L’ARTICLE L. 622-1 du code du séjour des étrangers prévoit une peine de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 30 000 euros pour « toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour d’un étranger en France ». Cet article est la traduction en France des accords de Schengen, lesquels créent en Europe un espace de circulation complètement libre, mais protégé à sa périphérie par une vigilance policière et douanière accrue. Les associations et les bénévoles qui, au nom de leur conscience, viennent en aide aux clandestins, notamment ceux qui espèrent encore gagner l’Angleterre, bien qu’elle ne soit plus du tout le paradis de l’emploi qu’elle fut, sont indignés par un texte qui exige d’eux, en quelque sorte, d’ignorer la détresse des immigrés et de tuer dans l’œuf leurs réactions compassionnelles. Ils estiment que la loi est inapplicable, et même qu’elle serait scélérate. Elle est pourtant le produit d’une législation européenne destinée à accroître la liberté de circulation.
Les représentants de l’État, préfets ou policiers, qui livrent une bataille pernanente contre l’immigration clandestine, affirment de leur côté qu’ils ne s’en prennent ni aux clandestins ni à ceux qui volent à leur secours mais aux passeurs qui alimentent, contre des sommes importantes, la chaîne de la clandestinité. En 2008, l’article L 622-1 a été utilisé 4 800 fois par la justice mais uniquement, affirme le ministère de l’Immigration cité par « le Monde » daté du 9 avril (qui a publié sur ce dossier, le même jour, un reportage remarquable et complet), pour lutter contre les passeurs. Les associations sont donc fondées à souligner l’innocence des clandestins, mus par le seul espoir d’échapper à un total dénuement, mais elles ne sauraient défendre la cause des passeurs qui traitent leurs « clients » comme du bétail et les laissent parfois mourir de suffocation ou de froid dans des camions scellés.
La frontière sépare donc la compassion pour les clandestins et la nécessité de réprimer une pratique ignoble. Tout le problème est contenu dans l’application de la loi. Les policiers et les juges sont-ils capables d’établir une minutieuse discrimination entre innocents et criminels ? Là-dessus, un metteur en scène, Philippe Lioret, réalise un film intitulé « Welcome » qui raconte les poursuites lancées contre un chic type (joué par Vincent Lindon) dont le seul délit est d’avoir aidé un Afghan en situation irrégulière sur notre territoire. Le film a remporté un succès considérable. Il s’est très vite inséré dans le débat sur la le délit de solidarité en apportant aux associations une foule d’arguments, tous inspirés par le principe de solidarité humaine.
Un argument absurde et mensonger.
Toute la question est de savoir si, dans la réalité, on arrête, traduit en justice, jette en prison les bénévoles qui aident les clandestins, si en France un État policier pourchasse ses administrés, si la situation d’aujourd’hui, comme l’affirme M. Lioret, rappelle en tous points l’Occupation et ces Français admirables qui ont caché des Juifs pour leur éviter la déportation et la mort. Nous avons déjà, dans ces colonnes, fustigé cet amalgame qui entache l’action actuelle des associations, car il est répété à longueur de journée sur les ondes par les bénévoles. Les Juifs, sous l’Occupation, n’auraient pas demandé mmieux que d’être traités comme les immigrants d’aujourd’hui pour avoir la vie sauve. C’étaient des citoyens français livrés aux nazis par leur propre État (ou des étrangers auxquels il n’avait accordé sa protection que pour les abandonner par la suite à un sort funeste). Le risque que le code des étrangers fait courir aux bénévoles ou membres des associations n’est en aucune manière comparable au risque pris par ceux qu’on a désignés plus tard comme « Justes » et qui encouraient la peine de mort.
À quoi il faut ajouter que la justice n’est pas du tout sévère contre les clandestins eux-mêmes que, en général, elle se contente de reconduire aux frontières quand ils sont arrêtés par la police. Toujours selon « le Monde », 7 964 procédures concernant des étrangers en situation irrégulière ont été lancées et seulement 248 ont eu des suites judiciaires, soit à peine un peu plus de 3 % des cas. Si le clandestin lui-même échappe aux foudres de la justice française, il nous semble bien improbable que le Français qui lui vient en aide subisse un châtiment très douloureux.
Il est impératif que les associations dénoncent avec force l’amalgame fait entre les clandestins et les Juifs pendant la Deuxième guerre mondiale. Cet argument est à la fois si absurde et mensonger qu’il jette un doute sur leur propre éthique et sur leurs réelles motivations. Il est scandaleux que l’on fasse de la police une milice pétainiste et de nos juges les auxiliaires d’une imaginaire Gestapo. S’agit-il de charité ou de basse politique ? Une fois que leur argument inacceptable sera levé, le problème vaste et profond de la désobéissance civile sera posé . On ne doit pas ignorer la souffrance d’autrui si l’on a une conscience. Mais on ne peut pas non plus abolir aisément une loi qui vise à réprimer l’activité hautement criminelle des passeurs et à contrôler une immigration anarchique qui, en définitive, met plus en danger les clandestins que les Français.
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