La France va entrer dans le dur de la campagne de vaccination contre le Covid. Avec l’arrivée, d'ici à fin juin, de 7 millions de doses de vaccin Moderna et de quelque 38 millions de doses du vaccin Pfizer/BioNTech*, deux défis vont devoir être relevés : garantir une logistique sans faille pour ces produits fragiles et organiser l’administration de deux doses de vaccin à 50 millions de Français.
Dans un cas comme dans l’autre, le réseau officinal demande à être impliqué. C’est d’ailleurs un quasi-plébiscite à en croire la consultation expresse réalisée par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Sur les 4 000 pharmaciens qui y ont répondu, 84 % se déclarent prêts à vacciner contre le Covid. Philippe Besset, président du syndicat et son conseil d’administration ont de leur côté réitéré au gouvernement le soutien de la profession dans la stratégie vaccinale. Les étudiants en pharmacie sont prêts eux aussi à assurer leur concours et plaident pour être impliqués « en complémentarité de tous les acteurs du monde de la santé », selon un communiqué de l'Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF). Faire participer les étudiants inscrits en 6e année filière officine (au nombre de 1 500 environ) serait particulièrement pertinent, estime Athénaïs Ercker, attachée de presse de l'ANEPF : « En stage officinal durant la moitié de l'année, ils sont formés et accompagnés. Leur permettre de vacciner contre le Covid-19 serait donc parfaitement cohérent à la fois pour l'obtention de leur diplôme mais aussi parce que c'est à cela que va ressembler leur futur métier. »
Le rappel à l'officine
À quelques jours du début de la campagne vaccinale des personnes âgées de 75 ans et plus, la FSPF veut encore croire à la vaccination par les pharmaciens. Que ce soit dans des centres ou à l’officine. « Il faut réconcilier grâce à différentes solutions, les Français militants de la vaccination, prêts à se rendre dans les centres, et ceux plus frileux qui ont besoin d’être convaincus par leur professionnel de santé de proximité », expose le président de la FSPF.
Il est vrai que face à la vaccination massive de la population française, tous les bras sont requis. Et les pouvoirs publics ne peuvent plus ignorer la force de frappe du réseau officinal : 400 000 personnes ont été vaccinées en officine au premier jour de la campagne contre la grippe ! Autre record détenu par la profession, sur les 3,5 millions de tests antigéniques réalisés, 3 millions ont été effectués en officine avec une pointe à 257 000 tests la seule journée du 23 décembre. Ces constats nourrissent les convictions de la FSPF. Le syndicat maintient son scénario d'une vaccination par des pharmaciens volontaires dans les centres de santé - sous la supervision d’un médecin - pour la primo-injection. « Le rappel pourra se faire en officine », indique Philippe Besset. Il subsiste pour l’heure, convient-il, un dernier rempart à cette implication des pharmaciens. « Un arrêté ministériel doit modifier celui du 23 avril 2019 fixant la liste et les conditions des vaccinations que les pharmaciens d'officine peuvent effectuer et donnant lieu à la tarification d'honoraire en application du 14° de l'article L. 162-16-1 du code de la Sécurité sociale », précise Pierre Fernandez, directeur général de la FSPF. Sous réserve que ce dernier verrou soit levé, Philippe Besset mise sur la mobilisation de l’interprofessionnalité sur le terrain, notamment par le biais des CPTS, pour organiser la vaccination.
Ne pas seulement remplir les frigos
Mais Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), est loin de partager cet enthousiasme. Encore très attaché à la vaccination contre le Covid à l’officine, il y a quelques jours, le président de l’USPO peste aujourd'hui contre l’exclusion de la profession. Et alors qu'un décret du 7 janvier prévoit que les centres puissent être approvisionnés en vaccins par les pharmaciens d'officine, il met en garde ses confrères. « Soyez prudents avant de vous engager dans les centres de vaccination. Aucun rôle, aucune rémunération pour les pharmaciens ne sont prévus au cahier des charges de ces centres », dénonce-t-il. « Les pharmaciens en seront-ils réduits à s’occuper des frigos et de la paperasserie ? Comment pourront-ils endosser ces responsabilités s’ils ne sont pas inclus dans les process de logistique et de traçabilité ? » Et de lancer : « Ceux qui ont voulu exclure les pharmaciens assumeront. »
Le président de l’USPO ne décolère pas et n’en finit pas de soulever les incohérences d’une campagne qui, selon lui, démarre mal. Car, expose-t-il, côté logistique, quelques dysfonctionnements sont déjà à mettre sur le compte de l’un des acteurs, Geodis, auquel a été confié l’acheminement dans les officines des vaccins dédiés aux EHPAD de quatre régions. Alors que ces livraisons viennent tout juste de commencer dans le Grand Est, des erreurs dans les livraisons de seringues ont déjà été remontées au syndicat. Quant au calendrier, dénonce Gilles Bonnefond, le logisticien prévoit la distribution des premières doses en EHPAD, en Bretagne, dans le Morbihan, le… 6 février ! La liste des griefs s'allonge. Le même logisticien tenait à livrer les pharmacies le samedi jusqu’à 23 heures au motif qu’elles sont fermées le lundi. Une allégation démentie par les réalités du terrain et qui peut compromettre la distribution des vaccins aux résidents dans le respect du délai de cinq jours, dénonce le président de l'USPO.
Ces premiers couacs avec Geodis, qui s’est vu confier la répartition des vaccins pour les EHPAD du Grand Est, de Normandie, des Hauts de France et de Bretagne, ne sont pas sans rappeler aux pharmaciens un autre épisode. Celui d’une livraison catastrophique des masques d'État au printemps dernier par le même prestataire. La campagne de vaccination ne saurait souffrir une nouvelle désorganisation. Les pharmaciens, et avec eux les Français, ne le pardonneraient pas au gouvernement.
* Données ministère de la Santé sous réserve des commandes et des livraisons des laboratoires.
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