LES ÉTUDES statistiques publiées chaque année par les grands cabinets d’expertise-comptable spécialisés dans la profession montrent que le loyer commercial représente un poste de charges de plus en plus élevé pour les officines. « Le montant moyen des loyers est passé de 19 658 euros en 2012 à 20 564 euros en 2013, avec une évolution de plus de 8 % depuis 2011 », explique ainsi Fiducial dans sa dernière étude annuelle sur l’économie des officines. Or « ces frais deviennent parfois intenables, particulièrement en milieu urbain où la pression immobilière est la plus forte. Certaines pharmacies deviennent inexploitables et, à terme, invendables, du fait de charges de loyer allant jusqu’à 10 % de leur chiffre d’affaires », commente Philippe Becker, directeur du Département Pharmacie de Fiducial, dans cette même étude.
D’où proviennent donc ces hausses de loyer que subissent les pharmaciens, notamment dans les grandes villes ? Essentiellement de la réglementation des baux commerciaux, qui permet aux propriétaires, sous certaines conditions, de déplafonner le montant du loyer lors de la révision triennale ou lors du renouvellement du bail commercial.
En effet, lors de la révision triennale du bail (tous les trois ans), le montant du loyer révisé doit correspondre à la valeur locative des locaux, mais dans la limite de la variation de l’indice référencé au contrat. Toutefois, le bailleur peut écarter ce plafonnement et demander une augmentation plus importante s’il démontre qu’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité (c’est-à-dire de la commercialité du quartier) a entraîné, depuis la conclusion du bail ou la dernière révision, une variation de plus de 10 % de la valeur locative des locaux. Cette règle constitue souvent un point de friction entre le propriétaire et le pharmacien locataire.
De même, le loyer du bail renouvelé (après les neuf premières années du contrat) doit correspondre à la valeur locative des locaux, mais dans la limite d’un plafonnement résultant de la variation de l’indice retenu, intervenue depuis la dernière fixation du loyer. Mais de nombreuses situations permettent, en pratique, d’écarter le principe du plafonnement et de demander donc au pharmacien locataire un prix supérieur à celui qui résulte de la simple variation de l’indice.
Ainsi, le loyer peut être augmenté et déplafonné s’il y a eu en cours de bail, comme lors de la révision, une modification importante (« notable ») dans la commercialité du quartier. Mais attention, il n’est pas besoin ici que cette modification ait entraîné une variation de plus de 10 % de la valeur locative : il suffit qu’elle ait entraîné une hausse de la valeur locative, quelle qu’elle soit.
D’autres circonstances peuvent également permettre au bailleur de déplafonner le loyer lors du renouvellement du bail. Notamment :
- si le bail qui vient à échéance avait une durée supérieure à neuf ans ;
- si le bail est renouvelé pour une durée supérieure à neuf ans ;
- si le bail qui vient à échéance s’est poursuivi tacitement au-delà de douze ans.
Dans ces situations, le nouveau loyer peut être fixé au prix de la nouvelle valeur locative des locaux.
Pour mettre un peu d’ordre dans cette réglementation globalement très avantageuse pour les bailleurs, la loi Pinel du 18 juin 2014 l’a réformée sur plusieurs points importants. Ces nouvelles dispositions devraient pouvoir donner un peu d’air aux officines dont le loyer est devenu trop élevé.
Une hausse plafonnée.
Premier point à connaître : le déplafonnement des loyers, au moment du renouvellement du bail, est désormais encadré. Explication : le plus souvent, le bail commercial est renouvelé tacitement à son expiration et le loyer est en principe plafonné et fixé en appliquant simplement l’indexation. Mais, si le loyer est déplafonné, notamment lorsque la valeur locative des locaux a fortement augmenté (voir ci-dessus), une forte augmentation du loyer peut avoir de graves conséquences financières pour l’exploitation. La loi prévoit donc désormais que « la variation du loyer qui en découle ne peut conduire à une augmentation supérieure, pour une année, à 10 % du loyer versé au cours de l’année précédente ».
Par conséquent, dans les cas où le plafonnement ne s’applique pas, la loi limite à 10 % du dernier loyer acquitté les réajustements annuels qui peuvent être demandés par le bailleur au pharmacien locataire. Ce « plafonnement du déplafonnement » du loyer s’applique à tous les baux d’officines conclus ou renouvelés depuis le 1er septembre 2014. À noter cependant que le bailleur et le locataire peuvent déroger à ces règles en insérant une clause contraire dans le bail. Il faut donc être vigilant sur ce point lors de la signature d’un nouveau bail ou d’un avenant éventuel au contrat de bail.
Un nouvel indice.
Jusqu’à présent, le propriétaire d’un local d’officine et le pharmacien locataire pouvaient choisir entre deux indices pour indexer le loyer chaque année ou tous les trois ans : l’indice INSEE du coût de la construction (ICC) ou l’indice des loyers commerciaux (ILC).
Or l’indice du coût de la construction a connu une forte progression ces dernières années, sous l’effet notamment des variations du coût des matières premières. Pour lisser les hausses annuelles ou triennales des loyers, la loi supprime donc l’ICC comme référence au calcul du loyer révisé ou renouvelé. En pratique, et pour les contrats conclus ou renouvelés depuis le 1er septembre 2014, seul l’indice des loyers commerciaux peut être utilisé pour le calcul de l’indexation du loyer. Pour les – nombreux – pharmaciens dont le contrat est en cours et fait référence à l’ICC, une mise en conformité avec la loi s’impose normalement lors du prochain renouvellement du bail. Mais deux exceptions viennent tempérer cette règle.
Premièrement, les règles relatives au plafonnement du loyer d’un bail renouvelé n’étant pas d’ordre public, rien n’empêche que le propriétaire et le locataire organisent les conditions financières du renouvellement en recourant à l’ICC. Ensuite, la loi n’interdit pas de faire référence à l’ICC lors de la révision d’un loyer comportant une clause d’échelle mobile, ce qui peut être le cas, par exemple, pour les loyers des baux de centres commerciaux.
En bref, l’indice du coût de la construction n’est plus le seul indice de référence dans le calcul de l’indexation du loyer, mais il n’est pas totalement abandonné.
Charges limitées.
La loi Pinel de 2014 contient également une nouvelle mesure qui intéresse les pharmaciens confrontés, souvent, à des charges de bail excessives. Avant la loi, en effet, le statut des baux commerciaux était muet sur la question des charges, des impôts et des taxes récupérables ou non sur le locataire. Il était donc possible, pour le propriétaire, de récupérer sur son locataire l’ensemble de ces sommes. Désormais (pour les baux conclus ou renouvelés depuis le 4 novembre 2014), ces charges sont réglementées.
Ainsi, tout contrat de location doit comporter un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, avec l’indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire. En outre, certaines catégories de charges ne peuvent plus être imputées au locataire (décret du 3 novembre 2014) :
- les dépenses de grosses réparations ;
- les dépenses de travaux de vétusté ou de mise en conformité avec la réglementation, si ce sont des grosses réparations ;
- les impôts, notamment la contribution économique territoriale (CFE), les taxes et les redevances dont le redevable légal est le bailleur. À noter toutefois que la taxe foncière du bailleur peut continuer d’être imputée au pharmacien locataire (cette pratique est d’ailleurs fréquente !) ;
- les honoraires du bailleur liés à la gestion des loyers du local ou de l’immeuble faisant l’objet du bail ;
- dans les ensembles immobiliers comportant plusieurs locataires (tels que les centres commerciaux), les charges, impôts, taxes, redevances et le coût des travaux relatifs à des locaux vacants ou imputables à d’autres locataires. À noter toutefois que dans les centres commerciaux, une pondération des charges, des impôts, des taxes ou des redevances entre les différents locataires reste possible, sous réserve d’une information préalable.
Par ailleurs, l’inventaire des charges doit dans tous les cas faire l’objet d’un état récapitulatif adressé par le bailleur au locataire, au plus tard le 30 septembre de l’année suivant celle au titre de laquelle il est établi.
Acquérir les locaux.
Dernière novation apportée par la loi : à l’instar de ce qui existe déjà en matière de baux d’habitation, elle institue un droit de préemption - c’est-à-dire un droit de priorité - au profit du locataire en cas de vente par le propriétaire du local commercial. En pratique, si le propriétaire envisage de vendre les locaux, il doit en informer le pharmacien locataire par lettre recommandée avec accusé de réception. Ce dernier est ainsi prioritaire pour en faire l’acquisition, dans un délai d’un mois. En cas d’acceptation, il dispose ensuite, à compter de la date d’envoi de sa réponse au bailleur, de deux mois pour réaliser la vente. En cas de recours à un prêt, son acceptation est bien entendu subordonnée à l’obtention du prêt.
Cette nouvelle obligation s’applique normalement à toute cession d’un local intervenant depuis le 1er décembre 2014. Mais ce droit est en réalité restreint, car il connaît de nombreuses exceptions. En outre et surtout, ce n’est pas une disposition d’ordre public, et le contrat de bail peut donc y déroger par une clause expresse…
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