C’EST un véritable cri d’alarme que lancent les directeurs de CFA de France. Le nombre des inscriptions dans leurs établissements chute dangereusement. La preuve ? Alors qu’ils étaient 11 360 à s’inscrire il y a six ans, on dénombrait seulement 9 231 élèves en formation au Brevet Professionnel (BP) à la rentrée 2007 (voir encadré). Et le phénomène ne semble pas prêt de s’éteindre. « Il faut aujourd’hui alerter la profession, si cette désaffection s’aggrave, certains CFA risquent un jour de devoir fermer », augure Jean-Paul Provost, qui préside la Commission paritaire nationale de l’emploi et de la formation professionnelle de la pharmacie d’officine (CPNE). À Lyon, la baisse des effectifs a été de 33 % en 10 ans, confirme Marc Suchon, directeur du CFA. « Rien qu’entre les rentrées 2007 et 2008, les inscriptions ont chuté de près de 15 % », témoigne de son côté Philippe Denry, titulaire et enseignant au CFA de Nancy. Une chute sensible donc, mais pas partout. Car certains CFA semblent quelque peu épargnés par l’érosion des effectifs, tels ceux de Rouen, Bordeaux ou Orléans.
Les titulaires reviennent au comptoir.
Quoi qu’il en soit, même si le phénomène apparaît disparate selon les régions et les CFA, il est globalement présent et tout à fait préoccupant pour l’avenir. Quelles en sont les causes ? Que s’est-il passé ces dix dernières années pour en arriver là ? « Les raisons de cette désaffection sont sans doute multiples, répond Christian Blanc responsable de la formation à la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Mais il faut avoir avant tout conscience que la branche ne peut pas absorber plus que ses besoins. » Dit de façon plus triviale, et sauf le respect que l’on doit à la profession : « on ne donne pas à boire à un âne qui n’a pas soif ». Bref, le facteur limitant, c’est le titulaire, résume Philippe Denry.
Au moins trois éléments pourraient expliquer cette diminution des besoins en effectifs, détaille Christian Blanc : « Nous avons bénéficié de gains de productivité, notamment grâce à l’informatisation des officines. D’autre part, le ralentissement de l’activité et la dégradation de l’économie des officines ont poussé nombre de titulaires à revenir au comptoir (voir également en page 3), car l’emploi d’un apprenti préparateur coûte cher aux entreprises ; enfin, le rythme de travail et les horaires tardifs des fermetures d’officine sont peut-être mal adaptés à une profession (celle des préparateurs, NDLR) très largement féminisée. »
Des remèdes.
« Conjoncture économique défavorable », « mauvaises expériences », « équipe officinale au complet » ou encore « manque de temps à consacrer à l’apprenti », sont les raisons le plus souvent invoquées par les titulaires qui ne souhaitent pas porter la casquette de maître d’apprentissage*. Des arguments qui ne dispensent toutefois pas la profession d’une petite autocritique : « Certains maîtres d’apprentissage ne font pas leur boulot, et il n’est pas rare de trouver des préparateurs qui, au terme de leur formation, sont parfaitement incompétents », déplore ainsi Jean-Paul Provost.
Rendre l’apprentissage plus séduisant, à la fois pour les titulaires et pour les élèves, est l’une des solutions proposées par Guylaine Drut-Grevoz, directrice du CFA de Dijon. « Dans notre établissement, nous allons renouveler l’initiative " Journée porte ouverte " qui avait emporté un franc succès l’an passé. Dans le même esprit, nous avons mis au point deux journées de formation destinées aux apprentis préparateurs, l’une en dermocosmétique, l’autre en orthopédie, qui rencontrent l’adhésion des titulaires ».
C’est également pour accroître les compétences et préparer aux nouvelles missions des préparateurs que les CQP ont été créés. « Les certificats de qualification professionnelle définis par la CPNE visent à la reconnaissance de nouvelles qualifications pour les employés au sein des pharmacies, explique ainsi Jean-Paul Provost. Le premier CQP mis en place concerne aujourd’hui la dermocosmétique. »
Vers un nouveau référentiel.
Mais plus encore que des formations ou spécialisations supplémentaires, c’est la formation initiale des préparateurs qui doit être repensée. « Nous réfléchissons à la refondation du BP, déclare ainsi le président de la CPNE. Car le référentiel des études de préparateur ne correspond plus à ce qui se fait dans les officines ». Apprendre aujourd’hui aux élèves à réaliser des suppositoires au bleu de méthylène semble pour le moins décalé de la réalité officinale. Un programme pédagogique archaïque, voilà ce que Jean-Paul Provost et quelques autres représentants de la profession sont allés dénoncer l’an passé au ministère de la Santé. « Malheureusement, nos revendications sont à ce jour restées lettre morte », témoigne-t-il. Reste le référentiel des activités professionnelles (RAP). La CPNE travaille actuellement à sa refonte complète. « Ce référentiel, qui a déjà 17 ans, nécessite bien plus qu’un lifting car il y manque notamment les notions d’accueil, de communication, et les nouvelles missions ». Ce chantier pourrait arriver à son terme en mai prochain.
Aujourd’hui, près de 56 000 préparateurs exercent leur art dans les officines françaises. Mais les 70 CFA répartis sur le territoire accusent une baisse des effectifs qui laisse augurer une pénurie de préparateurs dans les années qui viennent. Or la chute des inscriptions a pour conséquence directe la réduction des subventions sur lesquelles vivent les CFA. « Quelles que soient les raisons de leur désengagement, les titulaires employeurs doivent réaliser que, le jour où la conjoncture économique leur sera redevenue favorable, ils n’auront peut-être plus de candidat apprenti. Il ne faut pas que les CFA disparaissent », conclut Guylaine Drut-Grevoz.
D’après un débat organisé par le magazine « Porphyre » lors de Pharmagora 2009.
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