Face à des déserts médicaux qui progressent – plus de 6 millions de personnes n'ont plus de médecin traitant dont 600 000 en ALD-, la coercition et l'incitation à l'installation ont émaillé la campagne en faisant office de solutions miracle, rappelle Aurélie Dureuil, directrice de la rédaction du « Généraliste ». Mais n'est-il pas temps de changer les règles ? Interroge-t-elle.
François Braun, référent santé d'Emmanuel Macron, tient tout d'abord à faire une mise au point : « il n'y a pas de solution miracle. Mais un panel d'outils qu'on va utiliser en fonction des territoires car il n'y a pas deux déserts médicaux qui se ressemblent. » Par ailleurs, déserts médicaux ne signifie pas forcément déserts de santé. C'est sur ce constat que s'appuie le programme du candidat Macron qui mise sur tous les professionnels de santé. À court terme, la solution la plus efficace est de redonner du temps aux libéraux en allégeant leurs tâches administratives qui mobilisent 25 % de leur temps. Deux moyens existent. D'une part, favoriser et continuer à développer l'exercice en groupe que plébiscitent les jeunes. D'autre part, « renforcer la présence des assistants médicaux, des infirmières salariées par l'assurance-maladie en territoires sous denses, nous allons redonner ce temps aux médecins », préconise-t-il.
Aurélie Dureuil émet l'idée de prendre le problème à bras-le-corps, dès la formation au cours des études ? Un internat dans les zones sous dotées ne pourrait-il pas, dans ce cas, constituer une solution ? « Un internat doit être partout et pour tous les professionnels de santé, médecins, infirmiers, sages-femmes… Il faut attirer les jeunes dans ces territoires en leur donnant les bonnes conditions, favoriser les stages dès le début des études dans les zones sous denses, leur donner des bonnes conditions de travail, un logement. Ces expériences vont leur donner l'occasion de connaître ces territoires et leur donner envie d'y retourner », énumère François Braun. Pour autant, affirme-t-il, « forcer la quatrième année de médecine générale à aller dans ces territoires est une absurdité en termes de formation. Parce qu'on a besoin de cette quatrième année de médecine générale pour améliorer les compétences. De plus, on ne va pas envoyer dans les zones les plus difficiles les soldats les moins préparés puisqu'ils n'ont pas fini leurs études ».
Sur du plus long terme, François Braun croît au parcours d'excellence. Il consiste à inciter les jeunes de ces territoires à s'engager dans des études de santé. « Car, rappelle le référent santé, on a dix fois plus de probabilités de s'y installer quand on en est originaire. »
L'attractivité des zones sous-denses, corrélée à un aménagement du territoire, est également la clé du problème pour le Rassemblement national qui s'oppose à toute mesure coercitive que ce soit pour l'installation ou le conventionnement, comme le rappelle son référent santé, le Dr Barriot. Selon lui, en Centre Val de Loire, par exemple, il faudrait doubler le nombre de médecins formés alors qu'il n'y a qu'une seule faculté, à Tours. « Or, on ne peut pas demander toujours plus à l'hôpital public à moyens constants, reconnaît-il, sachant qu'il a une triple mission, de soins, d'enseignement et de recherches. » Il cite l'exemple du maire LR d'Orléans qui a décidé d'autoriser une antenne privée de la faculté de Zagreb, et de financer les études des jeunes qui s'engageraient à rester pendant cinq ans dans la région. Une initiative qui avait d'ailleurs soulevé un tollé parmi les doyens de facultés et incité le ministre à élever l'hôpital d'Orléans au grade universitaire.
Le Rassemblement national serait-il favorable à une telle privatisation ? Patrick Barriot voit davantage dans cette illustration la nécessité de donner à l'hôpital public les moyens de remplir sa triple mission. De manière plus pragmatique, Marine Le Pen, rappelle-t-il, veut revaloriser le C à 40 euros dans les zones sous-dotées. Une mesure qui pourrait être également efficace.
Aussi, n'est-il pas contradictoire, dans ce contexte d'un métier en tension, de proposer de restreindre le recours aux diplômés hors de l'Union européenne ? « Pas du tout, car c'est une appropriation de médecins étrangers qui manquent cruellement dans leur pays, comme l'a souligné l'Algérie récemment », se défend le Dr Barriot. Et de poursuivre « Ce n'est pas un problème de compétences mais d'assurer une procédure d'autorisation d'exercice qui soit réelle doublée d'une maîtrise de la langue française ».
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