encore, elle n’obtient aucune réponse, les nombreuses officines qu’elle visite connaissent mal le syndrome main/pied et ne peuvent la renseigner davantage sur un protocole de soin adapté. Démunie, consternée, elle va garder ce sentiment d’impuissance chevillé au corps.
Je m’aime et on m’aime
Quatre ans ont passé quand Judith achève des études de design dont le point d’orgue est la présentation d’un projet élaboré sur une année entière. L’étudiante n’a pas oublié les heures passées en vain à chercher des soins dédiés au syndrome main/pied pour soulager sa mère. Pugnace, elle a consacré son projet de fin d’année à offrir une réponse à la problématique. Et c’est donc une nouvelle marque de cosmétiques consacrée aux personnes sous traitement anticancéreux que la candidate présente comme sujet d’examen. Le concept remporte un vif succès et les membres du jury encouragent Judith à le concrétiser. Ce qu’elle va faire sous l’impulsion d’une rencontre décisive lors de son stage de fin d’études, celle de Juliette Couturier, étudiante à Sciences Po et HEC, à qui elle expose son idée de cosmétique spécifique. La jeune femme, dont plusieurs proches sont également touchés par la maladie, adhère totalement au projet.
Les besoins aigus en termes de prise en charge cutanée qu’engendrent les traitements anticancéreux poussent parfois les patients à la non-observance
Fin 2014, alors que leur stage se termine, elles décident ensemble de relever le défi en donnant corps à la gamme cosmétique. Celle-ci sera développée sous le nom de Même, un petit mot porteur de multiples sens, s’aimer, prendre soin de soi, rester la même, rappelant aussi le mot « maman ». Tout un discours que Judith évoque en une phrase : « Même malade, je m’aime et on m’aime ».
Début 2015, les deux jeunes femmes se lancent. Deux années seulement leur seront nécessaires pour développer une première gamme totalement dédiée au soin des peaux fragilisées par les traitements. Cet exploit n‘aurait pas été possible sans le concours infaillible d’un ensemble de professionnels voués à la réussite du projet. Tous apportent leur pierre à l’édifice, convaincus du bien-fondé d’un concept incarné par deux jeunes femmes sans capitaux, ayant à peine dépassé les vingt ans. Certains auront un rôle décisif dans ce parcours à l’exemple de Laurent Dodet, formulateur pour quelques grandes marques cosmétiques, qui s’engage à fabriquer les produits sans contrepartie : « Vous me paierez quand vous le pourrez ». D’autres prennent conscience des besoins aigus en termes de prise en charge cutanée qu’engendrent les traitements anticancéreux, poussant parfois les patients à la non-observance. Médecins, oncologues, onco-dermatologues se fédèrent autour du projet, apportant leur expertise. La marque à peine lancée, arrive à point nommé, offrant à une problématique profonde des solutions longtemps attendues.
Premiers secours
Sept produits de premiers secours, spécifiquement formulés pour atténuer les effets secondaires des traitements sur la peau, les ongles et le cuir chevelu, sont élaborés : une crème hydratante pour le visage, une crème nourrissante pour le corps, une huile lavante pour nettoyer en douceur visage et corps, une brume apaisante et nourrissante pour le cuir chevelu, un vernis au silicium pour les ongles abîmés, mous, striés ou noirs, des gants et chaussons de soin en cosmétotextile destinés à lutter contre la sécheresse des mains et des pieds, à réparer les ongles fragilisés, à apaiser les cuticules douloureuses… Toutes les formules sont développées en étroite collaboration avec une communauté de patientes qui testent chaque produit, constatent leurs effets, évaluent leurs qualités cosmétiques. La gamme fait également l’objet d’une étude clinique, financée grâce à une levée de fonds, qui démontre ses propriétés en termes de tolérance, d’efficacité et d’amélioration de la qualité de vie au quotidien. Dédiées au soin cutané des patients en phase de traitement, les formules Même excluent tous les ingrédients potentiellement sensibilisants ou allergisants ainsi que tous les composants controversés – associés de près ou de loin à un risque de cancer – pour privilégier les actifs naturels et garantir la sécurité et l’efficacité des compositions.
Toutes les formules sont développées en étroite collaboration avec une communauté de patientes qui testent chaque produit, constatent leurs effets, évaluent leurs qualités cosmétiques
Le lancement de la gamme, en janvier 2017, est effectué en digital (memecosmetics.fr, Facebook, Instagram) mais la nouvelle interpelle immédiatement les pharmaciens internautes qui, en 24 heures, contactent les fondatrices pour référencer la marque. Une cinquantaine d’officines sont implantées dans la foulée mais, faute de réseau commercial et de formateurs, la jeune entreprise ne peut aller beaucoup plus loin. Un écueil que Pierre Fabre et sa branche cosmétique feront vite oublier en devenant partenaire de la marque. Fin 2017, le laboratoire entre au capital de Même et, rapidement, la gamme voit son implantation à l’officine multipliée par dix, passant de 300 pharmacies à 3 000.
Sur mesure
Six ans plus tard, le groupe Pierre Fabre rachète l’entreprise qui reste cependant farouchement attachée à son indépendance. Entre-temps la petite structure s’est beaucoup développée, enregistrant une croissance à deux chiffres, multipliant les lancements.
En 2022, cinq produits sont présentés : un shampoing et un masque capillaire aux formules douces pour favoriser la repousse des cheveux après un traitement par chimiothérapie, un sérum revitalisant dédié aux cils et aux sourcils, un déodorant crème ultra-doux, à base de probiotiques, à appliquer au doigt pour préserver la zone cicatricielle qui peut remonter jusqu’aux aisselles, un dentifrice doux à la pêche formulé sans menthol ou dérivés de menthol afin de protéger les bouches sensibles ou fragilisées par la mucite ou les crises d’aphtes. En 2023, c’est un masque ultra-riche pour apaiser et nourrir la peau du visage qui est lancé accompagné d’une eau de soin à vaporiser sur les zones échauffées afin de soulager les sensations d’inconfort durant un traitement par radiothérapie. Cette année Même présente une nouvelle gamme de maquillage qui rencontre un vif succès. Articulée en deux axes, elle se consacre au teint (BB crème, blush, poudre bonne mine, correcteur) des peaux claires à noires et au regard (mascaras, crayons pour les yeux, feutres sourcils avec effet « poil à poil », ombres à paupières). En tout, une quarantaine de références compose la gamme de cosmétiques Même qui n’a pas oublié les hommes auxquels elle consacre ses soins cutanés mixtes.
Même Cosmetics
Fondatrices : Judith Levy Keller et Juliette Couturier. Directrice de la marque : Charlotte de Livonnière. Directeur général adjoint : Yann Auer. Effectif : une cinquantaine de collaborateurs. Sites de production : Aix-en-Provence, Brest, Lyon, Chartres, Boulogne sur Mer, Orléans. Présence dans le monde : DROM COM, Belgique, Suisse. Références de la gamme Même : une quarantaine
Octobre rose et plus encore
Active tout au long de l’année en faveur des patients et des associations de lutte contre le cancer (Unicancer, Europa Donna), la marque Même souhaite mener un peu plus loin son engagement. Dans le cadre de l’opération Octobre rose, elle lance la campagne #SansTabou afin de favoriser la libération de la parole des patientes et de leur entourage aux moyens d’articles de conseils, d’interviews de professionnels de santé, d’affichage en pharmacie et de contenu sur le site memecosmetics.fr.
Dispensation du médicament
Tramadol et codéine sur ordonnance sécurisée : mesure reportée !
Formation continue
Transmission automatique des actions de DPC : les démarches à faire avant le 30 novembre
Relocalisation industrielle
Gel des prix sur le paracétamol pendant 2 ans : pourquoi, pour qui ?
Salon des maires
Trois axes d’action pour lutter contre les violences à l’officine