SMUR, SAMU… Les urgences reposent en France sur un système éprouvé. La crise sanitaire en a démontré la puissance. Pourtant, hors covid, les polytraumatisés et les victimes d'arrêts cardiaques ne justifient que 5 % des urgences. Comment prendre en charge les autres situations ? Et surtout comment éviter qu’elles ne s’aggravent ? Pour fédérer urgences et cas qui pourraient le devenir sous la bannière unique des soins non programmés, une cohérence s’impose dans le parcours de soins.
C’est le constat sans appel que fait le Dr Pierre Carli, directeur médical du SAMU de Paris et co-rapporteur avec le député Thomas Mesnier de la mission « Pour un pacte de refondation des urgences ». Dans ce maillon de la chaîne, l’officine s’impose comme un acteur de proximité incontournable. Et le pharmacien est invité à jouer un rôle majeur auprès des autres professionnels de santé pour créer cette cohérence. « Car ce n’est pas au patient de trouver la porte d’entrée dans le parcours de soins, mais bien au système de l’intégrer au parcours via le premier contact qu’il aura, quel qu’il soit », plaide Pierre Carli exposant ainsi le concept du SAS (service d’accès aux soins), l’une des principales innovations proposées dans son rapport. Depuis le début de la crise, insiste-t-il, les officinaux ont fourni la preuve qu’ils pouvaient apporter une réponse quantitative dans la prise en charge précoce du patient et éviter que la population se précipite « pêle-mêle » aux urgences. Les pharmaciens sont intervenus en complémentarité pour délivrer antipyrétiques, saturomètres, thermomètres… « Il faut garder l’avantage gagné pendant la crise tout en conservant le médecin dans son cœur de métier et le pharmacien dans son rôle d’orientation et de dispensation du médicament », recommande Pierre Carli, reconnaissant au pharmacien toute sa place dans le SAS.
Rôle d'orientation
Côté patient, le constat n’est pas différent. « La population perçoit très bien l’atout majeur que représente la coordination entre médecins et pharmaciens. Les patients tiennent beaucoup à ce socle fondamental du service médical rendu et du service pharmaceutique rendu », affirme Françoise Alliot-Launois, vice-présidente de l’Association française de lutte antirhumatismale (AFLAR). Pour développer cet accès aux soins non programmés et améliorer le parcours-patients, les pouvoirs publics œuvrent actuellement au développement du SAS. Comme le décrit le Dr Sophie Augros, conseillère médicale à la direction générale de l’offre de soins (DGOS), il sera tout d’abord géré par la filière médicale, urgentiste, mais aussi, en ville, par les médecins généralistes. Cependant, dans un deuxième temps, le SAS est destiné à s’ouvrir aux autres professions et en particulier aux pharmaciens. Les professionnels de santé disposeront ainsi de toutes les cartes – y compris la mise en commun d’outils numériques et sécurisés, prescription numérique, plateforme et numéro d’appel global - pour appréhender les soins non programmés « de manière large et non plus en silo », se félicite Pierre Carli.
Au rang de ces outils figure naturellement la télé-expertise, à laquelle les pharmaciens ont accès par l’arrêté du 3 juin 2021 mais qui demande à être précisée dans le champ conventionnel. Les textes leur permettent désormais de s’en emparer, notamment dans l’orientation du patient, l’un des rôles clés du pharmacien. « Le pharmacien est souvent le premier professionnel de santé qui reçoit le patient, c’est à la sortie de la boîte de nuit ou pour un traumatisme lors d’une activité sportive. Cet aspect de l’orientation est l’un des points les plus intéressants du système de soins car il démontre l’importance quantitative et qualitative des liens ville hôpital », expose Pierre Carli.
Expertise du médicament
L’officine dispose de deux autres portes d’entrée. La première est son rôle dans la délivrance des prescriptions du 15 ou des effecteurs du 15. Cette dispensation de la thérapeutique alors qu’on dispose du diagnostic permet le maintien à domicile et évite l’hospitalisation. « Il doit être possible de réaliser des prescriptions pendant les gardes et les nuits, c’est essentiel si l’on veut faire fonctionner l’ensemble des professionnels de santé dans la prise en charge des patients, explique Pierre Carli. Si on doit envoyer quelqu’un aux urgences pour avoir un médicament, c’est l’échec de notre système ! » Cette dispensation peut se faire par le biais d’une pharmacie dédiée aux urgences ou encore par une pharmacie de garde, « cela relève de la stratégie mise au point au niveau local en fonction des ressources disponibles », précise-t-il. Enfin, troisième rôle de l'officine, la dispensation de médicaments prescrits à l’hôpital afin que ces patients puissent en ressortir rapidement.
Que ce soit dans la permanence des soins ou dans la prise en charge des soins non programmés, le pharmacien doit être reconnu en tant qu’expert de la validité et de la pertinence de la prescription. Il a par conséquent toute sa place dans un dispositif coordonné, en tant qu’interlocuteur pharmaceutique, au même titre que les médecins spécialistes, pour faire avancer les situations complexes, insiste Pierre Carli. Pour Sophie Augros, les CPTS, dont la compétence première est l'organisation des soins non programmés, offrent au pharmacien le cadre idéal pour s’impliquer dans cette mission. D’autant que, rappelle-t-elle, les protocoles de coopération s’élargissent désormais, laissant au niveau local toute latitude pour mettre en place un partage des compétences dans un cadre sécurisé.
Typiquement, la piqûre de tiques pourrait faire l’objet d’un tel protocole, selon cette généraliste de formation. Après que la stratégie médicale de prise en charge a été définie par les acteurs, tout comme le retour d’information vis-à-vis de tous les professionnels concernés. Le pharmacien aurait ainsi le premier rôle de régulation, notamment pour vérifier le lien entre la piqûre et l’apparition d’un érythème migrant, voire avec l'appui de la télé-expertise. Au médecin de prendre ensuite en charge, si besoin en est, ce qui relève de la plus-value médicale.
* Organisés le 30 juin par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).
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