LE PROPOS du prix Médicis 2011 (5 voix, contre 4 à Charles Dantzig) est tout entier contenu dans le titre du roman : « Ce qu’aimer veut dire » (P.O.L.). Et pour illustrer son propos, Mathieu Lindon rend hommage à deux hommes qu’il a aimés parfois dans la difficulté, son père, l’éditeur Jérôme Lindon, disparu en 2001, et son ami, le philosophe Michel Foucault.
Critique littéraire à « Libération » depuis 1984, Mathieu Lindon, 56 ans, a publié son premier livre aux Éditions de Minuit, créées par son père, mais, à la demande de celui-ci, sous un pseudonyme. Liés par la même passion pour la littérature, le père, tout d’austérité, et le fils, épris de liberté, ont formé une famille où l’amour n’avait pas droit de cité. Ce qui fut loin d’être le cas entre Mathieu Lindon et Michel Foucault, qui se sont rencontrés à la fin des années 1970 et ne se sont pratiquement pas quittés jusqu’à la mort du philosophe en 1984. Ils étaient amis, pas amants, mais c’est à son contact que Mathieu Lindon a revendiqué son homosexualité et c’est lui qui l’a sauvé de ses nuits de folie.
C’est à sa mère que rend hommage Delphine de Vigan, dans « Rien ne s’oppose à la nuit » (Lattès), qui a remporté le prix Roman France Télévisons (11 voix, contre 6 à Sorj Chalandon). On se plaît à rappeler que ce prix est décerné par un jury de téléspectateurs amoureux de littérature.
Auteur notamment de « No et moi », un best-seller adapté à l’écran par Zabou Breitman, ou de « Jours sans faim », sur l’anorexie, la romancière, 45 ans, retrace la destinée de sa mère. Convoquant les témoignages et collectant documents et photographies, elle décrit, au terme de cette enquête poignante, le parcours vers la folie d’une femme lointaine et d’une grande beauté, qui finira par se suicider.
Le deuil des enfants.
Olivier Frébourg est l’un des lauréats ex æquo du prix Décembre, pour son récit « Gaston et Gustave » (Mercure de France). Il y évoque la mort, il y a quelques années, de l’un de ses jumeaux, Arthur, grand prématuré. Déjà remarqué avec des titres comme « Maupassant, le clandestin » ou « Roger Nimier, trafiquant d’insolence », l’auteur place ce livre sous le signe de son compatriote Gustave Flaubert – ils sont nés tous les deux à Rouen et Olivier Frébourg a installé sa maison d’édition Les Equateurs à Sainte-Marguerite-sur-Mer –, en qui il voit un père en littérature, et il dépasse son drame intime pour une réflexion sur la filiation, la transmission, la terre natale. Étranger. « Une femme fuyant l’annonce » (Seuil) est signé David Grossman, 57 ans, un écrivain israélien engagé, auteur de huit ouvrages de fiction et de plusieurs essais, qui milite pour la paix à travers ses écrits ainsi qu’au sein du mouvement « La Paix maintenant ».
Le sujet d’« Une femme fuyant l’annonce » repose sur la prémonition qu’a une mère de la disparition prochaine de son fils parti à la guerre et sur l’angoisse qu’on vienne un jour lui annoncer sa mort. Pensant que si elle n’est pas à la maison, on ne pourra pas l’informer de la mauvaise nouvelle et donc que celle-ci n’arrivera pas, la mère entreprend un long voyage à travers le pays. David Grossman avait commencé le roman depuis plus de trois ans lorsque l’un de ses fils, qui faisait son service militaire dans le Sud-Liban, a été tué.
C’est encore un livre de deuil écrit comme un roman que le prix Femina Étranger a salué, « Dire son nom » (Christian Bourgois). Francisco Goldman, qui est né en 1954 à Boston d’une mère guatémaltèque et d’un père américain, y fait revivre, depuis son enfance jusqu’à leur rencontre, sa femme Aura Estreda, qui a été emportée en 2007 par une vague énorme alors qu’elle faisait du surf. Elle allait avoir 30 ans et ils étaient mariés depuis quatre ans.
« Si je n’avais pas rendu Aura aussi intéressante qu’elle l’était dans la vie, si les lecteurs ne l’avaient pas aimée, j’aurais été dévasté. Je n’aurais plus jamais écrit », a assuré Francisco Goldman. Journaliste et professeur de littérature à l’université, il est l’auteur de nombreux ouvrages primés et traduits dans une dizaine de langues.
Un ailleurs très proche.
Le voyage, on le sait, peut être immobile ou lointain, ce qui n’est pas contradictoire. C’est ainsi que le colauréat du prix Décembre, Jean-Christophe Bailly, a porté ses pas pendant trois ans du nord au sud de l’Hexagone pour réfléchir à ce que le mot « France » désigne aujourd’hui.
Son ouvrage, « le Dépaysement » (Seuil), est un itinéraire rêveur et réfléchi, avec une succession de rencontres naturelles ou façonnées par l’homme, des plus connues aux oubliées et qui, dans leur diversité et sachant comment elles ont été façonnées, constituent ce qu’il appelle « l’instantané mobile d’un pays », l’identité nationale.
Essayiste, romancier, dramaturge et directeur de revues, Jean-Christophe Bailly, 62 ans, est docteur en philosophie et il enseigne à l’École nationale supérieure de la nature et du paysage de Blois.
Sylvain Tesson est allé, lui, plus loin, pour accomplir son voyage immobile. Il a vécu six mois dans une isba de rondins au bord du lac Baïkal, en ermite, par moins 30 degrés Celsius. Le « journal d’ermitage » qu’il a tenu est devenu un livre, « les Forêts de Sibérie » (Gallimard), qui lui a valu le prix Médicis Essai, après avoir frôlé de justesse le Renaudot.
Géographe de formation âgé de 39?ans, écrivain voyageur qui a arpenté la Terre à pied, à cheval et à vélo – il a obtenu le prix Goncourt de la Nouvelle en 2009 pour « Une vie à coucher dehors » –, Sylvain Tesson est parti à la rencontre de sa vie intérieure, entre occupations de survie quotidienne, contemplation de la nature, lectures et écriture, le tout pimenté de vodka.
Les jeunes jurés du prix Goncourt des Lycéens ont donné leurs voix à une « écriture poétique, qui offre une autre vision du monde », en sacrant le deuxième roman de Carole Martinez (qui avait été finaliste du Goncourt), « Du domaine des murmures » (Gallimard).
Il met en scène un XIIe siècle où s’entrechoquent la rigueur du christianisme et les légendes païennes héritées du passé, et une jeune femme emmurée de son propre chef pour échapper à un mariage imposé. Devenue mère malgré elle en dépit de l’enfermement, elle devient une sorte de sainte écoutée de tous et si dangereuse que la hiérarchie catholique finira par lui imposer un vœu de silence perpétuel.
Insolite
Épiler ou pas ?
La Pharmacie du Marché
Un comportement suspect
La Pharmacie du Marché
Le temps de la solidarité
Insolite
Rouge à lèvres d'occasion