La fabrication de solutés hydroalcoolique aux premières heures de la pandémie a propulsé la préparation officinale sur la scène médiatique. Pourtant, bien avant le Covid, les pharmacies disposant d'un préparatoire avaient su se rappeler aux souvenirs des Français. « Ce sont les officinaux qui, en 2009, ont réalisé les premiers des solutions buvables de Tamiflu », rappelle Éric Myon, titulaire de la Pharmacie homéopathique de l'Europe à Paris. Ou encore, lors de la rupture d'Ascabiol en 2012, de Stagid, et de l'arrêt du Lubentyl et du Spraypax, le préparatoire est venu à la rescousse. Plus proche de nous, en janvier, mortier et balance ont permis de pallier les tensions en approvisionnement de SRO (solutés de réhydratation orale) pour nourrissons.
Preuve de l’intérêt croissant porté à la préparation magistrale, les Pharmaciens des préparatoires de France (PREF), ex-Société des officinaux sous-traitants en préparations magistrales (SOTP) créée en 2003, ont tenu leur tout premier congrès, organisé avec le syndicat national de la préparation pharmaceutique (SN2P), les 11 et 12 mars à la Faculté de pharmacie de Paris. Le succès des 1e journées francophones de la préparation pharmaceutique pousse les PREF à réfléchir dès maintenant à reconduire l’événement avec leurs homologues de la préparation hospitalière. Car la collaboration est étroite avec l’hôpital, d’une part parce que la majorité des prescriptions de préparations magistrales émane de spécialistes hospitaliers, d’autre part parce que les échanges sont coutumiers entre les pharmaciens des préparatoires hospitaliers et officinaux. « L’hôpital a les moyens, nous avons les volumes », explique Sébastien Gallice, président des PREF.
Il estime qu’au moins « 95 % des préparations réalisées en pharmacie sont magistrales ». Exception faite, peut-être, de la période exceptionnelle au cours du premier confinement en France en raison de l’épidémie de Covid-19, lorsque les pharmaciens ont été autorisés (et très sollicités) à fabriquer eux-mêmes des solutions hydroalcooliques : il s’agit bien là d’une préparation officinale, qui a pu modifier pendant quelques mois le ratio des préparations magistrales/officinales. Et qui a permis de rappeler ce savoir-faire ancestral de la pharmacie à l’ensemble de la population tout comme aux pouvoirs publics.
Impasse
Le préparatoire resserre également les liens avec les prescripteurs. C'est bien évidemment le cas avec le secteur hospitalier. «Nous avons par exemple eu un appel des hôpitaux de Strasbourg portant sur l'utilisation de la gabapentine pour des douleurs neuropathiques récalcitrantes et cette demande nous a conduits à une exécution avec un excipient permettant le passage cutané », explique Élodie Haven, titulaire de la pharmacie du Pfoeller à Schiltigheim (Bas-Rhin). Dans ce cas, comme dans des demandes émanant de la ville, un travail de recherches de publications scientifiques est nécessaire. Une démarche qu'apprécie tout particulièrement cette officinale pour laquelle le préparatoire est aussi une histoire de passion. « Il n'est pas rare qu'un médecin s'appuyant sur une étude nous interroge sur l'utilisation d'une huile essentielle dans une pathologie particulière. D'autres praticiens nous sollicitent parce qu'ils se trouvent dans une impasse face à certaines pathologies ou quand ils ont besoin d'une galénique spécifique», poursuit la titulaire, dont le préparatoire mobilise trois quarts de ses effectifs et génère un tiers du chiffre d'affaires.
Remède de cheval
Actuellement, 30 à 40 % de l’activité concernent des prescriptions en dermatologie pour des patients de tous âges, souffrant de maladies chroniques de type eczéma, psoriasis, acné, etc., voire de maladies orphelines (ichtyose, kératodermie…) et environ 15 % sont générées par des ordonnances en pédiatrie. « Les préparations magistrales pour l'enfant occupent une place essentielle, souvent même indispensable, car cela revient à fabriquer un médicament qui n’existe pas pour cette classe d'âge, en adaptant la posologie ou la forme pharmaceutique », indique Sébastien Gallice.
Le reste des préparations magistrales regroupe environ 30 % de formes sèches, puis des prescriptions plus marginales, par exemple en médecine vétérinaire. « C’est un domaine où les besoins sont récurrents, ne serait-ce que pour adapter la posologie au poids d’un animal. Le remède de cheval prend ici tout son sens ! Les vétérinaires peuvent aussi avoir besoin d’un médicament qui n’existe pas dans leur discipline, ou de changer de galénique pour faciliter l’administration. On nous demande par exemple des préparations magistrales en stylo transdermique qui peuvent être plus simples à appliquer dans l’oreille d’un chat que de lui faire avaler un comprimé. »
Plus nouveau, les préparations magistrales se positionnent désormais de plus en plus comme une solution aux ruptures de stock, un fléau qui ne cesse de croître. « Elles peuvent prendre le relais immédiat en cas de manque pour passer le moment difficile, comme nous l’avons fait en début d’année pour faire face aux tensions d’approvisionnement sur les solutés de réhydratation par voie orale (SRO) pour les jeunes enfants, ainsi que sur le Kardegic. Attention ! Il n’est pas question de se substituer à l’industriel, nous faisons de l’artisanat sur-mesure le temps que les spécialités soient à nouveau disponibles. » Éric Myon déplore cependant qu'un grand nombre d'industriels ne joue pas le jeu. Il s'en explique : « quand la rupture résulte d'un problème de process, le manque de matière première n'est pas en cause. Par conséquent, il serait possible que le fabricant nous en donne l'accès. Ce qui est malheureusement loin d'être le cas systématiquement». Éric Myon cite ainsi en exemple la Dépakote, ou encore plus récemment le Clomid, dont la rupture a provoqué la perte de chances pour des milliers de femmes pendant plusieurs cycles. Pourtant, insiste-t-il, grâce aux pharmacies disposant d'un préparatoire, « les patients français ont accès à une alternative répondant à leurs besoins en moins de deux jours ouvrés».
Du CBD à haute dose
Évidemment, il ne faut pas que la rupture soit causée par un assèchement de la matière première, dans ce cas, pharmaciens comme industriels ne peuvent s’approvisionner, à moins qu’un stock propre aux officines ait été constitué. La prescription de préparations magistrales pourrait par exemple prendre la main en cas de dysfonctionnement dans l'usine, le temps que les lignes de production soient de nouveau opérationnelles. C’est dans ce cadre que les PREF souhaitent être associés aux dispositifs anti-pénuries mis en place par les pouvoirs publics, rappelant à toutes fins utiles qu’ils produisent environ 5 000 préparations magistrales par jour et qu’ils sont capables de monter en puissance.
Une possibilité qui retient toute l'attention de l'ANSM qui travaille de plus en plus étroitement avec les PREF. L'Agence du médicament ne cache pas non plus son intérêt pour un sujet émergent que les pharmaciens du préparatoire tiennent à mettre en avant : leur implication dans les préparations magistrales à base de cannabidiol (CBD). « Cela fait environ un an et demi que nous avons vu apparaître les premières prescriptions hospitalières », se souvient Sébastien Gallice. Une réponse que les spécialistes ont trouvée intéressante à creuser face à des malades en impasse thérapeutique qui, pour certains, avaient trouvé du réconfort dans la consommation de CBD en vente notamment en pharmacie. « Mais les ordonnances que nous traitons prescrivent des dosages bien plus élevés que ce qui existe dans le commerce », précise le président des PREF. Restent que des études sont encore nécessaires pour confirmer l’intérêt de la molécule dans différentes pathologies. « Il se pourrait même que le CBD puisse être un remplaçant efficace et sans addiction à certains stupéfiants ! »
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