Passions indiennes
Présenté comme un « Autant en emporte le vent » indien, « les Collines du tigre » (1) est le premier roman de Sarita Mandanna. Elle le situe en 1878 dans sa région natale de Coorg, dans le sud de l’Inde, des collines célèbres pour leurs plantations de café.
Le récit a pour héros deux enfants, Devi et Devanna, qui ont grandi ensemble et dont les destins semblent liés et tout tracés. C’était sans compter un « mariage de tigre », une cérémonie au cours de laquelle Devi aperçoit Machu, un homme déjà et un chasseur réputé, mais que Devi, bien qu’elle soit encore une enfant, se jure d’épouser un jour. Alors même que l’amitié de Devanna pour son amie se transforme en amour. Chacun alors va tenter de construire sa vie mais le drame se noue, qui nous emmènera jusqu’aux années 1950 et qui se perpétuera à travers les générations futures. Un roman épique, riche de sentiments et de paysages luxuriants.
Anges et démons
L’Inde est également au cœur du roman d’Éric Le Nabour, « les Anges de Jaipur » (2). Ce n’est pas la première fois que l’auteur, à qui l’on doit de nombreux ouvrages historiques, choisit ce pays comme décor. Un décor grandiose, évidemment, qui, cette fois, nous conduit de Bénarès à Calcutta et jusqu’aux régions les plus reculées du Tibet. Car il s’agit d’un roman d’aventures qui offre un éclairage personnel sur les prémices du mysticisme nazi.
On est en 1923. Mussolini et Hitler s’apprêtent à prendre le pouvoir en Europe ; hindous et musulmans s’affrontent au cœur de l’Inde. En 1925, Matthias d’Assenbourg, un jeune diplomate français, est en voyage de noces à Calcutta – une ville qu’il n’aime pas – lorsque sa jeune épouse disparaît subitement. Il est accusé de meurtre. L’histoire se complique avec des morts incompréhensibles, un savant hindou qui en sait trop, des textes de propagande antisémite, des agents anglais de l’Intelligence Service et une course-poursuite jusqu’à la ville rose de Jaipur, où des « anges » lui livreront la clé de l’affaire.
Une peinture de l’exil
À côté de l’Inde, le Sri Lanka est une autre terre de merveilles et de drames. Roma Tearne, peintre reconnue et romancière dont la famille a fui ce pays lorsqu’elle était âgée de 10 ans, nous présente sa terre natale dans « Retour à Brixton Beach » (3), un best-seller en Grande-Bretagne.
L’histoire commence au début des années 1970, lorsque l’île s’appelle encore Ceylan. Alice est une petite fille heureuse, qui vit entre sa mère Sita, qui est cinghalaise, et son père Stanley, qui est tamoul. Mais la guerre civile commence, Stanley décide d’émigrer en Angleterre où se trouve déjà son frère?; la fillette, qui a 9 ans, le rejoindra bientôt. Bien que parlant parfaitement l’anglais, elle aura du mal à s’intégrer, même lorsque, au bout de plusieurs années, un professeur remarquera son talent pour le dessin, qu’elle tient certainement de son grand-père resté là-bas. D’une île l’autre, une peinture de l’exil assez pessimiste, éclairée par une réflexion sur l’art et la créativité, refuge contre la brutalité du monde, qui nous apprend également beaucoup sur le Sri Lanka.
Roman policier et roman de mœurs
Les déchirements d’un pays, l’Arabie saoudite, sont aussi le thème d’un autre roman d’action et de suspense, « les Mystères de Djeddah » (4). Son auteur, Zoë Ferraris, a vécu en Arabie saoudite avec son mari et sa famille après la première guerre du Golfe. Son précédent roman, « la Disparue du désert », a été traduit en quinze langues. Entre roman policier et roman de mœurs, celui-ci dévoile sans complaisance les contradictions d’un pays qui utilise la religion comme une arme pour mieux soumettre les hommes et les femmes.
Le corps d’une jeune femme est retrouvé sur une plage de Djeddah, le visage et les mains atrocement brûlés. Il s’agit de Leila, une journaliste divorcée depuis peu. Un portable est dissimulé dans sa burqa, où l’on peut voir plusieurs photos d’œuvres d’art coraniques. Dans le même temps, Éric, un expatrié américain fraîchement débarqué à Djeddah, disparaît. Une jeune légiste et un guide palestinien, spécialiste du Coran, mènent l’enquête.
Un tango halluciné
Buenos Aires des années 1930, vous connaissez, du moins si vous avez lu le diptyque considéré comme le chef-d’œuvre de Roberto Arlt, « les Sept Fous » et « les Lance-Flammes ». Après « les Sept Fous » l’année dernière, c’est au tour de « Lance-flammes » (5) d’être réédité, vingt ans après la précédente édition. On retrouve, dans cette épopée hallucinée, tous les protagonistes dans la ville en pleine mutation, autant de personnages déglingués, de détraqués, de misérables à la dérive. Et, parmi eux, un humilié, un inventeur raté (ce que fut aussi le grand écrivain argentin), bouc-émissaire d’une société corrompue, qui ira jusqu’au bout de son chemin menant à l’abîme, ou, plus simplement, au néant.
Trajectoire sociale
Le voyage dans les classes sociales peut être aussi douloureux. En témoigne « Rich Boy » (6), le premier roman d’une nouvelliste très connue, Sharon Pomerantz, qui raconte la trajectoire d’un homme, de la classe ouvrière du Philadelphie des années 1950 à la haute société du Manhattan des années 1980. Soit quatre décennies d’histoire américaine, vues à travers les yeux d’un rêveur obstiné, et fresque haute en couleur sur la lutte des classes, des sexes et des sentiments.
Le héros est un jeune garçon issu du quartier juif ouvrier de Philadelphie, dont la beauté et l’intelligence lui permettent de fréquenter les universités les plus fermées de la Nouvelle-Angleterre, même s’il doit travailler pour acheter ses livres. Il investit ainsi les plus hautes sphères de la société américaine et finit par posséder tout ce qu’il désire. Jusqu’à la rencontre fortuite avec une jeune fille de son ancien quartier, qui menace d’effriter l’identité qu’il s’était soigneusement fabriquée.
(2) Presses de la Cité, 317 p., 20,50 euros.
(3) Albin Michel, 506p., 23 euros.
(4) Belfond, 482 p., 22 euros.
(5) Belfond, 374 p., 20,50 euros.
(6) Flammarion, 489 p., 20 euros.
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