Tout au long de l’année 2020, l’officine aura été le seul espace de santé en ville à avoir tenu ses portes ouvertes sans discontinuer. Rien ne garantissait que les turbulences de la crise seraient bénéfiques à son économie. Pourtant les experts-comptables poussent un ouf de soulagement. La marge en valeur qui n’avait cessé de croître au cours des deux années précédentes a de nouveau progressé en 2020, a expliqué en substance Carole Lejas, expert-comptable, présidente de la commission pharmacie du réseau Exco, lors d’une conférence du e-congrès de l’USPO*. Joël Lecoeur, président du réseau CGP, annonce même que l’officine a engrangé en moyenne 12 000 euros de marge brute supplémentaire l'an passé. « Les titulaires doivent cette bonne nouvelle pour un tiers à l’activité liée au Covid, pour un tiers aux médicaments chers et pour le dernier tiers aux nouvelles rémunérations », détaille l’expert-comptable.
Une analyse contestée par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (voir encadré) mais corroborée par les données présentées par IQVIA. « Le rôle joué par les honoraires est prépondérant. Alors que le chiffre d’affaires du médicament remboursable est en retrait de 0,6 % en 2020, les honoraires à l’acte progressent de 64 % à 1,7 milliard d’euros. Sans ces nouvelles formes de rémunération, le marché serait clairement en décroissance », confirme Dimitri Guillot, directeur des relations chez IQVIA. Sans compter, insiste-t-il, que le non remboursable (OTC), victime des gestes barrières, subit un recul de 10 % de son chiffre d’affaires (2,3 milliards d’euros). En retour, crise sanitaire oblige, les médicaments de la sortie hospitalière progressent de 23,3 % à 2,4 milliards d’euros tandis que les ventes de produits hors AMM (SHA, thermomètres…) enregistrent une hausse de 6,6 % à 5,2 milliards d’euros.
Des honoraires régulateurs
Dans ce contexte, où d’importantes distorsions surgissent entre, d’un côté, les pharmacies de passage (centres commerciaux, centres touristiques…) pénalisées par les confinements, et de l’autre, les pharmacies rurales et de gros bourgs bénéficiant de l’effet « proximité », les honoraires jouent un rôle tampon. Selon IQVIA, ils abondent ainsi en 2020 la marge brute à hauteur de 289 millions d’euros pour les honoraires de dispensation, de 484 millions d’euros pour les honoraires de délivrance de médicaments spécifiques, de 96 millions d’euros pour les honoraires liés à l’âge et de 41 millions d’euros pour les ordonnances de cinq lignes ou plus. « Ce sont au total l'équivalent de 28 % de la rémunération officinale (marge brute HT) – soit 10 points de plus qu’en 2019 - qui ont été protégés en 2020 de la variation des prix et des volumes de ventes, grâce aux honoraires pour les médicaments spécifiques (16 %), liés à l’âge (6 %) et à l’ordonnance (6 %) », expose Manuel Antonio, consultant principal chez IQVIA.
On ne peut en dire autant des honoraires à la boîte qui cèdent un point par rapport à 2019, pour ne plus constituer que 47 % de la rémunération du pharmacien (51 % en 2018). Un recul minime mais qui, dans le contexte du déremboursement de l’homéopathie, donne à Gilles Bonnefond un argument supplémentaire pour justifier sa désaffection pour ce type d'honoraire.
2021, année de tous les dangers
La lecture de ces tendances ne fait que conforter le président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) dans ses choix stratégiques : aller chercher la croissance dans les nouvelles missions, la rémunération des actes métier et, principalement, le déploiement des honoraires liés à l’âge et aux médicaments spécifiques majorés en 2020.
De fait, les experts-comptables et IQVIA s’accordent à reconnaître le rôle protecteur de l’avenant 11 dont l’USPO est signataire. Cet avenant conventionnel a, selon eux, permis de préserver 938 millions d’euros de rémunération au cours des trois dernières années, dont rien que 509 millions d’euros entre 2019 et 2020. En effet, démontre IQVIA, la marge brute du réseau officinal s’élève à 5,5 milliards d’euros en 2020, contre une marge de 5 milliards d’euros selon sa simulation sans avenant.
Ces bases seront-elles cependant assez solides pour faire face aux nouvelles chutes des volumes de vente qui se profilent (lire ci-dessous) ? Joël Lecoeur qualifie 2021 « d’année de tous les dangers » car ce sera la première année comparable à l'exercice précédent pour les honoraires. L’USPO a d’autant plus à défendre son bilan qu’à l’échéance électorale des URPS de mars-avril succéderont de nouvelles négociations conventionnelles avec l’assurance-maladie. Mais le syndicat a foi en la capacité de son modèle à résister aux aléas. Les résultats de 2020 semblent lui en avoir donné la preuve. Et la vaccination contre le Covid ainsi que le retour des prescriptions médicales, qui avaient chuté de 18 % chez les spécialistes et de 23 % chez les généralistes l’année dernière, laissent entrevoir de meilleures perspectives.
*Jusqu’au 14 mars.
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