LA TECHNIQUE de l’« apport-cession » est répandue, depuis longtemps, dans les entreprises commerciales non réglementées. En effet, malgré des conditions un peu plus strictes imposées depuis deux ans par Bercy afin d’éviter les abus de droit, un dirigeant qui souhaite céder les titres de sa société a tout intérêt à les apporter d’abord à une société holding, qui revend ensuite elle-même les titres. Pourquoi ?
Aujourd’hui, un dirigeant qui vend ses parts de société – ses droits sociaux – directement à un autre dirigeant est imposé assez lourdement sur la plus-value dégagée lors de cette vente, c’est-à-dire sur la différence entre le prix de vente et le prix d’achat des titres. Il en est de même pour un pharmacien qui cède les parts d’une SEL à l’IS (SELARL, SELAFA, SELAS…) : sous déduction d’un abattement, dans le cas général, de 50 % après deux ans de détention des titres et jusqu’à huit ans et de 65 % après huit ans de détention, la plus-value est soumise au barème progressif de l’impôt sur le revenu. L’impôt à payer peut donc être élevé. En outre, les prélèvements sociaux (au taux de 15,5 % en 2014) sont dus sur la totalité du gain net perçu.
En pratique, toutefois, il existe un cas principal dans lequel cette imposition est faible, c’est celui de la plus-value réalisée par un titulaire partant à la retraite. Dans cette hypothèse, en effet, avant d’être soumise au barème de l’impôt, la plus-value est d’abord diminuée d’un abattement fixe forfaitaire de 500 000 €, et en cas d’excédent, le surplus est réduit d’un abattement majoré (incitatif) pour durée de détention dont le taux est de 50 % après un an et moins de quatre ans de détention des titres, de 65 % après quatre ans et moins de huit ans de détention, et de 85 % après huit ans. Ainsi, un titulaire qui part à la retraite en cédant les parts de la société qui exploite l’officine peut donc bénéficier d’une fiscalité très allégée. Mais, dans de nombreux autres cas, le régime de l’apport-cession est plus avantageux.
D’abord un apport.
Dans un premier temps, le principe est « d’apporter » les parts de la société d’exploitation (obligatoirement une SEL) à une SPFPL constituée pour l’occasion. Le pharmacien reçoit alors, en contrepartie de l’apport de ses parts dans la SEL, des titres de la SPFPL. Au final, il détient donc la SPFPL qui détient la SEL. La plus-value constatée, à ce moment-là, sur les parts de la SEL, peut bénéficier d’un report d’imposition* jusqu’à la cession ultérieure de ces titres par la SPFPL si cette cession intervient dans un délai de trois ans après l’apport. Toutefois, même dans ce délai de trois ans, le report d’imposition est maintenu si la SPFPL réinvestit 50 % au moins du produit de la cession des titres dans une autre SEL, dans un délai de deux ans après la cession.
Au stade de l’apport, la plus-value sur les titres de la SEL est donc neutralisée non seulement sur le plan fiscal, mais également sur le plan social, puisque les prélèvements sociaux bénéficient aussi du report de taxation. « Attention néanmoins au coût fiscal de l’apport lui-même », prévient Dominique Leroy, expert-comptable au cabinet Exco Norméco. En effet, l’apport des titres d’une SEL à une SPFPL est soumis aux droits d’enregistrement, dont le montant peut dans certains cas être élevé : pour les parts d’une SELARL, 3 % pour un apport à titre onéreux (avec prise en charge du passif de l’apporteur par la SPFPL), contre 0,10 % seulement en cas d’apport à titre onéreux de titres d’une SELAFA ou d’une SELAS. « Attention également, poursuit Dominique Leroy : en cas d’apport avec une soulte, le report d’imposition tombe si cette dernière excède 10 % de la valeur nominale des titres reçus en échange de l’apport. » En pratique, une soulte est une somme d’argent que le pharmacien, qui apporte ses parts de SEL à une SPFPL, se réserve. Mais ce peut-être aussi, du point de vue fiscal, la prise en charge par la SPFPL d’un passif du pharmacien apporteur (un endettement). Il faut donc être vigilant sur ce point.
Ensuite la cession.
Dans un second temps, le titulaire vend son officine. La SPFPL cède donc à autre pharmacien les parts ou actions de la SEL qui lui ont été apportées, en principe au même prix ou pour un montant proche. Si les conditions fiscales de l’opération sont réunies, le report d’imposition de la plus-value produit alors son plein effet et il y aura peu, ou pas, de plus-value à payer pour la SPFPL : pas de plus-value si elle cède les titres de la SEL pour un prix correspondant à leur valeur d’apport, ou avec un montant de plus-value faible si ce prix est légèrement supérieur. En effet, comme on l’a vu plus haut, si la cession des titres de la SPFPL est réalisée après trois ans de détention, le report d’imposition de la plus-value est maintenu, même en l’absence de réinvestissement. Ce délai de trois ans conditionne donc l’optimisation fiscale de l’opération.
Deux points à noter encore. Tout d’abord, les successions et donations n’étant en principe pas taxables au regard des plus-values, le report d’imposition applicable dans le montage de l’apport-cession peut se transformer en une exonération définitive si le pharmacien décède ou si, surtout, celui-ci fait donation à un enfant (par hypothèse diplômé) des titres de la SPFPL. Toutefois, si cette donation confère à l’enfant le contrôle de la SPFPL, il devra personnellement assumer l’imposition de la plus-value en report si, ultérieurement, il cède les titres qui lui ont été donnés dans un délai de dix-huit mois à compter de la donation. Il en sera de même si la SPFPL n’a pas respecté l’engagement de réinvestissement de 50 % au moins à la suite de la cession des titres qu’elle a recueillis dans l’apport. Par ailleurs, l’un des intérêts de l’apport-cession est aussi de permettre à la SPFPL de disposer à son actif, après la cession des titres de la SEL, de liquidités qui n’ont pas ou qui n’ont que peu subi l’impôt sur les sociétés. De ce point de vue, l’apport-cession peut donc être considéré comme un outil de réinvestissement pour le pharmacien qui vend son officine, puisqu’une SPFPL peut détenir des participations dans une, deux ou trois SEL.
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